Le musée de Vernon propose pendant tout l’été Saga familiale, une belle exposition sur Monet et les peintres de sa famille, à savoir Blanche Hoschedé-Monet, Theodore Butler et James Butler.
Parmi les oeuvres originales présentées pour la première fois par le commissaire Philippe Piguet figure cet ensemble de grands dessins aux crayons de couleur. Ils n’ont rien à voir avec des oeuvres destinées à la vente : ce sont des dessins faits pour être donnés en cadeau à une petite fille. On y reconnaît, dans l’ordre de présentation choisi par le commissaire, les membres de la famille de Theodore Butler : le peintre lui-même, Marthe Hoschedé-Butler, Jimmy Butler, Lily Butler et la cuisinière. L’ensemble est dédicacé dans le premier cadre :
« Ma Sisi chérie,
N’oublie pas le N° ‘coeur’ rue des Corbichons
Giverny par Vernon (Eure)
Ton oncle Butler. »
Sisi, c’est Simone Salerou, la fille de Germaine Hoschedé-Salerou. Elle est née en 1903.
Les dessins débordent de tendresse et de connivence. Qu’est-ce que cette rue des Corbichons, inconnue à Giverny ? Le terme n’est pas dans le dictionnaire. On dirait un mot d’enfant, une blague familiale, à l’image des manradines.
Theodore Butler s’est représenté en sabots, pipe à la main, le nez et la bouche noyés dans une barbe abondante, les yeux naïvement dessinés comme des billes, le visage en forme de coeur.
Sous le titre Tante Pap, la Dame de coeur souligné d’une rangée de petits coeurs, Theodore a figuré sa seconde épouse Marthe, la tante de ses enfants à lui tout autant que la tante de Sisi. Il s’est amusé à n’utiliser que des coeurs pour le visage, le buste et la jupe dont dépassent deux petites chaussures à talons. Au milieu de la poitrine, encore un coeur, marqué ‘Pour Sisi’.
Le dessin représentant Jimmy, alias James, alias Jacques Butler, est peut-être le plus intéressant. L’enfant est pris sur le vif en train de construire une tour de cubes, dans une attitude qui rappelle celles des membres de la famille Fenouillard de Christophe. En regardant attentivement, on s’aperçoit que chaque cube porte le nom d’un proche ou d’un membre de la famille.
Tout en bas, en fondation, le plus gros porte le nom d’Albert. C’est le papa de la petite Sisi.
Puis viennent Michel (le fils cadet de Monet), Bonne (Alice Hoschedé-Monet), Monet, Lili (Alice Butler, la cousine de Sisi), Pap (Marthe Hoschedé-Butler, sa tante), Jim, le cousin de Sisi (James Butler), Maine (Germaine, la mère de Sisi), Lanlan (Blanche Hoschedé-Monet) et Jean Monet (fils aîné du peintre). Ils sont suivis de Diane (?), Sisi elle-même, Dash (?), La petite colombe (?), Sylvain (le chauffeur de Monet, je suppose), Pierre (?), Geneviève (Costadau, épouse de Jean-Pierre Hoschedé), Jean-Pierre (Hoschedé), puis Delasse, Marie, Rosa, Arthur, Petit frère, Pussy et Poussette, sans doute des employés de la famille pour les premiers, ou un bébé à naître, ou encore des chats pour les derniers. On retrouve dans cette énumération le goût de l’époque pour les surnoms.
Et le cube qui doit couronner le tout commence par Bonne Ann.. Bonne année ? Serait-ce un cadeau d’étrennes ?
Lili est représentée en écolière. Elle est née en octobre 1894, ce qui lui fait 9 ans d’écart avec la petite Sisi. Son frère le constructeur de tour en cubes a 18 mois de plus. On peut supposer que Sisi est très petite, on serait vers 1905 ou 1906 tout au plus.
C’est la cuisinière de la famille, sans être nommée, qui clôt cette galerie de portraits avec un bon sourire et les mains ouvertes, tandis que derrière elle, sur le grand fourneau, mijotent oeufs brouillés et ragout. Les plats préférés de la famille ? Ou de Theodore Butler ?
- Note du 7 août : le mystère de la rue des Corbichons est résolu ! C’est l’ancien nom de la rue du Colombier, comme le montre le cadastre napoléonien. Cela pourrait être tout simplement un nom propre. Merci Véronique !
Emouvants ces dessins relatifs à la vie familiale,bien loin des toiles que réalisait Théodore Butler….
On voit que c’était une belle personne.