Claude Monet, Jean Monet dans son berceau, 1867, huile sur toile, 116 x 89 cm.
National Gallery of Art de Washington, collection Mellon.
Le musée des impressionnismes Giverny se concentre sur « Les Enfants de l’impressionnisme » ce printemps. Parmi les nombreux chefs-d’oeuvre exposés figure cette toile intimiste de Claude Monet. Avec une grande tendresse paternelle, l’artiste a représenté son fils Jean âgé de quelques semaines et couché dans son berceau.
C’est un très joli berceau, n’est-ce pas ? La nacelle, suspendue à un support qui la met à hauteur du lit des parents (pas un cododo mais presque !) et permet le balancement, est habillée d’un ravissant tissu à fleurs, peut-être du satin. La parure dessine de profonds festons gansés de rouge. Un voile du même tissu tombe d’une crosse et tamise la lumière pour protéger bébé de l’éclat du soleil ou des courants d’air.
Le petit Jean, dans son bonnet blanc à noeud bleu, ne fait pas pitié. Il tient dans la main gauche ce qui ressemble à un hochet tambour. Un autre jouet, un moulinet, repose au bas du berceau, attendant de retenir à nouveau son intérêt. Assise près de lui, une femme à la tête couverte d’un bonnet blanc ne quitte pas l’enfant des yeux.
Tout cela ne cadre pas tellement avec la misère présumée dans laquelle Claude et Camille vivent à cette époque. Mais il ne faut pas se fier au berceau ou aux jouets : sans doute, comme aujourd’hui, les prêts entre jeunes parents sont-ils fréquents, et peut-être que le petit Jean bénéficie d’un berceau qui ne lui était pas destiné à l’origine. Même chose pour les jouets.
La vérité de la situation misérable des Monet transparaît plutôt dans le caractère exigu de la pièce. Depuis que le berceau a investi la chambre des parents, dont on aperçoit le lit à gauche, on ne peut plus se tourner sans se cogner aux meubles. L’angle choisi laisse penser que la chambre est très petite.
Camille a accouché à son domicile, un meublé près du parc Monceau, avec l’aide d’un étudiant en médecine ami du peintre, Ernest Cabadé. Pendant ce temps Monet séjournait au Havre chez son père. Quelques semaines plus tard, il revient enfin à Paris auprès de Camille et du petit qu’il découvre, ému. C’est un peu de cette tendresse paternelle qu’il nous donne à voir dans cette toile, mais aussi son regard de peintre et sa réaction face à ce qui lui apparaît comme un bien joli tableau.
Le personnage féminin assis à côté du berceau a donné lieu à des spéculations parmi les historiens de l’art. Le profil ne paraît pas être celui de Camille, la mère de l’enfant. Le catalogue de l’exposition évoque une identification à Julie Vellay, compagne de Pissarro et marraine du petit Jean Monet. Mais l’auteur de la notice y voit plutôt une nourrice « embauchée par Théophile Beguin-Billecocq, fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères qui fréquentait la famille Monet au Havre et fut un soutien financier important pour le jeune Monet. »
Selon les Mémoires du comte, Camille ne pouvait (ou ne voulait ?) pas allaiter. C’est lui qui s’était chargé de trouver une nourrice à l’enfant, une jeune femme venue de Champagne. Il ne dit rien du berceau, mais il ne serait pas étonnant que ce soit un cadeau de sa part.
Monet ne souffle mot de cela dans aucune des lettres qui nous sont parvenues. Peut-être a-t-il remercié par écrit son ami de ses largesses. Si c’est le cas, cette lettre est tout aussi inédite que le Grand Journal de Beguin-Billecocq.
J’ai beaucoup aimé cette expo sur le thème des enfants.
Nous sommes gâtés ce printemps !
Que cette toile est belle,de la luminosité,c’est vrai que c’est un joyeux évènement que Monet a peint !
Les explications détaillées que tu cites toujours intéressantes,j’aime beaucoup…
Je n’avais jamais entendu ce terme « co-dodo » …
C’est un berceau dont un côté s’abaisse pour le mettre à hauteur du lit des parents.