Le déjeuner sur l’herbe, Claude Monet, musée Pouchkine, Moscou
Voyages par procuration : après des Suédois vendredi, des Danois samedi, ma semaine s’est finie avec des Russes.
C’est toujours étonnant d’entendre des étrangers se parler entre eux. Au milieu de tout un tas de mots qu’on ne comprend pas, parfois il en ressort tout à coup un ou deux qui sont transparents et qui permettent de suivre un tout petit peu le fil de leur conversation, comme les cailloux du Petit Poucet disséminés de loin en loin. En suédois, téléphone mobile se dit cell phone, par exemple. Ca peut toujours servir.
Les Suédois m’avaient demandé une visite en français, les Danois en anglais. Ce matin deux des ingénieurs moscovites en week-end parlaient très bien anglais et traduisaient au fur et à mesure en russe pour leurs collègues.
C’était un vrai bonheur d’entendre mes phrases se métamorphoser comme par magie en cette langue douce et chantante, en retrouvant deci-delà un nom propre, un nom de fleur en latin, un mot français passé au russe.
Je me demande bien ce qu’ils ont pensé des explications que je leur ai données. Monet menait à Giverny une vie de grand bourgeois à la campagne. J’essayais de me projeter dans une mentalité russe (exercice certes difficile et périlleux) et je m’entendais partout souligner ce côté classe sociale élevée de Monet, ses relations prestigieuses, ses moyens pour faire détourner la rivière et goudronner devant chez lui, sa grande serre, sa voiture, ses tailleurs élégants, ses repas fins, ses six jardiniers… Et les dames et leurs problèmes d’oiseaux d’ornement, de château, d’ombrelle et de broderie… Que pense-t-on de cela quand on est Russe, qu’on a vécu le socialisme puis la chute du rideau de fer ?
C’était un peu délicat de leur poser cette question d’appréciation politique, et ils n’en ont pas soufflé mot. Mais le climat normand les a étonnés.
– Quelle température fait-il en hiver ? m’a demandé l’un d’eux.
– Nous avons eu deux heures de neige et quelques nuits de gel !
– Du gel ?
– Oui, quand la température descend au-dessous de zéro.
– N’importe quelle température négative ? Même – 1°, c’est du gel ?
– Oui, ça fait une grande différence pour les plantes qui sont pleines d’eau.
Il secoue la tête, méditatif.
– Et à Moscou, il a fait quelle température cet hiver ?
– Oh, pas très froid cette année, seulement -25° ou -30°.
Nous avons ensuite devisé de la culture des capucines (nasturtia en russe, je vous le dis, ça peut toujours servir), et puis est venu le moment de se quitter.
Le baise-main, c’était la première fois qu’on me faisait le coup. Il n’y a pas à dire, c’est un truc qui marche. C’est aussi surprenant que charmant, encore plus de la part d’un homme dont je n’avais pas entendu le son de la voix.
Ca m’a fait penser à Sarkozy en voyage officiel en Allemagne le jour de son investiture, vous vous rappelez ? Comment il avait embrassé comme une vieille copine Angela Merkel, et que la chancelière allemande ne savait plus où se mettre ? L’ère de Chirac et du baise-main était révolue, c’était clair.
– Mon collègue est un peu vieux jeu, a glissé l’interprète comme pour l’excuser, tout en me donnant une virile poignée de main.
Bonjour,
Il s’agit certainement d’une erreur. Cette oeuvre n’est pas le déjeuner sur l’herbe d’Edouard Manet, j’aimerais bien connaître son titre.
Merci par avance.
Emma
La réponse figure dans la légende de l’image si vous approchez votre souris. il s’agit du déjeuner sur l’herbe de Claude Monet, musée Pouchkine, Moscou.