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Le triomphe des Meules

Claude Monet, Meule, soleil couchant 1890-91Claude Monet, Meule, soleil couchant 1890-91, Museum of Fine Arts, Boston

La série des Meules revêt une importance particulière dans la vie de Monet, car elle est, de l’avis même du peintre, sa première série à proprement parler. Et c’est elle qui a fait de lui, enfin, un peintre reconnu.
Auparavant, Monet avait déjà exécuté des tableaux aux thèmes identiques, mais si l’on ose dire, sans savoir qu’il faisait une série. Selon ses souvenirs confiés au soir de sa vie au duc de Trévise, c’est en observant la lumière changer à la surface des meules que lui serait venue l’idée de répéter exactement le même motif et le même cadrage, en faisant varier uniquement l’éclairage, c’est-à-dire les couleurs.

L’exposition de cette série de Meules a lieu dans la galerie Durand-Ruel en 1891. En quelques jours, tout est vendu. Le succès qui a si longtemps boudé Monet ne le quittera plus.

Voilà les faits sur lesquels les sources s’accordent. Les faits un peu bruts, sans fioritures. Pour faire passer le message, les guides comme les journalistes ont besoin de donner de la chair à ces faits. Il faut trouver le détail qui accroche l’attention et facilite la compréhension.
Je crois que c’est à l’expo de Louviers dans le film de Philippe Piguet, descendant d’Alice Hoschedé et historien de l’art, que j’ai entendu cette petite anecdote : le public faisait la queue pour entrer dans la galerie où les Meules étaient exposées. N’est-ce pas une image très parlante du succès ? Le signe que Monet et ses Meules faisaient le buzz, pour parler contemporain ?
A propos de l’expo de 1891, je n’ai pas pu trouver confirmation de l’anecdote dans mes ouvrages de références. Daniel Wildenstein révèle que peu de journaux se sont fait l’écho de cette petite expo d’une vingtaine de toiles, ce qui a tendance à infirmer l’hypothèse d’un buzz médiatique. Pierre Assouline, dans son livre sur Paul Durand-Ruel, le marchand des impressionnistes, zappe carrément l’expo pour se focaliser sur le marché américain. Gordon résume l’impact de l’exposition en un « succès spectaculaire ». Marianne Alphant cite quelques-uns des critiques, surtout pour regretter qu’ils n’aient pas compris l’importance de l’évènement, derrière leurs éloges à courte vue. Mais Philippe Piguet dispose de sources non publiées encore, notamment de très nombreuses lettres d’Alice. C’est peut-être là qu’il a puisé cette image.

La nouveauté des Meules, c’est qu’elles s’entendent comme un tout, et qu’il faut les voir ensemble pour les comprendre. La nouveauté, ce sont ces couleurs outrées, irradiantes, dans cet effet de contre-jour voulu par Monet. La nouveauté, c’est l’absence d’intérêt du motif en tant que tel, ni un monument, ni un paysage, juste un tas de gerbes, qui laisse toute sa place au sujet réel du tableau, la lumière changeante.

Si Monet a fait le buzz, ce n’est sans doute pas seulement à cause des médias. C’est peut-être l’effet du bouche à oreille, du bruit qui court qu’il va y avoir du neuf, du sensationnel.
Une lettre de Pissarro à son fils antérieure au vernissage laisse entendre que « tous les amateurs ne demandent que des Meules ». Trois jours après l’inauguration, il confirme un peu amer, lui qui ne vend rien : « tout est vendu, dans les trois à quatre mille chaque ». La cote de Monet ne fera que s’envoler.


2 commentaires

    • Bonjour Quentin,
      il existe des comptes-rendus dans les journaux d’époque, pour le moins. Et une lettre très connue de Pissarro à son fils lui donnant son impression après avoir vu l’expo des Meules.

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