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Paon du jour

Paon du jourTout le monde a déjà vu ce beau papillon orangé dont les ocelles rappellent ceux des plumes de paon. Sans chercher plus loin, l’imagination populaire l’a aussitôt baptisé paon, plus précisément paon de jour, puisque c’est un papillon diurne, pour le distinguer des paons de nuit.
Il existe deux autres sortes de papillons à ocelles, nocturnes, le grand et le petit paon de nuit. Le premier mérite son qualificatif : c’est le plus grand papillon d’Europe.
Je ne me promène pas à la nuit tombée dans les jardins de Monet, impossible donc de savoir si des paons de nuit le fréquentent dans les ténèbres. Cela doit être impressionnant d’en croiser, grands comme la main, guidés par leur odorat si performant qu’ils sentent une femelle à cinq kilomètres. (Encore plus forts que le Grenouille de Süskind dans le Parfum !)
En revanche, ces jours-ci, le clos normand est plein de paons du jour, battant des ailes sur les asters.
On ne sait pas trop pourquoi les paons, les vrais, les oiseaux, ont des ocelles. Certes, en faisant la roue ils séduisent les femelles, mais selon Darwin, ils auraient dû disparaître, voyants, lents et repérables comme ils le sont.
Le paon ne cherche jamais à faire dans la discrétion, même sur le plan auditif. Son cri caractéristique de « Léon ! » est si sonore qu’il s’entend à un kilomètre. (Et Léon, c’est justement le nom du paon du jardin des Plantes de Rouen. )
Malgré ces handicaps, le paon n’a pas disparu, peut-être parce que ses plumes lancent au prédateur un message du style « Ne t’en prends pas à moi ! Si je ne me cache pas, c’est parce que je suis totalement immangeable. » Quant à savoir si c’est vrai… On en mangeait au Moyen Âge, mais on mangeait n’importe quoi, et j’imagine que si la grande distribution ne nous en propose pas, c’est que ce n’est pas terrible.
Monet était fasciné par les plumes de paon. Il en avait un gros bouquet dans le coin de son salon-atelier, où il pouvait à loisir admirer le chatoiement de la lumière dans les plumes qui sont, à la base, noires.
Pour ceux que l’explication scientifique des jeux de lumière dans les plumes de paon intéresse, Maurice Pomarède indique que leurs microlamelles parallèles forment un réseau.

Leur écartement est de l’ordre du 1/10 de micron, de telle sorte que le retard entre deux rayons d’une même radiation frappant deux lamelles successives peut entraîner leur annulation. La suppression d’une radiation dans la lumière blanche se traduisant par l’apparition de la couleur complémentaire, de tels réseaux seront à l’origine de couleurs structurales.

Après cela, les plumes de paon ont-elles perdu pour vous une partie de leur mystère ?

Si l’on ignore encore pourquoi les paons alignent des ocelles dans leur plumage, on sait en revanche très bien pourquoi les paons du jour en arborent sur leurs ailes.
Regardez la photo, et vous ne verrez plus que ça : les deux ocelles du bas sont la copie conforme des yeux d’un chat. Incroyable, non ?
Le jour où la roulette des mutations s’est arrêtée sur cette combinaison, pour le paon du jour, cela a été le jackpot.
Le papillon a surtout à craindre des oiseaux. Or, qui est l’ennemi héréditaire des oiseaux ?
Mistigri.
Raminagrobis.
Grippeminaud.
Qu’un oiseau affamé s’approche du paon de jour, celui-ci écarte grand ses ailes, comme s’il faisait « bouh ! » et l’oiseau découvre le regard d’un chat fixé sur lui. Panique du prédateur sur le point de devenir, croit-il, proie.
Tous les oiseaux ne s’y laissent pas prendre, bien sûr, pas plus qu’aux épouvantails. Mais souvent, ça marche.
Alors, paon du jour ? Papillon chat serait plus approprié.


4 commentaires

  1. J’aimerais bien être ce papillon pour pouvoir profiter à loisir des jardins de Claude Monet à toute heure du jour !!!! Mais, car il y a toujours un mais, sa vie éphémère ne me séduit pas finalement… alors, nous attendrons avec impatience notre prochain "pélerinage" à Giverny…
    Et je sais que grâce à vous, j’ai toujours un peu l’impression d’avoir un oeil (mais plutôt le vôtre) sur ce lieu magique. Alors, écrivez nous, ravissez nous avec vos textes et vos photos magiques. Encore merci Ariane.

  2. Quelle épopée remarquable, que celle de ce papillon paon ! Je n’avais en effet jamais vu cette ressemblance avec les yeux des chats… Je ne pourrai les regarder autrement, désormais. J’ai un autre nom à ajouter à ta liste de matous : Rodilard, comme ceux de Rabelais ou de La Fontaine ! ça fera plaisir à mon oncle, qui me l’a appris jadis, et qui appelle ainsi mes chats (qui pourtant sont des minettes délicates…).

    Au fait Ariane, la référence au soleil, lors d’un précédent message, a été fort utile, et je n’oublie plus désormais le nom de l’héliotrope ! Un double merci alors. Bon week-end.

  3. Rodilard ! Le rongeur de lard, « l’Alexandre des chats, l’Atilla, le fléau des rats « ! Ah oui, ces deux fables de La Fontaine sont un régal ! Les dangereuses « gryphes » du Rodilardus rabelaisien sont bien savoureuses aussi !

  4. J’odore particulièrement cette rubrique sur les "petites bêtes". Tu prends vraiment de belles photos et je prend un grand plaisir à visiter ton blog. Merci de nous faire partager !

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Ariane.

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