Les visiteurs de Giverny qui ont la curiosité de se promener dans la rue Claude-Monet au-delà des musées ont la chance de découvrir plusieurs galeries d’art, par exemple l’Espace 87, d’après son numéro dans la rue. Une plasticienne givernoise, Christine Cloos-Ristich, et un fondeur, Al Brieu, se partagent les lieux.
Ce dernier s’est fait une spécialité des savons en bronze. Mais pas n’importe quels savons. Il part à la recherche de lots de savons de Marseille ou d’ailleurs, âgés de quelques décennies. Al Brieu en a même trouvé des centenaires au fond d’un garage, tout couverts de poussière. Quand on sait combien le savon a manqué pendant la Seconde Guerre mondiale, c’est un petit exploit. Absolument tout le monde devait ignorer leur existence.
Dans ces lots de savons tout déformés, fendillés, cabossés, desséchés et bien près de partir à la poubelle, Al Brieu sélectionnent ceux qui lui parlent, qui ont de belles inscriptions en relief et une histoire à raconter. « C’est comme la vie, qui laisse des marques sur nous », explique-t-il. Il prend l’empreinte de ces savons en silicone, en tire des moules et y coule du bronze à la cire perdue.
Al Brieu est incollable sur toutes les réglementations qui ont sévi en matière de savonnerie, les pourcentages d’huile obligatoires, l’action de Colbert, et j’en passe. C’est un très étrange objet, si on y réfléchit, qui s’use et disparaît. En tirer des bronzes, c’est faire durer ces savons pour l’éternité. C’est aussi un objet qui a été lui-même moulé, à l’origine. Sauver sa forme, c’est prendre la suite de ces mains qui ont façonné le savon alors qu’il était tout frais, des mains qui sans doute ne sont plus.
J’ai aimé qu’il me raconte l’histoire de ses savons et de sa démarche artistique parce que celle-ci contient sa part d’évidence intuitive, (comment ne pas avoir envie de mouler ces savons quand on est fondeur ?) de sur-cycling ( déchet pour les uns, trésor pour les autres !) de témoignage historique, de chasse au trésor… Et j’imagine sa joie quand il tombe sur une caisse pleine de savons antédiluviens… Et puis finalement la démarche comporte aussi sa part de questionnement philosophique, d’interrogation sur la mort et la place de l’art face à elle. De quoi méditer, si on pose une telle oeuvre sur son bureau.
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Quelle belle idée originale,une réalisation parfaite,que je verrais bien en presse papier ….
Etrange sujet, merci pour ton billet qui explique bien la démarche du fondeur.
Cela m’a fait penser aux estampages d’Alechinsky à partir de plaques d’égout et tampons de regard dans les rues, vus à une exposition.
J’ai vu un jour à Giverny une personne estamper les plaques d’égout ! Alechinsky, ou un émule ?
On peut en acheter ?
Oui, ils sont à vendre.