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Giverny, effet du soir

Femme à l'ombrelle tournée vers la droite, Claude Monet, 1886, Musée d'Orsay (Paris - France) Huile sur toile 131 cm x 88 cmFemme à l’ombrelle tournée vers la droite, Claude Monet, 1886, Musée d’Orsay

On ne sait jamais l’effet qu’on fait sur les gens. A moins qu’ils ne vous le disent, bien sûr, mais ce sont des révélations qui dérangent.
J’ai rencontré récemment un monsieur qui présentait une ressemblance troublante avec mon frère. Il a fallu que je me concentre sur un détail différent de son visage pour oublier ce hasard et travailler normalement. Le lui dire n’aurait fait que le mettre mal à l’aise lui aussi.
Les autres ont un référentiel culturel et intime dont nous ignorons la plus grande partie. Nous en faisons abstraction le plus souvent, advienne que pourra. Mais en même temps notre empathie, plus ou moins profonde selon les personnes, nous fait guetter les signes qui transparaissent de ce monde intérieur des autres qui nous échappe, de façon à y adapter notre attitude et nos propos.
J’ai eu la joie de guider hier une délicieuse vieille dame irlandaise, une de ces personnalités rayonnantes qui ont ce don de toucher tout droit le coeur des gens et de vous faire croire que vous vous connaissez depuis toujours. Au bout d’une demi-heure, elle m’interrogeait sur mes enfants. Elle a attendu que je lui demande combien elle-même en avait pour répondre malicieusement : Cinq ! je vous bats d’un point ! Ils sont grands maintenant, vous savez. Puis, levant les yeux : l’un d’eux est au ciel, dit-elle avec sérénité. Il est mort à 17 ans dans un accident de voiture.
J’ai blêmi sous le choc, traversée par l’horreur que cela avait dû être pour elle. Mais elle avait l’air d’avoir fait un tel chemin depuis.
Plus tard, quand je lui ai raconté les six enfants d’Alice Hoschedé, nous avons ri : battues toutes les deux ! Et dans la chambre de Monet, c’est en connaissance de cause que j’ai commenté pour elle le portrait d’Alice par Nadar. La seconde épouse de Monet a un regard plein de tristesse. Elle porte le deuil de sa fille Suzanne, un chagrin dont elle ne s’est jamais remise.
La silhouette de la jolie Suzanne nous est familière. Elle est la jeune fille à l’ombrelle tournée vers la droite ou vers la gauche, deux tableaux que Monet appelait modestement des « essais de figure en plein air ».


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Ariane.

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