Nu masculin, Frédéric Bazille, 1863, crayon et fusain sur papier, musée Fabre, Montpellier
Dieu qu'il est beau ! Beau comme un dieu ! Le dessin exécuté au crayon et fusain sur une feuille volante par Frédéric Bazille, un ami de Monet, est conservé au musée Fabre de Montpellier. Un homme nu à la plastique sculpturale se tient debout, aux trois quarts tourné vers la gauche. Ses bras tendus reposent sur une sellette d'atelier.
C'est l'indice qui permet de comprendre la scène. Pas de mythologie ici. Le dessin ne raconte pas une histoire. Ce qu'il se propose de montrer, c'est tout simplement un modèle qui pose dans une école de peinture.
L'auteur ne considère pas son travail comme une oeuvre achevée mais comme un exercice préparatoire, une étape en vue peut-être d'une oeuvre plus élaborée.
Étude de nu masculin. A regarder attentivement on devine des repentirs, des traces de gommage au pied gauche et le long du dos et de l'épaule. Le modèle était plus redressé au départ. A-t-il bougé ? Ou l'artiste a-t-il jugé que cette pose était meilleure ?
Pas facile d'être modèle. A première vue il semble qu'on soit payé à ne rien faire, mais telle est justement la difficulté. Ne pas bouger du tout. Longtemps, très longtemps. De l'avis des modèles, c'est douloureux et épuisant.
Il se trouve pourtant au 19ème siècle des hommes et des femmes pour venir poser, qui plus est poser nus. Par quel ressort psychologique acceptent-ils en cette époque si prude de se dévêtir et de se livrer aux regards d'un ou plusieurs artistes ? Mystère.
Concernant l'homme qui pose pour Frédéric Bazille le 7 mars 1863, on serait tenté de croire qu'il y a une part de narcissisme dans sa démarche : le modèle se trouve beau et veut célébrer la beauté de son corps.
Sauf que. La scène se passe dans l'atelier du maître Gleyre devant un groupe d'élèves. Monet, qui en faisait partie en début d'année est sans doute déjà parti, alarmé dès les premiers jours par le manque de sincérité que prône le maître. "Quand on dessine d'après modèle, il faut toujours penser à l'antique," tel est le credo de Gleyre. C'est-à-dire qu'il faut arranger les défauts du modèle pour se rapprocher d'un idéal imaginaire.
On ne saurait faire reproche à Gleyre d'enseigner l'académisme, pas plus qu'on ne peut en vouloir à Monet de l'avoir rejeté ou à Bazille d'y avoir souscrit pour un temps.
En mars, le jeune camarade de Monet exécute donc studieusement cette académie, et il n'est pas impossible qu'il ait embelli son modèle en mettant à profit ses connaissances en anatomie. Bazille étudie parallèlement la médecine, bien qu'il soit de plus en plus attiré par les beaux-arts. Il a un bon coup de crayon, n'est-ce pas ?
Ce jour-là son nu est très admiré par tout le monde dans l'atelier, ce qu'il rapporte non sans fierté à ses parents. Pour prolonger ce succès il projette même de refaire le personnage grandeur nature.
Pendant ce temps, Monet a pris ses cliques et ses claques et il a filé peindre à la campagne, d'où il presse son ami de venir le rejoindre, le travail avec la nature pour modèle étant selon lui la meilleure des formations.
Les arbres en posant ne prennent pas de crampes, mais ils ont d'autres tours dans leurs branches pour en jouer aux peintres, Monet l'apprendra à ses dépens.
Une anecdote, un brin de savoir, comme on les aime.
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