
Les possibilités graphiques des peupliers ont inspiré Claude Monet à de nombreuses reprises, et même dès son premier tableau. Outre sa série Peupliers de 1891, peinte sur la commune de Limetz, les arbres longilignes jalonnent son oeuvre. A Giverny, les alignements de peupliers étaient à portée de pinceau, à quelques centaines de mètres de sa maison. On peut se figurer Monet ne cessant d’observer le jeu de la lumière dans leurs branches, sans cesse renouvelé au fil de la journée.
En 1894, le peintre réalise une courte série de ce petit coin de prairie à différentes heures du jour. Quatre toiles seulement, dont celle-ci, fascinante. L’arrière-plan nous explique ce que nous voyons au premier plan : les ombres des troncs souples et lisses de peupliers. Pendant leur croissance, on taillait leurs branches pour en faire des fagots. Ces arbres ont besoin d’humidité : on les plante en fond de vallée, souvent le long d’un cours d’eau, sur chaque berge. Ce positionnement en vis à vis explique les lignes doubles représentées par le peintre.
Monet n’est pas le seul à avoir été séduit par ces ombres étonnantes. Voici l’interprétation de sa belle-fille Blanche Hoschedé :

Alors que Monet a spontanément repris le format portrait privilégié dans sa série de 1891, Blanche opte pour un format paysage plus classique.
Comme souvent chez Blanche, la toile n’est pas datée, mais celle-ci me semble être l’une des meilleures de sa production. La jeune peintre a acquis de la maîtrise. Si les deux arbres de droite présentent de fortes similitudes avec ceux de Monet, la gauche de la composition est bien différente, de même que les lointains.
Blanche n’ayant quitté Giverny qu’en 1897, après son mariage avec Jean Monet, il est possible qu’elle ait exécuté ce paysage lors de séances communes avec son beau-père, tandis que Monet peignait le sien à quelques pas d’elle. Mais Blanche regarde dans une autre direction, elle opte pour un angle différent, comme en témoignait son frère Jean-Pierre Hoschedé dans son ouvrage « Claude Monet, ce mal connu« .

Et voici la lumineuse interprétation qu’offre Guy Rose du même sujet. Cette fois nous sommes beaucoup plus près du village. Le peintre s’est tourné vers le nord-est. Les peupliers que nous voyons bordent le Ru communal, mais il en existait une deuxième rangée dans la prairie, qui sont dans notre dos et dont l’ombre s’étire. C’est la fin de la journée. Est-ce l’église que l’on devine derrière les arbres à gauche ?
La toile de Blanche est passée aux enchères en 2018, celle de Rose en 2007. Saurez-vous deviner laquelle a été adjugée pour 40 000 dollars, et laquelle est montée jusqu’à la coquette somme de 628 000 dollars ?
C’est celle de Guy Rose qui a « fait » 628 000 $
Mais je n’ai pas deviné, j’ai cherché.
Merci pour le partage de cette superbe toile que je ne connaissais pas.
Bien vu ! J’ai été étonnée de ce résultat. Comme quoi, les artistes de la colonie givernoise ne sont pas aussi méconnus qu’on veut bien le dire en France.