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Lis des crapauds

TricyrtisAutrefois, c’était la rose. Aujourd’hui, l’orchidée est en train de devenir la fleur de référence, banale entre toutes malgré sa beauté.
Autant la floraison des roses est réputée pour sa brièveté, autant celle des orchidées fait d’elles de petits Mathusalem, qui se dirigent vers la dégénérescence de l’âge si lentement qu’on les prendrait pour des fleurs en tissu.
Leur culture de masse et leur faible coût a banalisé quelques variétés d’orchidées : on les voit partout. Tant et si bien que certains visiteurs s’imaginent en reconnaître dans les jardins de Claude Monet à Giverny.
D’accord, la région regorge d’orchidées sauvages, mais elles n’ont pas grand chose à voir avec les Phalaenopsis. Et le climat de la Normandie a beaucoup à envier à celui de la Colombie.
Ce qu’on peut admirer, en revanche, dans le jardin d’eau de Monet, ce sont de superbes lis des crapauds. Oui, rapprocher lis de crapaud, le nom sonne comme un oxymore, mais je n’ai pas découvert l’explication de cette étrange appellation, qu’on retrouve avec constance en anglais (toad lily) et en allemand (Krötenlilie). Les pois, à la limite, qui pourraient évoquer, de très loin, les boursouflures de la peau du batracien ?
L’avantage est que c’est facile à retenir, surtout en pensant aux bords de l’étang de Giverny. Mais si cela vous paraît trop disgracieux pour une fleur si élégante, vous préférerez peut-être son nom botanique de Tricyrtis.
Le lis des crapauds forme une longue hampe ornée de-ci de-là de larges feuilles recourbées dont le port fait penser aux feuilles des orchidées, et sa fleur a quelque chose d’exotique et de rare, de la texture des pétales à leurs charmants petits points violets. La ressemblance s’arrête là, la forme de la fleur est bien différente de celle de l’orchidée.
Après les avoir admirés à Giverny, j’étais tout heureuse de trouver des lis des crapauds en jardinerie et, une fois plantés dans mon jardin avec leur étiquette au pied, de mémoriser leur nom. C’est donc sans hésitation que j’ai pu renseigner une visiteuse qui me demandait s’il s’agissait bien d’une orchidée.
La dame, visiblement, est déçue. Lis des crapauds, késako ? Elle n’y croit pas. Elle me fait répéter. Toujours pas convaincue, elle questionne doucement sa voisine, c’est des orchidées, ça, non ?
Et puis, dix mètres plus loin, tandis que, rêveuse, je m’émerveille encore de l’évolution du statut de l’orchidée depuis Proust :
– Et ça, c’est des orchidées ? interroge la dame en pointant du doigt des balsamines.
– C’est plutôt de la famille des impatiences, dis-je patiemment, amusée à l’idée que ma réponse va de nouveau faire un flop.
Une orque-idée, tout juste bonne à faire un gros plouf dans le bassin. Comme un crapaud.


Un commentaire

  1. Bravo pour cette photo.

    C’est vrai que l’on passe souvent à coté d’une orchidée sans le savoir, c’est un vrai privilège que de pouvoir les reconnaître dans la nature.

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