Autant le dire tout de suite, on ne trouve pas grand chose sur Claude Monet dans les savoureux « Souvenirs d’un marchand de tableaux » d’Ambroise Vollard. Le livre regorge de détails sur le métier tel qu’il se pratiquait à l’époque, raconté sous forme d’anecdotes légères qui dénotent un naturel d’une incroyable bonhomie. Vollard a été proche de Cézanne, de Renoir, et de beaucoup d’autres, et en ce qui concerne ces peintres, il livre des impressions de première main.
Vollard n’était pas le marchand de Monet, un rôle plutôt tenu par son voisin de la rue Laffitte Paul Durand-Ruel. Il a toutefois connu Monet :
Le premier jour de mon exposition Cézanne, je vis entrer un homme barbu, de forte corpulence, qui avait tout à fait l’air d’un gentleman farmer. Sans marchander, mon acheteur pris trois toiles. Je pensai que j’avais affaire à quelque collectionneur de province. C’était Claude Monet. Je devais le revoir plus tard, lors de ses passages à Paris. Ce qui frappait, chez un peintre aussi célèbre, c’était son extrême simplicité et la fervente admiration qu’il témoignait à son vieux camarade des temps héroïques de l’impressionnisme, à Cézanne, encore si méconnu.
Vollard a même rendu visite à Monet à Giverny. Combien de fois ? Une seule sans doute, car ses souvenirs sont imprécis :
La maison était grande, mais les murs disparaissaient sous les toiles des camarades de l’artiste. Comme j’observais que, des tableaux d’une qualité si rare, on n’en voyait pas souvent de pareils chez les amateurs les plus réputés :
– Et pourtant, me répondit Monet, je ne prends que ce que l’on veut bien me laisser ! La plupart des toiles que vous voyez là trainaient à l’étalage des marchands. En quelque sorte, je les ai achetées pour protester contre l’indifférence du public. »
L’attitude du maître à l’égard de ses camarades a frappé son visiteur, au point de lui faire voir des tableaux d’autres artistes partout. Or ils étaient consignés dans la chambre de Monet. Ailleurs, on voyait surtout des estampes japonaises… que Vollard a zappées.
Un autre souvenir omis par Vollard, c’est Monet levant les bras et s’écriant à son arrivée : « Au voleur ! au voleur ! » Pas très aimable comme accueil, mais caractéristique de la tension qui pouvait régner entre un artiste et les marchands d’art. Je crois que c’est Jean-Pierre Hoschedé qui rapporte ce trait.
Haha ! Il avait raison Monet, il les connaissait bien les marchands d’art 🙂