Mercredi 8 décembre 1926 : à Giverny, on enterre Claude Monet, décédé 3 jours plus tôt. Malgré les consignes de simplicité laissées par le peintre, environ 80 personnes suivent le cortège qui conduit Monet à son dernier repos. (La photo a été prise dans ce qui est aujourd’hui la rue Claude-Monet, au niveau du jardin du musée des impressionnismes. La maison au fond à droite, dite villa Alice, abrite maintenant le bureau du directeur du musée. Merci à Albert Pillon pour la localisation.)
Tout le monde est en noir, à commencer par le maire qui ouvre la marche. Mais un détail attire l’attention : c’est un tissu clair qui recouvre le cercueil. Les journalistes présents n’ont pas manqué de noter cette incongruité, et le bruit a vite couru qu’elle était signée Georges Clemenceau.
Le Tigre n’était pas homme à s’embarrasser des convenances pour faire ce qu’il estimait juste. Lui qui connaissait si bien Monet avait bien senti qu’un sévère drap noir ferait injure au maître de la couleur.
Que s’est-il vraiment passé ? Sacha Guitry, qui adore rendre les histoires dramatiques, souvent aux dépens de leur véracité, prétend que Clemenceau aurait arraché un rideau d’une fenêtre. Voici le récit qu’il fait dans son film « Ceux de chez nous » :
Quand l’homme des pompes funèbres voulut recouvrir le cercueil du voile noir traditionnel, Clemenceau le lui prit des mains. « Non », dit-il. Puis, ayant regardé tout autour de lui, il alla à la fenêtre, arracha l’un des rideaux de toile fleurie, et lui-même il en couvrit le cercueil du grand peintre en disant à mi-voix : « pas de noir pour Monet, le noir ce n’est pas une couleur. »
Il y a tout de même quelque chose qui me chiffonne dans cette histoire de rideau. D’abord, ce n’est pas si facile d’arracher un rideau, en général ils sont bien accrochés, soit il faut une sacrée poigne, soit il faut défaire les anneaux, c’est toute une histoire. Ensuite, Clemenceau n’était pas du genre à disposer du mobilier chez les gens où il était en visite. Qui aurait eu cette mauvaise éducation ? Cela paraît aberrant.
Je me figure plutôt que Clemenceau a très gentiment demandé à Blanche si elle n’aurait pas une nappe ou un drap imprimé de tons clairs. Elle a tout de suite compris, elle a cherché dans une commode ou une armoire le tissu qui conviendrait et l’a apporté à Clemenceau, qui l’a remerciée et en a recouvert le cercueil.
Mais cette façon de faire manquait de panache pour Guitry. Il avait besoin d’un geste impulsif pour donner de la vigueur à son récit.
On la voit bien sur ce cliché, cette fameuse étoffe de toile claire, devant laquelle se recueille Georges Clemenceau, tête baissée.
Au passage, déboulonnons un autre mythe : même si Monet avait demandé à être enterré sans fleurs ni couronnes et même si on était en décembre, il y en avait une profusion :
Excellente chute, merci pour ce billet d’anniversaire, Ariane.
Je penche plutôt pour ta version au sujet de ce drap….je sais que cette couleur a été demandée par Clémenceau,très eprouvé lors de ses funerailles,on le voit sur la photo.
Le souhait de Monet n’a pas été exaucé,mais difficile de le « respecter » lui qui aimait tant les fleurs!!