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Je vous aime parce que vous êtes vous

Je vous aime parce que vous êtes vous
Georges Clemenceau en visite chez Claude Monet à Giverny

Au 19e siècle, au début du 20e encore, les hommes osaient se dire leur amitié avec des mots forts. On est surpris aujourd’hui en lisant leurs correspondances de ces déclarations profondes, passionnées, tellement sincères.

Les mêmes mots dans la bouche ou sous la plume de nos contemporains seraient-ils possibles ? Il me semble que non. A notre époque où l’impudeur la plus grossière est de mise, cela ne se dit pas. La déclaration d’amitié serait prise pour de l’homosexualité. Notre époque fait une place aux gays, elle n’en fait plus aux amis qui dépassent le stade de bons copains. L’amitié féroce de Monet et Clemenceau existe certainement encore, mais elle n’a plus droit de cité.

Impossible de leur imaginer une attirance physique l’un pour l’autre. Ce qu’éprouvent Clemenceau et Monet n’est pas de ce registre. C’est un lien d’admiration réciproque, de confiance, de fraternité.

Et Clemenceau n’a pas peur des mots. Le 23 décembre 1899, en remerciement du tableau Le Bloc que lui a offert Monet, il glisse : « je voulais vous embrasser et vous dire une fois de plus que je vous aime. »
« Je vous aime, » encore, le 13 octobre 1921.

Et puis, le 22 avril 1922, Clemenceau écrit à Monet cette belle déclaration qui fait penser à Montaigne et La Boétie : « Je vous aime parce que vous êtes vous, et que vous m’avez appris à comprendre la lumière. Vous m’avez ainsi augmenté. Tout mon regret est de ne pas pouvoir vous le rendre. Peignez, peignez toujours, jusqu’à ce que la toile en crève. Mes yeux ont besoin de votre couleur et mon coeur est heureux. Je vous embrasse. « 


6 commentaires

  1. Je savais cette amitié entre les deux hommes,mais je n’avais pas connaissance de ces mots tellement touchants remplis d’admiration de Clémenceau!!!
    Jolie photo.

  2. « Clemenceau, quelques mois avant la fin, écrira à son ami absolu (Monet): il ne me reste plus qu’à t’embrasser, vieille bête de génie. » (extrait de la falaise des fous de Patrick Grainville)
    Merci Ariane pour ces commentaires toujours à propos !

  3. Vos lamentations sur l’amitié profonde entre hommes me semblent quelque peu déplacés. Aujourd’hui on meurt toujours d’être homosexuel, mais jamais d’être de vieux amis. Et quand bien même ils auraient fait la fête du slip à Giverny, ça n’en serait pas moins beau.

    • Alexandre, je pense que vous m’avez mal lue. Mes lamentations, comme vous dites, portent sur l’expression du lien par des mots, et je cherche à m’expliquer pourquoi nous sommes en recul par rapport au XIXe siècle. Que la parole soit devenue si contrainte, cela ne vous attriste pas ? Et je vous rejoins pour penser qu’au-delà des mots, si Monet et Clemenceau avaient eu une attirance physique, cela n’aurait rien changé à la beauté de l’histoire.

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Ariane.

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