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Le tableau préféré

De très nombreux musées sont fermés de par le monde, et leurs équipes font de gros efforts pour garder le lien avec le public privé du contact direct avec l’art. Cela passe par de petites vidéos ou des commentaires qui deviennent un peu plus personnels que d’habitude.

Ceux qu’on ne voit jamais, les employés des musées aux diverses responsabilités sont invités à présenter leur oeuvre favorite parmi les collections. Il n’est pas rare que ce soit un Monet.

Ils nous parlent avec leur coeur. Ces personnes qui ont choisi de consacrer leur vie professionnelle à l’art l’ont fait parce que l’art les touche, plus encore que d’autres. Les circonstances présentes leurs donnent l’occasion de sortir de la pure analyse stylistique, jusqu’ici la seule acceptable, pour aller vers l’émotion. Et pour éclairante que soit la première, c’est la seconde qui fait de nous des humains. Par delà les frontières et les confinements, nous voilà réunis dans notre ressenti face à la peinture de Monet.

Jusqu’où peut-on se livrer ? Qu’est-il convenable de dire ? C’est la personnalité de chacun qui le détermine. Sensibilité, empathie, humour, gratitude, fierté, on trouve tout cela dans leurs messages.

A Cleveland, Heather Lemonedes Brown, directrice-adjointe du musée et conservatrice en chef, en télétravail, a choisi le grand Monet ci-dessus dénommé Agapanthes, peint pendant la Première Guerre mondiale, parce qu’il est pour elle un exemple de chef d’oeuvre exécuté pendant une période d’isolement et de difficulté et qu’il continue d’offrir, quelque cent ans plus tard, le réconfort de l’art et de la nature à qui le contemple.

A Stuttgart, le très beau Monet peint à Giverny Prés au printemps est le tableau préféré de Nathalie Frensch, conservatrice de l’art des 19e et 20e siècle. « Ce tableau me fait toujours penser à ma grand-tante, confie-t-elle. En 2006, elle a vu pour la première fois chez nous à la Staatsgalerie « Prés au printemps ». Dans la boutique du musée, elle a acheté tous les objets avec ce motif. Depuis, elle s’est constitué presque une petite collection personnelle, de l’assiette au parapluie en passant par le linge de lit, elle a tout. »

J’adore cette petite anecdote racontée avec tendresse. Je suis cette dame subjuguée par ce Monet magnétique au point d’avoir envie de s’immerger dedans, je suis cette petite nièce heureuse d’être témoin de l’emballement de son aïeule. Au passage, voici les objets dérivés réhabilités, eux que les conservateurs considèrent souvent comme un mal nécessaire.

La directrice du musée de Stuttgart n’a pas choisi un autre tableau. Christiane Lange souligne que les Prés au printemps de Monet ont été, il y a cent ans tout juste, le premier achat des Amis du musée. « Un détail de ce chef-d’oeuvre de l’impressionnisme brillait l’été dernier sur nos supports publicitaires dans le centre ville de Stuttgart et célébrait nos fidèles Amis, à qui nous devons de nombreux achats d’oeuvres importantes depuis cette première acquisition. »


2 commentaires

  1. Nous aimons des peintures pour elles-mêmes, mais il est vrai que dans cette relation se glissent aussi des souvenirs personnels liés à l’œuvre ou à la manière dont nous l’avons découverte (comme pour la littérature).
    Je me rappelle mon impatience à découvrir « La pie » de Monet dont une amie m’avait parlé avec éloquence ; je pense d’ailleurs à elle, qui n’est plus, chaque fois que je vois un Monet – c’était son peintre préféré. C’est aussi grâce à elle que j’ai connu la plus belle immersion dans son art, en visitant les salles des Nymphéas. C’est avec elle que j’ai visité Giverny.

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