Claude Monet, pommier en fleurs au bord de l’eau
L’exposition Signac au musée des impressionnistes Giverny est l’occasion de mettre en lumière les liens qui existaient entre Claude Monet et le maître du néo-impressionnisme, d’une génération plus jeune. Des liens amicaux sincères, qui ont duré toute une vie. Marina Ferretti Bocquilllon, commissaire de l’exposition, s’est penchée dans le catalogue sur le Signac impressionniste.
Il y a d’abord, en 1880, cette expo Monet qui va décider de l’orientation professionnelle du jeune Signac. Il est ado (il est né en 1863), encore collégien, quand il se rend à la première exposition personnelle de Claude Monet, dans les locaux du journal la Vie moderne. Devant les vues de la gare Saint-Lazare, de la rue Montorgueil pavoisée, des bords de Seine, c’est le choc. Il sera peintre. Parmi les 18 tableaux accrochés à la Vie moderne figure une oeuvre étonnante, « Pommiers en fleurs au bord de l’eau », faite toute entière de petites touches de couleur claire sur un fond vert sombre, pointilliste avant l’heure. Signac en fera l’acquisition beaucoup plus tard, en 1932.
En 1883, Signac rencontre Monet pour la première fois. Il lui a écrit :
« Depuis deux ans je fais de la peinture n’ayant jamais eu comme modèle que vos oeuvres et suivant la grande voie que vous nous avez ouverte. (…) Je serais heureux de vous pouvoir présenter cinq ou six de mes études d’après lesquelles vous me pourriez juger et me donner quelques-uns de ces conseils dont j’ai tant besoin, car en somme je doute horriblement, ayant toujours travaillé seul, sans maître, sans appui, sans critiques ! »
On ne peut s’empêcher de penser que Signac, qui a perdu son père très jeune, se cherche un père spirituel. Monet se reconnaît-il un peu dans le jeune peintre livré à lui-même ? Des mois plus tard, à l’occasion d’un voyage à Paris, il lui donne rendez-vous « Hôtel de Londres et New York place du Havre ». Signac va écouter religieusement les observations de son aîné, et l’informer de ses progrès tandis qu’il travaille sur les quais de la Seine à Paris. Sa touche est alors résolument impressionniste.
Puis vient le second emballement de Signac, l’adoption dès 1886 de la technique divisionniste prônée par Seurat. Le voilà devenu « néo » impressionniste.
Petit à petit il trouve son propre style, et se permet même de critiquer Monet. Les Cathédrales, dans un premier temps, ne trouvent pas grâce à ses yeux. « Es-ce la peine d’avoir la belle palette de Monet pour produire un tel gâchis », note-t-il dans son journal, avant de revoir son jugement quelque temps plus tard.
Signac ira peindre le motif de Monet à Antibes, en détaillant les effets de lumière, ce qui lui vaut les félicitations de Monet : « Monet est resté une heure, enchanté et complimentant du port de Saint-Tropez. »
Mais à Venise, c’est Signac qui précède son aîné. Et c’est avec une grande émotion qu’l découvre l’exposition des toiles que Monet rapporte de la cité des Doges. Il lui écrit aussitôt :
J’ai éprouvé devant vos Venise, devant l’admirable interprétation de ces motifs que je connais si bien, une émotion aussi complète, aussi forte, que celle ressentie, vers1879, dans la salle d’exposition de la Vie moderne, devant vos Gares, vos Rues pavoisées, vos Arbres en fleurs, et qui a décidé de ma carrière. Toujours un Monet m’a ému. Toujours j’y ai puisé un enseignement, et, aux jours de découragement et de doute, un Monet était pour moi un ami et un guide. Et ces Venise, plus beaux, plus forts encore, où tout concorde à l’expression de votre volonté, où aucun détail ne vient à l’encontre de l’émotion, où vous avez atteint à ce génial sacrifice, que nous recommande toujours Delacroix, je les admire comme la plus haute manifestation de votre art.
Monet avait accroché dans sa chambre à coucher une aquarelle de Paul Signac représentant le grand Canal. Conservée à Marmottan, elle est en ce moment présentée à l’exposition de Giverny. Du Petit-Andely où il séjourne en 1921, Paul Signac écrit à son ami Georges Besson : « J’ai eu la visite de Monet qui a souhaité posséder quelques-unes de mes aquarelles. » Le mois suivant, il déjeune à Giverny. « J’ai vu de bien belles peintures à Giverny, non seulement les grandes décorations, mais plus encore les dernières toiles à quoi Monet travaille dans son jardin. »
En septembre 1926, Signac ressent « une douleur, hier, en voyant dans l’Oeuvre le portrait de Monet ». Ce quotidien vient de publier une photo du patriarche de Giverny avec des lunettes noires qui inquiète son ami. Claude Monet décèdera quelques semaines plus tard.
J’ai vu l’expo à l’ouverture et je l’ai beaucoup appréciée. Je me permets de faire un lien vers toi sur mon blog, je ne sais pas si j’aurai le temps d’en parler, j’ai un retard monstre, je viens seulement de retrouver un ordinateur après trois mois de panne.
Aifelle, merci ! Je suis contente que tes ennuis informatiques soient enfin terminés.
Les rapports entre les peintres ne sont pas toujours au beau fixe, il y a tellement de passion dans leur art qu’un artiste habituellement calme peut s’emporter sur des questions plastiques.
Les retournements sont aussi spectaculaires.
Je pense qu’il n’y a pas de plus grande marque d’affection pour un peintre que de mettre chez lui les tableaux d’un autre artiste. C’est très intéressant de savoir quelles sont ces oeuvres et où elles étaient placées. La chambre est sans doute l’endroit le plus intime, alors que l’entrée ou le salon pourraient être considérés à notre époque comme le "mur" d’un célèbre réseau social.