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Un bananier à Giverny
Y a-t-il un bananier dans les jardins de Claude Monet ? Aussi surprenant que cela puisse paraître, la réponse est oui ! Il n’est pas immense, il ne produit pas de bananes, mais c’est un bananier tout de même : Ensete ventricosum ‘Maurelii’, alias bananier rouge d’Abyssinie.
Il pousse des bananiers dans cette partie de la corne de l’Afrique, comme le montrent les photos d’Arthur Rimbaud. Avec son épaisse nervure rouge et ses très larges feuilles, celui-ci a surtout des visées ornementales. A Giverny, il tranche sur la végétation alentour. Comme il a besoin de soleil et d’humidité, les jardiniers l’ont planté au jardin d’eau, loin de l’ombre des bambous. De ce fait, le voilà aussi bien loin du chemin emprunté par les visiteurs. Je crois qu’ils ne sont pas nombreux à le remarquer.
Deutzia
Ce joli arbuste bien en vue près de la boutique de la Fondation Monet intrigue les visiteurs. Qu’est-ce que cela peut bien être ? Du jasmin ? Un seringat ? Chacun y va de sa supposition.L’application PlantNet a la réponse : ces petites étoiles blanches sont celles d’un Deutzia gracilis.
Les conseils de plantation des pépinières recommandent de lui donner une exposition ensoleillée. A Giverny, il est à l’ombre du troisième atelier et de grands arbres, mais il fleurit néanmoins ces jours-ci, pour fêter l’arrivée de l’été.
Faux pistachier
Staphylea pinnata ou staphylier penné à Giverny
Un petit panneau d’identification donne le nom de cet arbuste qui fleurit en ce moment dans les jardins de Monet, tout près de la maison du peintre.
C’est une ancienne variété de Staphylea pinnata, alias faux pistachier. Il ne retient guère l’attention des visiteurs : tout près de là s’étendent les massifs de tulipes roses et de myosotis bleus qui sont le clou du spectacle en haut du clos normand.
Selon Gilbert Vahé, le chef-jardinier qui a restauré les jardins, ce faux pistachier a été planté par Monet. Ce dernier trouvait sans doute sa floraison originale et intrigante, ses feuilles d’un beau vert.
C’est l’arbuste qui se trouve à gauche sur cette photo.
Camélia d’automne
Il faudrait sans doute un odorat très performant pour s’écrier en passant à proximité de ce camélia : « Ca sent quoi ? » Mais de fait, la fleur du Camellia sasanqua est délicatement parfumée quand on plonge le nez dedans, d’une fragrance qui rappelle le jasmin.
Le camélia, cet arbuste magnifique aux larges feuilles vernissées et aux fleurs aux coloris superbes, est associé au tout début du printemps. J’ai été ravie de découvrir qu’il en existe des variétés qui fleurissent en automne, et qui plus est parfumées.
Cette photo a été prise la semaine dernière dans les jardins Albert Kahn à Boulogne-Billancourt, du côté de la forêt vosgienne. Merci à Nicole Boschung, spécialiste du jardin parfumé, qui m’a appris leur nom amusant, si facile à mémoriser.
Azalées mauves
Parmi les nombreuses azalées qui enchantent le printemps de Giverny, les mauves sont les plus précoces.
Symphorine
Le nom de la symphorine évoque la symphonie. Toutes deux dérivent d'une racine grecque, sym, qui veut dire 'qui accompagne', 'ensemble'. Dans le cas de la symphonie, ce sont les sons qui sonnent ensemble. Pour ce qui est de l'arbuste, il s'agit de ses baies qui sont portées (phorein en grec) ensemble par la plante.
Genévrier
Au-dessus du village de Giverny, le genévrier a profité des terrains rendus disponibles par le recul du pâturage pour s’installer un peu partout sur la colline. Plus que la vue imprenable, son agent immobilier a su lui vendre l’exposition dégagée et plein sud qu’il adore. Un vrai petit solarium où ses baies mûrissent lentement, pour atteindre toutes les nuances de bleu.
En fait de baies, ce sont des galbules, un mot improbable inconnu du Larousse qui désigne ses cônes, puisqu’il fait partie des conifères. Le genévrier les a astucieusement camouflés en fruits si jolis qu’ils ont l’air d’inviter les oiseaux à les manger.
Leur goût, vous le connaissez, pour peu que vous ayez déjà dégusté une choucroute, ils ont une saveur un peu forte et âcre qui donne plutôt envie de les pousser sur le bord de l’assiette. N’en faites rien, c’est pour votre bien.
Les genévriers feront-ils souche à Giverny ? Il faudra pour cela que les brebis continuent de brouter régulièrement sur la colline, tout en grignotant au passage les arbrisseaux qui auraient des velléités de s’implanter. Car si des lotissements entiers de prunelliers surgissent de terre comme des champignons, le genévrier, déçu qu’on lui pique son soleil, ne tarde pas à faire ses bagages vers des cieux plus cléments. Gêné, viré.
Viorne obier
Après avoir offert de très jolies fleurs blanches au printemps, la viorne obier (viburnum opulus) nous régale en ce moment de ses ravissantes grappes de baies rouges. Le régal est surtout pour les yeux, parce qu’il semble que ses fruits réputés toxiques sont âpres et n’ont rien d’exquis.
Il existe plusieurs sortes de viorne obier, la plus courante étant la « boule de neige », un nom qui évoque instantanément l’aspect printanier de l’arbuste, couvert de boules de fleurs blanches (viburnum opulus roseum). Une autre variété, et je crois que c’est celle que j’ai photographiée à Giverny, a des grappes de fleurs plus plates, qui évoquent certains hydrangéas (viburnum opulus compactum).
Je ne voudrais pas vous lasser avec trop de botanique. Ce n’est qu’un fil qu’on tire, et qui ramène toujours à l’humain. Sur la page encyclopédique de la viorne obier, on apprend que
L’obier joue un grand rôle dans la tradition slave. Son nom russe, калина (kalina) est, sous sa forme hypocoristique, à l’origine de la célèbre chanson Kalinka (littéralement « petite baie d’obier »).
Un clic plus loin, vous saurez que l’adjectif hypocoristique s’emploie pour un mot transformé avec une intention tendre, affectueuse, tel que chienchien ou fifille, ou encore quantité de surnoms.
Le surnom hypocoristique a fait fureur au début du 20e siècle. Proust en a parsemé sa Recherche, et la famille Monet n’a pas fait exception. Dans « Le jardin de Monet« , best-seller pour enfants qui met en scène la petite Pomme (Linnéa), l’auteur révèle que Blanche Hoschedé Monet était appelée Lan-Lan par les petits. Lan-Lan ! L’ange bleu, voilà qui a quand même une autre allure !
Aubépine
L’aubépine poudre de blanc les haies de campagne au mois de mai. On la remarque alors : il y en a partout.
Dans les jardins, elle déjoue sa banalité en devenant rose, voire rouge, et en se présentant sous forme d’un petit arbre de trois à quatre mètres.
Je ne sais pas ce que cela vous évoque, l’aubépine, quelques belles pages de Proust peut-être ? En Irlande, c’est clair pour tout le monde : l’aubépine (hawthorn) est un arbre féerique (a fairy tree). Des créatures mystérieuses y habitent.
Bien sûr, au pays de Descartes, on ne croit guère aux fées. Mais là-bas, selon la dame irlandaise qui m’a longuement parlé de l’aubépine, personne ne s’amuserait à en plaisanter.
Les paysans sont des gens terre à terre, croyez-vous. Pourtant le cultivateur irlandais qui a un buisson d’aubépine qui pousse dans son champ fera un détour avec son tracteur pour l’éviter. Pas question de l’abîmer, encore moins de l’arracher.
Pour illustrer à quel point la croyance dans le caractère magique de l’aubépine est ancrée, ma cliente m’a raconté une histoire assez incroyable. Dans la maternelle de son village, une aubépine pousse dans la cour de l’école. C’est plein de piquants très pointus, l’aubépine. Les ballons finissent toujours par atterrir dedans, et les enfants se griffent à aller les rechercher.
En conseil d’école, tout le monde était d’accord : l’aubépine devait disparaître (it must go). Mais quand il s’est agi de trouver quelqu’un pour l’arracher… Personne, non personne n’a voulu risquer de… De quoi ? On ne sait pas vraiment, mais sûrement les fées allaient se venger terriblement, car personne, non personne n’a accepté de.
Au final on a taillé sévèrement l’aubépine.
Mais déjà, elle repousse.
T’as d’bons yeux tu sais !
Il y a peu de chances de découvrir spontanément cette fleur si personne ne vous l’a montrée : elle est aussi minuscule qu’inattendue. Et bizarre avec ça ! Un pied velu, et des bras rouge vif qui émergent d’un tout petit bourgeon pour s’ouvrir en éventail à la façon d’une anémone de mer.
Si vous agrandissez la photo, vous reconnaîtrez sans doute de quelle plante il s’agit grâce aux chatons voisins, si caractéristiques du noisetier.
Les écureuils font provision de noisettes pour passer l’hiver, c’est bien connu. Mais le noisetier pourrait en remontrer à l’écureuil en matière de prévoyance. Il a toujours plusieurs saisons d’avance, un peu comme ma grand-mère qui préparait ses cadeaux de Noël dès le mois d’août.
Chez le noisetier, il n’est jamais trop tôt pour bien faire. Dès l’automne, la floraison de l’année suivante est en place.
Les fleurs s’ouvrent en janvier-février, alors que tout n’est que frimas aux alentours. Vous iriez déjeuner sur la terrasse, vous ? Et passer la nuit à la belle étoile ? Il faudrait avoir un grain pour cela, mais le noisetier n’est pas fou. Avec son caractère, évidemment il a tout prévu.
La petite fleur rouge n’a que le bout du nez qui dépasse. Le strict minimum. Tout le reste est bien caché sous la doudoune.
Les parties rouges sont des stigmates, c’est-à-dire l’extrémité du pistil. Grâce à eux la fleur femelle va attraper le pollen de noisetier qui passe. D’où il sort, celui-là ? Des grands chatons qui, leur heure venue, s’ouvrent et laissent le vent les secouer comme un chiffon à poussière.
Le noisetier n’est pas avare en pollen, au point d’en jaunir les alentours. Prévoyant comme il est, il ne faudrait pas qu’on en manque. Un peu comme ma grand-mère qui cuisinait toujours pour douze quand on n’était que quatre.
Tout irait donc pour le mieux. Seulement, le noisetier a aussi l’art de se compliquer l’existence. Par exemple, il a horreur des mariages consanguins. Comment faire pour éviter de s’autopolléniser ?
Le noisetier a trouvé la solution. Les fleurs mâles, les chatons, s’épanouissent avant les femelles. Quand les petits boutons rouges s’ouvrent, cela fait longtemps que les chatons se sont secoués et resecoués et qu’ils n’ont plus rien à offrir à personne.
Bigre ! Et comment vont faire les petites fleurs rouges pour réaliser leur voeu le plus cher, se transformer en noisettes ? Là, il faut qu’elles aient un peu de chance, qu’il y ait dans les environs un noisetier en retard et dont les fleurs mâles puissent les féconder.
Même quand on est très prévoyant, il faut quand même laisser un peu de place au hasard.
Tamaris
Trois jours par an, le tamaris est une splendeur. Il darde en tous sens ses chatons, des bâtonnets rose poudré tout à fait raccords avec la façade de la maison de Monet à Giverny.
Devant tant de douceur, on fond, on en oublierait qu’on a maudit le tamaris tout le reste de l’année.
En effet, sitôt la floraison passée, il ne demeure du tamaris que son côté hirsute. Cet arbre à la forme incertaine, difficile à modeler, se la joue cheveux au vent en bord de mer, façon nostalgie des rivages maritimes où il se complaît habituellement.
Est-ce pour cette même nostalgie des vacances sur la côte méditerranéenne qu’on en voit dans tant de jardins ? Ou pour son feuillage si fin, si léger, qui rappelle les fanes des asperges ? Tellement fin, soit dit en passant, qu’il ne faut pas trop compter sur lui pour l’ombre. Il tamise à peine le soleil.
Si le tamaris laisse à désirer en matière de style, en revanche il assure côté culture. Plein de vitalité, c’est une vraie bonne pâte très peu exigeante qui se laisse bouturer avec une facilité déconcertante, si l’on en croit l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert :
Il se multiplie très aisément de branches couchées, & sur tout de bouture qui est la voie la plus courte ; elles réussissent assez généralement de quelque façon qu’on les fasse, quand même on les planteroit à rebours; & quoiqu’on les laisse exposées au grand soleil. Il faut préférer pour cela les branches qui sont de la grosseur du doigt: elles poussent souvent de 4 piés de hauteur dès la premiere année. On les fait au printems.
Quand même on les planteroit à rebours ! Rien que cette phrase, ça donne envie d’essayer pour voir si c’est vrai.
Buis
Le muguet a son heure de gloire le 1er mai. Le buis, qui n’a pas l’avantage de fleurir opportunément et de façon spectaculaire, est néanmoins à la fête une fois par an.
Le Buxus sempervirens le doit à sa marque distinctive d’être toujours vert.
Pourquoi a-t-il été choisi pour représenter les Rameaux, et pas le lierre ou le houx ? Pour quelque raison mystérieuse qui dépend de la tradition régionale, le laurier, l’olivier ou le saule lui sont préférés ailleurs, mais dans le nord de la France c’est le buis qui a cet honneur.
En Normandie il n’est pas rare de voir dans les maisons des petits brins de buis glissés sous les crucifix. L’usage veut qu’on en place à la tête de chaque lit. On les conserve pendant onze mois jusqu’au mercredi des Cendres, le premier jour du Carême suivant, pour les brûler et en faire les cendres bénites.
Le buis sauvage est abondant dans les sous-bois de la vallée de la Seine. A la Roche-Guyon il forme des taillis, il pousse en arbres de plusieurs mètres de haut.
Tronc grêle, allure dégingandée informe, feuillage peu dense aux feuilles minuscules, ce pas beau à l’état sauvage devient sculptural dans les jardins, grâce à la magie de la taille. Il n’a pas son pareil pour se transformer en cône, en boule ou en martien, quand les sécateurs affûtés le façonnent au gré de l’inspiration.
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