Notre époque n’a pas inventé le bling-bling. Il faut croire que montrer qu’on a des sous est une nécessité de la nature humaine. Bien avant les yachts et les Rolex, le 17ème et le 18ème siècle ont eu la rage de la dentelle.
C’est somptueux, la dentelle. Celle que l’on produisait autrefois en Normandie est d’une stupéfiante finesse, avec des détails si minuscules qu’il faut la loupe pour les apercevoir. Chaque pièce est un chef-d’oeuvre de dextérité et de minutie.
Si la dentelle a été un tel must, c’est parce que c’est très beau et aussi parce que c’est très cher ; son prix en faisait la valeur, si j’ose dire, la marque du statut social.
Quand on essaie d’imaginer le prix d’une pièce de dentelle sous Louis XIII ou Louis XIV, on est généralement en dessous de la réalité. Un beau mouchoir que les élégants tenaient à la main valait 700 grammes d’or : 14 000 euros ! Plus précieux qu’un bijou.
Le prix horriblement élevé vient un peu de la cherté de la matière première, des fils de lin, de coton ou de soie très très fins et de la meilleure qualité, mais surtout de la main d’oeuvre et des intermédiaires. Même sans les charges, il fallait quand même payer les dentellières, et elles y passaient du temps, les pauvres.
La fabrication de la dentelle est d’une lenteur désespérante. 15 à 25 heures pour un centimètre, paraît-il, selon la difficulté du motif. Ce qui revient à dire qu’en une journée de 7 heures on fait entre 3 et 5 millimètres.
Elles ont été des dizaines de milliers à s’y atteler, à ce patient labeur de fourmi. Des armées de dentellières levées dans les provinces, puisque la fabrication de la dentelle portée à la ville par les riches était délocalisée à la campagne, notamment en Basse-Normandie. Et tous ces yeux et tous ces doigts agiles entraînés dès l’âge de la maternelle ont produit des flots de dentelles qui sont allés orner les cols, les poignets, les mouchoirs, et jusqu’aux carrosses et aux harnachements des chevaux.
Dans la course aux signes extérieurs de futilité et de richesse, les aristocrates du Grand Siècle sont allés très loin. Ils importaient tant de dentelles de Venise qu’ils en déséquilibraient la balance du commerce extérieur. Pour que tous ces beaux capitaux profitent à la richesse du royaume, Colbert a pris des mesures radicales. Il a fondé des manufactures royales de dentelles où l’on a d’abord copié ce qui se faisait de mieux en Italie, puis créé des points nouveaux hallucinants de délicatesse.
Il nous reste de ce prestigieux savoir-faire des noms célèbres : dentelle de Bayeux, Blonde de Caen, point d’Alençon… Les villes dentellières normandes se sont réunies dans une route des dentelles qui sillonne trois départements, allant d’Alençon, Argentan et La Perrière dans l’Orne à Bayeux, Courseulles et Caen dans le Calvados, avec un crochet par Villedieu les Poëles dans la Manche.
Au fil des musées on se familiarise avec les techniques, dentelles à l’aiguille, aux fuseaux ou au filet. Et l’on reste soufflé par les jonchées de pivoines et de roses que les dentellières ont fait naître du bout de leurs doigts, et qui témoignent encore aujourd’hui de la maîtrise absolue qu’elles avaient de leur art. Celles qui savaient créer ces merveilles avaient plus de prix que les personnes qui les ont portées.
Je crois que la dentelle photographiée ci-dessus est normande, mais sans en avoir la certitude. Si vous pouvez m’aider à la localiser, un grand merci d’avance.
Bonjour ,
je suis dentellière amateure et j’ arrive sur votre blog suite à un commentaire sur le mien. Je serais tentée de dire que la dentelle photographiée est du " fleuri de Craponne" mais je n’en suis pas sure du tout. Je vais me renseigner auprès d’amies dentellières plus spécialistes que moi pou reconnaître l’ origine des dentelles. Si j’ai la réponse je reviendrai vous le dire.
Bernadette
Merci Bernadette ! Et merci à ylvekio aussi qui a eu la gentillesse de vous poser la question. Je ne pensais pas avoir une réponse aussi vite !
me revoilà.
J’ai montré cette photo à des amies dentellières. Deux ont donné la même réponse c’est de la Duchesse. La dentelle Duchesse à une origine belge mais peut se pratiquer par des dentellières de toutes régions. J’ai trouvé quelques explications ici en tapant " dentelle duchesse" sur le moteur de recherche.
Bernadette
Merci à vous et à vos amies, c’est très gentil de me renseigner sur le point utilisé pour cette dentelle. Quant à savoir si elle a été fabriquée en Normandie, c’est ptêt’ ben qu’oui, ptêt’ ben qu’non, n’est-ce pas ?
C’est ça, on ne peut pas savoir si c’est une dentellière normande qui a réalisé cette dentelle.
cordialement.
Bernadette