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François Décorchemont

Vitrail de François Décorchemont, VernonCe vitrail à l’aspect si juvénile est l’oeuvre d’un octogénaire. François Décorchemont, maître-verrier eurois, a 84 ans quand il compose cette verrière pour l’hôtel de ville de Vernon.
On est en 1964, et c’est peu dire que Décorchemont est en pleine possession de son art. Depuis plus de trente ans il a mis au point une technique extraordinaire, unique en son genre. Au lieu de découper les morceaux de verre, il les fond.
Le maître-verrier prépare tous les matériaux lui-même. Il se procure, chez Daum, des bouts de cristal qu’il pile, mélange avec des oxydes et fait fondre au four.
Le cristal coloré ainsi obtenu est à son tour broyé pour faire de petits fragments rangés par couleurs dans des pots.
Décorchemont façonne alors un moule en terre réfractaire en suivant le carton du vitrail qu’il a préparé. Dans chaque alvéole il verse les brisures colorées, qui vont fondre à la chaleur et prendre la forme du moule.
Une fois refroidis, les morceaux de vitrail sont démoulés et mis en place, maintenus par un cadre de fer. Nouvelle innovation, les joints sont faits au ciment et non au plomb.
L’originalité de cette technique permet à Décorchemont d’obtenir des effets inédits dans ses morceaux de verre, dont les couleurs peuvent être mouchetées, marbrées, au gré de son inspiration, en mêlant deux tons dans les creusets.
Regardez les riches teintes de la cape rouge, ou encore l’aspect pommelé des chausses de ce personnage !
Décorchemont pratique aussi, je ne sais comment, des hachures et des stries dans la pâte de verre. On les retrouve partout, dans l’eau, sur la tunique du personnage bleu, sur celle de saint Louis, dans les magnifiques troncs d’arbres… Elles donnent mouvement et vie à la scène.
Contrairement aux maîtres-verriers du Moyen Âge qui peignaient les détails, Décorchemont ne redessine rien sur ses vitraux, pas même les traits du visage : il les obtient en opacifiant au ciment les creux qu’il a ménagés sous forme de reliefs dans son moule. Il en résulte une stylisation des personnages qui leur donne beaucoup de lisibilité et qui m’évoque la ligne claire de la bande dessinée.
Cette simplicité n’est qu’apparente. Car Décorchemont, pour son oeuvre religieux, a étudié à fond le symbolisme médiéval, la Légende dorée, les textes sacrés. Il est logique que cette connaissance des valeurs cachées des motifs se retrouve aussi dans son oeuvre profane.
C’est le cas ici, malgré la présence de saint Louis. La verrière installée dans l’escalier d’honneur de la mairie représente l’origine des armes de la ville, octroyées par Louis IX à Vernon un jour où, après une longue chevauchée, des Vernonnais lui offrirent des bottes de cresson pour se rafraîchir.
Le blason de Vernon porte trois bottes de cresson, elles sont ici toutes les trois, l’une dans les mains du roi, l’autre dans celles du personnage à la cape, la troisième en train d’être cueillie par l’homme en bleu.
Décorchemont a profité de cette scène au bord de l’eau pour rappeler l’origine du lys royal. Le roi porte un manteau semé de fleurs de lys, qui sont la représentation héraldique de l’iris jaune. Les iris sauvages ont l’air de quitter la berge où ils poussent pour partir à l’assaut de son vêtement.
Enfin, en 1964, difficile de ne pas voir dans les nénuphars du premier plan un discret hommage au maître de Giverny.

Saint Louis goûtant le cresson à la fontaine de Tilly, verrière de François Décorchemont, 1964, hôtel de ville de Vernon.


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