Je viens de découvrir par hasard dans un coin du net une étude sur le métier de guide menée en 2008/2009 à la demande du ministère de l’Economie, de l’Industrie et de l’Emploi, sous-direction du Tourisme.
Nous serions, nous apprend cette étude, environ 3000 à exercer en France, dont la plupart à temps partiel. Un métier confidentiel, donc, et pourtant bien connu du grand public, puisque tout le monde a tôt ou tard suivi une visite guidée, au moins pendant sa scolarité.
L’étude a débouché sur une réforme qui a pris effet l’an dernier. Fini les guides-interprètes, régionaux ou nationaux, les conférenciers, les guides des villes et pays d’art et d’histoire… Le maquis des cartes professionnelles a été simplifié. Tous les guides portent désormais le titre de guide-conférencier et sont autorisés à exercer sur tout le territoire national. Les jeunes qui souhaitent devenir guides doivent valider un cursus universitaire de trois ans.
En 2008, la radiographie de la profession effectuée par le cabinet Lewy était assez déprimante, il faut bien l’avouer. Très peu de mes collègues ont déclaré tirer un revenu décent de leur métier. Il se dégage des réponses une certaine amertume, ce qui m’attriste, car je ne la partage pas.
Je ne sais si nous sommes chanceux ici en Normandie, privilégiés, ou si c’est autre chose. Nous avons beaucoup de travail, honnêtement rétribué, et, ceci expliquant peut-être cela, essentiellement en langues étrangères. Des bateaux de croisière fluviale sillonnent la Seine, des paquebots font escale au Havre ou à Cherbourg, et la Normandie bénéficie de magnets touristiques : les plages du Débarquement, le Mont Saint-Michel, Giverny, Honfleur… Autour de moi je n’entends personne se plaindre de manquer désespérément de clients.
Ce qui me désole aussi dans cette étude, c’est le peu d’intérêt pour les nouvelles technologies manifesté par certains collègues ayant répondu. N’est-ce pas suicidaire de leur tourner le dos ? Puisque nous avons la chance de nous trouver temporellement au début de cette nouvelle ère, ne faut-il pas nous jeter dedans avec imagination et détermination ? Il y a tout à inventer sur les nouveaux supports de communication, qui ne sont pas forcément destinés à remplacer le guide mais peuvent rendre la visite plus riche.
Un aspect qui fait chaud au coeur, en revanche, c’est l’enthousiasme avec lequel mes collègues parlent de leur métier, un « métier passion » qu’ils adorent. Ils se voient comme des « passeurs », qui enseignent des savoirs culturels avec la légèreté du divertissement. Si je partage cette passion, je suis beaucoup plus modeste dans la définition de mon rôle : je dirais que j’allume la lumière, je tiens une petite torche et j’éclaire ici et là. Ceux qui veulent regarder regardent. Et je ne leur en voudrai pas s’ils oublient très vite ce que je leur ai dit.
Photo : Honfleur, un des pôles d’attraction touristique de Normandie
Quand j’organisais le voyage à Paris pour mes élèves de rhétorique, j’étais toujours dans l’expectative, sachant par expérience que les qualités de la personne qui allait nous guider seraient pour beaucoup dans l’intérêt ou le désintérêt des jeunes pour le musée visité. Et nous avons le plus souvent eu de la chance – et le plaisir d’obtenir souvent de la RMN le ou la même conférencière tant appréciée une année précédente.
Je ne doute pas, Ariane, à vous lire ici, de votre tant de passeur ou passeuse, comme vous voulez : quelqu’un qui éclaire, c’est si important !
Evidemment, avec des scolaires ou des étudiants, l’intention d’enseigner revient…