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Gazon anglais

Pelouse à Sissinghurst

Les Anglais ont l’art du gazon. Chez nous, une merveille pareille serait protégée comme un massif de fleurs, avec interdiction de poser le pied dessus. Rien de tel outre-Manche. Fouler la pelouse fait partie du plaisir de la promenade au parc ou au jardin, une sorte de droit imprescriptible.

Celle que vous voyez ci-dessus se trouve à Sissinghurst, dans le Kent.

Le jardin créé par la romancière et poétesse Vita Sackeville-West et son mari Harold Nicolson présente un certain nombre de points communs avec Giverny : surface, renom international, oeuvre personnelle d’un artiste…  et aussi un grand nombre de différences. Ce magnifique gazon, par exemple. 

Il est l’objet de tous les soins, naturellement. Même si le climat y est pour beaucoup, cela ne suffit pas. Il faut aussi tondre régulièrement. Tel qu’il était là, le jour de la photo, les brins d’herbe mesuraient 27 millimètres. C’est un peu long, vous en conviendrez. Mais c’était un lundi. Le jour de tonte de cette pelouse est le mardi, dès le lendemain on allait recouper le gazon à 22 millimètres. Ouf.

Dans chaque jardin anglais, on voit des jardiniers en train de tondre. Ils le font avec une grande précision, notamment dans les changements de sens. Le but est d’obtenir des rayures bien nettes. A Sissinghurst, ces rayures ne suivent pas le sens de la grande longueur, elles sont obliques. C’est parce que la pelouse n’est pas tout à fait rectangulaire, mais, selon Vita, en forme de cercueil. Si les rayures étaient parallèles à l’un des côtés, cette irrégularité sauterait aux yeux.

Je ferais bien de faire attention à ne pas dire pelouse, d’ailleurs, car cela sous-entend que le précieux gazon serait animé de pâquerettes ou de trèfle. Damned ! Pourquoi pas du pissenlit pendant qu’on y est ? Le gazon n’est pas partageur. Il veut régner en maître. Complimentez un jardinier anglais sur son merveilleux gazon, il s’excusera de la minuscule touffe de trèfle que vous n’aviez même pas remarquée. Lui ne voit que ça. Si vous n’étiez pas là, il serait déjà parti l’éradiquer. 

Pour son gazon, le jardinier anglais a l’oeil et les soins d’un coiffeur. Il repère les épis, les zones un peu trop piétinées où les brins ne se redressent plus, celles où la terre finit par être à nu. Il tient en réserve du gazon tout poussé dont il peut prélever des morceaux. Si un coin du tapis vert s’élime, il y pratique des greffes de moquette vivante. 

C’est culturel, cet amour du gazon et du jardinage. Dans l’une des citations que l’on peut lire à Sissinghurst, Vita dit qu’au bout de vingt ans, elle pense être arrivée à avoir « un jardin décent ». J’adore cet emploi si british du mot décent. Cela m’a fait penser à une case d’Astérix chez les Bretons où l’on voit un jardinier anglais peaufiner un impeccable jardin tout en disant « Avec 2 000 ans de soin, je pense que mon gazon sera fort acceptable ». A la case suivante, Astérix et Obélix déboulent avec un char lancé à vive allure qui laisse de profondes ornières dans le gazon. 

C’est culturel, c’est-à-dire qu’il y a quelque chose qui nous échappe et nous est étranger dans l’attention dont le gazon fait l’objet en Grande-Bretagne. Mais quand même, le climat anglais aide bien. Parmi les différences entre Giverny et Sissinghurst figure l’arrosage automatique. Le jardin anglais n’en a pas. Pas besoin. Si la saison est exceptionnellement sèche, on arrose à la main, massif après massif, pelouse après pelouse. Cela prend une semaine de couvrir toute la surface du jardin. Au bout d’une semaine, en général, il pleut. 


5 commentaires

  1. C'est bien connu que les anglais sont les "maîtres" en matière de gazon et non de pelouse j'ai bien noté…

    Le résultat est toujours agréable à contempler!!

    Belle semaine Ariane.

  2. Bonsoir Ariane

    Merci pour votre excellent article non dénué d' humour englais et effectivement j' ai appris les subtils nuances de gazon et pelouse.

    moi j aime bien ma pelouse avec ses pâquerettes,pissenlits et meme primevères ou violettes sauvages au début du printemps !

    c est autre chose … Bien à vous.

    Inès.

     

     

  3. What a delightful story about …grass. Just goes to show you that a good writer and deep thinker can make any subject fascinating. And funny, too. Thank you for making me laugh because I can picture Asterix's glee when he rode roughshod over that fine lawn. In the suburbs of America lawn care is a huge and important business, and one is judged by the beauty of one's lawn, and for that we have our English forbearers to thank. Every man's home is his castle and every castle needs its impeccable lawn, no matter how small.

  4. Duh — I forgot why I came here in the first place.

    I got your beautiful calandar and the flower of today is the Water Lily! So I am thinking fond thoughts of Gverny, and your blog always takes me there.

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Cher lecteur, ces textes et ces photos ne sont pas libres de droits.
Merci de respecter mon travail en ne les copiant pas sans mon accord.
Ariane.

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