Les éditions l'Echoppe se sont fait une spécialité de republier des textes anciens difficiles à trouver. C'est le cas de l'opuscule intitulé "Le Pèlerinage de Giverny" écrit par le duc de Trévise suite à ses visites à Claude Monet en 1920. L'édition originale ne comptait que 200 exemplaires.
Le duc de Trévise, Edouard Mortier pour l'état-civil, se réjouissait de rencontrer le maître de Giverny :
Je ne relis pas sans émotion la petite invitation, écrite au crayon, que je viens de recevoir : c'est une chance peu commune que de voir vivant un homme immortel, que sa longue retraite, autant que son âge, ont isolé dans la brume.
Son âge ? Monet va fêter ses 80 ans à l'automne de cette même année, ce qui donnera l'occasion à Trévise de revenir le saluer. Pour l'heure, le visiteur admire le charisme de Monet à qui il reconnaît "l'aspect d'un chef, plein de vigueur, de simplicité, d'autorité. " Il note des détails qui le charment :
On observe, quand il vous la tend, que sa main émerge du large poignet plissé de sa chemise, et l'on approuve que, si jamais une main doive sortir ainsi d'une corolle, ce soit celle qui a peint tant de fleurs.
Puis vient la visite du jardin. C'est Trévise qui rapporte le mot de Monet si souvent repris, "Il me faut surtout avoir des fleurs, toujours, toujours." Lui aussi qui raconte qu'un "jardinier spécial, dans une petite barque, le matin", doit "tremper chaque feuille de nymphéas pour en ôter toute poussière". Pour ce qui est de l'agencement du jardin lui-même, Trévise est un peu confus. Devant la maison, il voit
si l'on ose dire, un verger à la française : au-dessous et en bordure des arbres fruitiers qui ont été conservés, les fleurs sont innombrables et plusieurs jardiniers s'occupent à les entretenir, à les écheniller, à les changer plusieurs fois par saison. (…) Toutes ces fleurs sont rangées avec un ordre impeccable.
Au bord d'une allée, Trévise observe "des stralidzias" qui "s'agglomèrent en bandes bleues". On se demande bien ce que c'est, peut-être des iris ? des camassias ? Mortier remarque aussi de tulipes "choisies sur les plus savants catalogues de Hollande et d'Angleterre", c'est donc que l'on est au printemps.
Puis les deux hommes se mettent à parler peinture, et Trévise, peintre lui-même, se fait plus attentif.
– Comment avez-vous pu renoncer à ces sortes de compositions claires et faciles, avec des personnages, où vous étiez si nouveau ?
– Ma foi, j'y ai été amené pour une raison bien simple : cela ennui les gens de poser.
-Maître, les critiques futurs proposeront, sauf celle-là, toutes les explications.
C'est encore Edouard Mortier qui raconte les péripéties de Femmes au jardin, du Déjeuner sur l'herbe, lui qui décrit les Grandes décorations et cite les commentaires de Monet sur les estampes japonaises. Une mine d'infos de première main.
"Chez Claude Monet, Le pèlerinage de Giverny (1920)" Edouard Mortier, Duc de Trévise, Editions l'Echoppe, 9,60 euros.
Quelle intéressante parution!
Une très belle intitiative de republier ces textes.Une belle découverte grâce à toi! Merci.
Les extraits que tu cites me tentent,je pense que nous devons apprendre d'autres détails sur la personnalité de l'artiste.
Je vais aller consulter le site de cette maison d'éditions.
Bonne continuation à toi, j'espère que le soleil se montre un peu plus que chez moi….en plus l'autan est plein d'ardeur!!!
Tremper chaque feuille, quelle exigence !
Pour ce qui est des "stralidzias", ne peut-il s'agir de strelitzias en bleu et jaune ?
Cela fait penser au strelitzia, en effet, mais il gèle à Giverny. En avoir en extérieur, surtout en grande quantité, tiendrait du tour de force. Cela se saurait, Trévise ne serait pas le seul à les avoir vus. Ce qui est clair, c’est qu’il n’a pas bien compris ce que Monet lui a dit. Toute suggestion est la bienvenue.
Je ne recevais plus tes billets, je ne sais pas pourquoi ! en venant directement sur le site, ouf, je te retrouve et avec une lecture qu'il me faut !