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Le jardin anglais de la Roche-Guyon

Que reste-t-il d'un jardin après deux siècles d'abandon ? On serait tenté de penser qu'il n'en reste rien du tout. Pourtant, pour qui sait voir, ce n'est pas tout à fait vrai. 

Malgré le processus naturel de régénération du jardin, rien ne fascine davantage que la persistance, aussi infime soit-elle, des traces légères de l'intervention humaine. Elle sont seules à susciter en nous les visions fugaces et les perceptions, réelles ou imaginaires, des êtres qui ont vécu dans ces lieux.

 Ces mots sont ceux de Gabriel Wick, historien des jardins, qui a examiné les vestiges des Promenades de La Roche-Guyon conçues dans les années 1770.

Dans son ouvrage "Un paysage des Lumières, le jardin anglais du château de la Roche-Guyon" il livre le résultat de ses recherches.

En parcourant ce qui ressemble aujourd'hui à un sous-bois sauvage, il a relevé les traces de l'intervention humaine : des arbres anciens d'origine exotique comme des cèdres du Liban, des alignements de buis qui évoquent le tracé d'une allée, des terrassements, des murs de soutènement, des escaliers. Des bancs disposés face au paysage suggèrent l'ouverture de vues qui montraient l'étendue du domaine et le travail des paysans. Le donjon médiéval lui-même a été habilement intégré au tracé des jardins comme une fabrique.

Grâce à sa connaissance des goûts de l'époque pour le sublime et un travail sur les archives, Gabriel Wick est en mesure de donner du sens à ces éléments et de transmettre l'histoire qu'ils racontent.

En dépit de son nom, la duchesse d'Enville vivait à la campagne, du moins une partie de l'année. Elle faisait partie du mouvement physiocrate qui prônait le progrès agricole. Elle se livrait à des essais agronomiques dans un potager expérimental, se souciait du bien-être des paysans, leur procurait du travail les années de disette. Peu avant la Révolution française, les récoltes étaient mauvaises. C'est là qu'intervient la création des Promenades. 

En partant du château, des allées en pente douce dessinent de larges lacets. Ils mènent à cinq grottes creusées dans la roche, chacune étant dédiée à l'une des femmes de la famille. Ces dames en faisaient leur refuge. Elles y trouvaient bancs et coussins et une porte fermant à clé.  Plus haut, on devine encore une ancienne clairière, assez vaste pour en faire un lieu de sociabilité. De cet amphithéâtre, la vue devait être magnifique. 

Encore un peu plus haut, on arrive au dispositif le plus ahurissant, celui dit du chaos, ou Niagara. De loin, on ne percevait que le bruit d'un ruisselet. Mais soudain un grondement saisissait d'effroi les promeneurs. Au détour du dernier lacet, ils apercevaient d'énormes masses d'eau qui se précipitaient d'un à pic de 25 mètres creusé dans la roche. Les falaises de craie tout autour créaient un écho qui renforçait le tonnerre des eaux.

Cette cascade n'avait rien de naturel. La duchesse d'Enville avait astucieusement détourné l'usage de l'ancien fossé médiéval entourant le donjon. En amont du chaos, un réservoir créait une retenue d'eau issue d'une source. A l'approche des promeneurs, on envoyait un serviteur ouvrir la vanne. L'eau se déversait pendant vingt minutes en contrebas. 

On ignore si ce dispositif a vraiment servi un jour. Il a été achevé juste avant la Révolution. Quelques mois plus tard, même les plus éclairés des nobles avaient autre chose en tête que chercher à se faire peur.

Le jardin anglais est exceptionnellement ouvert lors d'évènements tels que les journées du Patrimoine, la fête des plantes de la Roche-Guyon ou Rendez-vous au jardin. La visite est obligatoirement guidée et requiert de bonnes chaussures. 


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