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Nymphéas bleus

Nymphéas bleus, Claude Monet, musée d'Orsay Paris FranceNymphéas bleus, Claude Monet, 1916-1919, huile sur toile, 2,00m x 2,00m, musée d’Orsay, Paris.

Deux mètres sur deux mètres : la toile ci-contre est de dimensions respectables. Pour Monet, c’est la taille maximale pour peindre en plein air, ces étés de la guerre 1914-1918.
On ne sait pas exactement quand Monet peint ces Nymphéas bleus qu’on peut admirer au Musée d’Orsay à Paris. Monet travaille chez lui, donc hors du cadre temporel d’un voyage, et il peint toujours la même chose ou presque, ses lettres ne donnent donc pas beaucoup d’indices. Daniel Wildenstein, l’auteur du catalogue raisonné de l’oeuvre de Monet, avance la fourchette 1916-1919.
Le maître de Giverny ne bouge plus de son jardin à cette époque. Il est septuagénaire, et puis c’est la guerre. Il a le sentiment de participer à l’effort de guerre en travaillant, lui qui se sent « un vieillard ». Il peint. De temps en temps il offre une toile à une vente de bienfaisance au profit des poilus. La presse locale a gardé trace de son don d’un tableau à la tombola du 24 avril 1916 organisée pour financer l’hôpital auxiliaire de Vernon. Prix du billet de tombola : 50 centimes…
Cela lui arrive, mais ce n’est pas pour les tombolas qu’il peint, évidemment. C’est un élan patriotique qui l’anime, lui qu’on célèbre comme une des gloires de la France. Et c’est aussi la continuation de cette fièvre de peindre qui le dévore depuis toujours.
A mesure que sa vision diminue Monet voit grand. S’il peint des toiles de quatre mètres carrés en plein air pendant l’été, c’est pour mieux se lancer dans les immenses étendues de ses Grandes Décorations en atelier pendant l’hiver.
Les Nymphéas bleus d’Orsay font partie de ces oeuvres estivales de préparation. Le tableau frappe par son coloris. Un beau bleu profond est étalé sur tout le fond de la toile. Il justifie le titre de l’oeuvre, où « bleu » s’applique au tableau et non aux fleurs représentées, qui sont blanches et roses.
Formant un faible contraste avec ce bleu, le vert des feuilles de nénuphars occupe une large surface au centre du tableau. La tonalité assez foncée de l’ensemble pourrait faire penser que la toile a été peinte de nuit. Mais c’est plus sûrement l’ombre que Monet a représentée. Il était couche-tôt, pas du genre hibou, et puis les nénuphars se ferment pendant la nuit. Ici ils sont épanouis.
Piquées au milieu des feuilles qu’elles éclairent de leurs teintes claires, les fleurs sont évoquées en quelques coups de brosse. L’ensemble donne un impression de flou, renforcée par la mollesse des verticales, les branches de saule en haut, leur reflet en bas, qui encadrent les rondeurs des nymphéas au milieu.
Monet a cadré serré. La référence à la berge est presque absente, il n’en reste qu’un petit coin dans le bas gauche du tableau. Une deuxième référence spatiale est donnée par les nénuphars roses que l’on aperçoit derrière les branches de saule en haut à gauche. Ils créent l’illusion de la profondeur et aident à identifier la scène.
Car le spectateur doit faire un effort pour analyser ce que le tableau lui présente. Tout se fond, se confond dans cet éclairage réduit. Plusieurs raisons l’expliquent, la théorie impressionniste qui s’attache à rendre l’impression perçue par la rétine plutôt qu’à décrire ce que le cerveau sait, les progrès de la cataracte sur les yeux de Monet, qui le conduiront à une quasi-cécité en 1923, et l’inachèvement du tableau.
Entendons-nous : rien ne dit que Monet souhaitait revenir sur cette toile. Elle lui convenait sans doute comme cela, sinon il aurait pu l’achever dans les années qui ont suivi. Mais les bords ne sont pas finis, et l’oeuvre n’est pas signée, elle porte le cachet de l’atelier apposé par son fils Michel Monet pour authentifier la toile.
Si Monet avait voulu la vendre ou l’exposer il l’aurait retravaillée. Mais telle qu’elle est, elle fascine par son atmosphère apaisante, son harmonie profonde et fraîche, et ses lignes souples qui évoquent si bien la mouvance de l’élément liquide.


4 commentaires

  1. Merci pour votre travail.
    J’admire vos connaissances. Votre compagnie doit être passionnante !
    parfois, je n’ai pas envie de parler; vous écouter me suffirait.
    Je vous dirai quand je serai décidée à revenir à Giverny. Sûrement aux beaux jours !
    Bonne journée

  2. Merci Alistrid, c’est juste que j’ai beaucoup travaillé le sujet. Il faut en effet attendre les beaux jours pour visiter Giverny. A bientôt !

  3. Merci pour ce bel article vraiment intéressant, quand je reviendrai au Musée d’Orsay, je verrai ce tableau d’un autre oeil grâce à vos explications. Votre blog est vraiment très instructif encore merci

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Ariane.

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