Claude Monet a rendu visite à son ami Georges Clemenceau une fois au moins dans sa maison de villégiature en Vendée. Le séjour du peintre à Saint-Vincent-sur-Jard se déroule du 4 au 11 octobre 1921, Monet a donc 80 ans bien sonnés, et Clemenceau vient de fêter lui aussi ses quatre fois vingt ans.
Malgré l’espoir du Tigre de voir son ami peindre le paysage qui lui est cher, on ne connaît pas de toiles de Monet à Belébat. Les lieux ont en revanche inspiré Blanche, la belle-fille de Monet, qui les a pris pour motifs au cours de ses séjours successifs chez Clemenceau.
Il faut aujourd’hui cinq bonnes heures pour aller en voiture de Giverny jusqu’en Vendée. En 1921, cela devait être une expédition, dans laquelle Monet hésitait sans doute à s’embarquer. Quand il se décide, Clemenceau est locataire de Belébat depuis deux ans. Ce dernier est ravi :
Donc, tout est bien. Le 4 à midi vous ferez votre entrée dans le sable où j’espère bien vous enliser. J’ai deux petites chambres pour vous et l’ange bleu qui trouvera de l’espace pour déployer ses ailes. Votre fils sera logé dans une agréable maison…
Car Michel est du voyage, c’est lui qui conduit l’automobile, pour laquelle Clemenceau a prévu « un garage de fortune à côté de la mienne ».
Nul doute que dès son arrivée, Monet a compris le coup de coeur de son ami pour cet endroit. L’emplacement est magnifique, grand ouvert sur le large. La maison est simple, « une bicoque » selon son propriétaire, le commandant Amédée Luce de Trémont. Elle convient parfaitement à Clemenceau qui en fait un lieu très personnel. Partout, des objets extraordinaires rapportés de ses voyages autour du monde, et qui ne sont qu’une infime partie des collections rassemblées puis dispersées au cours de sa vie.
Le visiteur se sent très bien à Belébat. Il y flotte encore quelque chose de l’énergie du Tigre, son éclectisme, son humour, son insatiable curiosité… Des milliers de livres sont alignés sur les étagères de la bibliothèque. Loin des bruits du monde, c’est une retraite parfaite pour penser, écrire et recevoir ses amis.
Dernière passion de cet homme décidément infatigable, le jardin créé par Clemenceau envers et contre tout, avec l’appui de Monet. Il compte de nombreuses vivaces, gauras, roses trémières, rudbeckias, céanothes, et donne envie de revenir à la belle saison.
On imagine les deux amis heureux de se retrouver dans ce lieu si agréable et « papotant » sur divers sujets,les fleurs en autre…