Ce grand tableau de Theodore Butler vient de passer en vente aux enchères le 26 mai 2022, et s’est envolé à 107.475 dollars. Voilà une oeuvre d’un charme fou, dans laquelle l’artiste célèbre son bonheur de vivre à Giverny. Il a pris plaisir, on le sent, à peindre sa propre maison, tout à fait à gauche de la toile.
Couleurs vives et douces à la fois, imagerie naïve de ce paysage qui paraît rêvé, presque trop beau pour être vrai… C’est l’idylle de la vie humaine en harmonie avec la nature, exprimée par l’écho entre les rangées de pommiers en fleurs et les poufs poufs vaporeux de la locomotive. Tout fume dans ce tableau, les cheminées du village, les remorqueurs sur la Seine… Tout au fond, au pied de la colline un autre train sur la ligne Paris-Rouen répond au premier, qui traverse Giverny et dessert la ligne Pacy-Gisors.
Pour peindre cette vue aérienne du village, Butler est monté sur la colline qui le surplombe. Il semble penché au bord d’un à-pic, d’une falaise. On a l’impression qu’on va tomber.
Où a-t-il bien pu se placer ? Quand je crois avoir trouvé l’endroit, il y a toujours quelque chose qui ne colle pas. Voici une photo prise quelques jours plus tôt dans l’année, peu avant la floraison des pommiers et des cerisiers. On reconnaît la tour du moulin des Chennevières à droite. La maison haute du tableau, la Maison Rose, figure presque au centre de la photo. Son angle correspond à celui du tableau, alors que l’angle du moulin n’est pas le même. Pour lui, Butler a dû planter son chevalet un peu plus à gauche, de façon à voir le côté est de la tour, qui est au soleil dans son tableau.
Ce n’est pas la seule distorsion de perspective. Derrière le moulin, le bras de l’Epte trace une ligne droite. Butler a préféré s’intéresser à la petite courbe de la rivière juste avant, et l’a rapprochée du moulin. Il assouplit les formes trop géométriques des champs en les animant de chemins dansants.
Le coteau un peu monotone à l’arrière-plan ne faisait pas son affaire : Butler a tourné son regard un peu plus à droite, vers la carrière de pierre qui grignote la colline. Il a réduit la plaine entre le village et la Seine. Tout se passe comme s’il avait mêlé plusieurs points de vue, façon Demoiselles d’Avignon, vous voyez ? Peut-être n’a-t-il pas cherché à remettre son chevalet au même endroit à chaque fois, tirant le meilleur de différentes positions. Mais il est peu probable qu’il ait transporté cette toile imposante sur la colline. Est-ce une recréation de mémoire ? A-t-il pris des notes, fait des esquisses, des dessins préparatoires ?
Peu importe au fond la méthode utilisée. Seule compte l’émotion que le peintre transmet : la joie de vivre dans ce décor idéalisé, source inépuisable d’inspiration pour un artiste. A travers le regard de Butler sur le village, on peut deviner l’émotion de Monet en découvrant Giverny, quelques années plus tôt.
Das Bild von Theodore Butler, Vallée de la Seine, Giverny , ist sehr berührend. Danke, liebe Ariane für diesen Beitrag mit alle Deinen Gedanken und Beobachtungen zu dem zauberhaften Gemälde und den Fotos. Mich interessiert es umso mehr, weil auch die Rue du Colombier, die eine meiner Lieblingsstraßen ist, abgebildet ist. Ich freue mich sehr, dass ich mir die Bilder in Ruhe ansehen und darüber nachdenken kann, das ist ein bisschen so, als wäre ich mal wieder in Giverny!
Ich hoffe, ihr beide kommt bald wieder 🙂
Que ce soit reproduit sur la superbe toile de Butler ou en réalité, quel magnifique point de vue. Comme tu l’écris Monet ne pouvait que tomber sous le charme!
Charmant, ce paysage de Theodore Butler, dans un format carré inhabituel pour ce genre de sujet, il me semble. Voilà un bel exemple de ce qui distingue le regard des peintres et celui des photographes. Bonne après-midi à l’ombre, Ariane.
(Bientôt la présentation d’un petit livre sur Monet, que tu as sans doute déjà lu.)
J’avais vu mais je n’ai pas lu ce petit livre, qui ne me disait rien en le feuilletant. Tu me donnes envie de le regarder plus attentivement. Merci !