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Emile Verhaeren

Buste d'Emile Verhaeren, poète belge, RouenCette paire de moustaches à la gauloise n’appartient pas à quelque chef de tribu du temps des Véliocasses ou des Eburovices, mais à un esprit très raffiné de la fin du 19e siècle : le poète belge Émile Verhaeren.
Son buste se dresse dans les jardins de l’abbatiale Saint-Ouen de Rouen. C’est en effet à Rouen que le poète a trouvé la mort en 1916.
Émile Verhaeren a l’honneur d’avoir écrit, à côté de magnifiques vers pour lecteurs adultes, quelques poèmes qui s’apprennent encore dans les écoles primaires. Peut-être celui-ci, tout à fait de saison, vous rappellera-t-il des souvenirs :

Monsieur le vent

Ouvrez les gens, ouvrez la porte,
Je frappe au seuil et à l’auvent,
Ouvrez les gens, je suis le vent
Qui s’habille de feuilles mortes.
Entrez monsieur, entrez le vent,
Voici pour vous la cheminée
Et sa hotte badigeonnée.
Entrez chez vous, monsieur le vent.

Émile Verhaeren a eu aussi une intense activité de critique d’art, défendant les peintres modernes, et parmi eux Claude Monet. Bien que, né en 1855, le poète soit de quinze ans le cadet du peintre, en 1885 rien n’est encore acquis pour les impressionnistes. Dans Le Journal de Bruxelles, à l’occasion d’une exposition d’oeuvres impressionnistes, Émile Verhaeren ne mâche pas ses mots :

L’homme qui le premier s’est improvisé paysagiste impressionniste, c’est Claude Monet. Plus que personne il est le superbe révolutionnaire et pour l’instant le principal bafoué. C’est de règle. Voyant de manière plus parfaite, plus profonde, plus délicate, il est nécessaire qu’il subisse tous les lazzis des daltoniens de la peinture et de la critique, des immobilisés de tout âge et des retardataires de toute arrière-garde.

Je ne sais pas si Verhaeren a rencontré le maître de Giverny. En revanche, il était un ami de Maximilien Luce, qu’il fait venir en Belgique où Luce va se faire le chantre du Pays Noir.
Verhaeren aura été l’une des gloires de son temps, un homme de lettres ami des têtes couronnées, traduit en vingt langues. Quand la Première Guerre mondiale éclate, le poète met sa célébrité au service de la paix. Il est sollicité pour des conférences. C’est au lendemain de l’une d’elles, en 1916, à Rouen, que l’accident arrive. A la gare, la foule autour de lui est dense. A-t-il été bousculé ? Tente-t-il de monter dans le train alors que celui-ci roule encore ? A l’instant où la locomotive entre en gare, Verhaeren chute et est écrasé par le convoi.
Si cette mort stupide a quelque chose de révoltant, cette fin est étonnamment chargée de symbole. Le critique qui a défendu Monet s’éteint dans la ville que le peintre a célébrée, dans une gare, symbole de la modernité.


8 commentaires

  1. Cette jolie poésie, je l’ai longtemps apprise aux élèves, je l’adore !
    Quelle moustache avait Emile Verhaeren !!! Ce devait être d’un entretien !
    MC

  2. "Dites, quel est le pas
    Des mille pas qui vont et passent
    Sur les grand’routes de l’espace,
    Dites, quel est le pas
    Qui doucement, un soir, devant ma porte basse
    S’arrêtera ?" (Verhaeren, Au passant d’un soir)

    Merci, Ariane, pour ce billet dédié à un grand poète et un grand critique d’art, un visionnaire. Verhaeren a soutenu Ensor notamment (quelques extraits sur T&P). Le peintre Theo van Rysselberghe lui a rendu hommage dans une belle toile qui le représente faisant la lecture à ses amis.

    Son tombeau près de l’Escaut à Saint-Amand (Sint-Amands) est un lieu magnifique.

  3. Magie du net, quelques photos montrent la tombe du poète au ras de l’eau, c’est impressionnant ! Je crois que Theo van Rysselberghe a fait plusieurs toiles de Verhaeren, n’est-ce pas ? Ils étaient très amis.

  4. Bonjour Ariane,
    Je découvre votre blog en commençant à préparer une première visite à Giverny (en février ou mars, peut-être). Je suis touchée par le sujet d’Emile Verhaeren, moi qui suis belge émigrée en Provence! Je pense que je vais mettre votre blog dans mes favoris. L’ambiance en est prenante. Bravo.

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Ariane.

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