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Philippe Delerm

Philippe Delerm, Traces, Editions FayardLe dernier Delerm est une merveille. Il s’appelle Traces. Delerm s’attache à des traces de ce qui a été, des affiches, des graffiti, des pierres tombales, des noms de rues, des bateaux abandonnés… De sa langue précise, précieuse, il décortique les signes. Il a l’entêtement d’un Proust à analyser le sens de ce qui s’offre et se dérobe en même temps.
On déambule dans un Paris où le passé s’effrite, des boucheries chevalines transformées en boutiques chics, des marchands de livres d’occasion annotés par leur ancien propriétaire, des ruelles pavées où courent encore des rails devenus inutiles… On lève les yeux vers le panache laissé par un avion. On s’arrête pour déjeuner dans un bistro où la table a bien vécu.

Philippe Delerm est Eurois. Je ne sais si cette proximité géographique est pour quelque chose dans les affinités particulières que j’ai pour cet auteur. Je me souviens du temps d’avant La première gorgée de bière, quand il écrivait dans le magazine de l’Eure Inter. Il décrivait des balades dans le département, qui sont devenues après coup Les chemins nous inventent.
Le saisissement de découvrir cette prose si incroyablement littéraire et poétique, une pépite au milieu du magazine. Sa petite photo en vignette, où il avait la barbe bien sombre encore.
C’est dans ce contexte-là que Philippe Delerm a écrit un très beau texte sur Giverny. Comme dans Traces, il est illustré de photos esthétiques, émouvantes, prises par sa femme Martine Delerm.
C’est tellement beau et tellement juste, il y a une dizaine d’années j’ai écrit à Philippe et Martine Delerm pour leur demander l’autorisation de publier ce texte sur internet.
J’ignorais leur adresse complète, je ne connaissais que leur commune de résidence. Visiblement la lettre leur est parvenue puisque j’ai reçu en réponse l’autorisation demandée. Malicieusement, Delerm avait omis le nom de la rue lui aussi. La lettre m’est arrivée quand même, bien que je sois une parfaite inconnue dans une commune nettement plus peuplée, merci la Poste.

Cela m’a amusée de trouver dans Traces un chapitre sur les lettres autographes.

Bien sûr, c’est de Baudelaire, de Vigny, de Picasso, de Monet, d’Apollinaire. Ce n’est pas pour autant du Baudelaire, du Vigny. C’est même plutôt le contraire : l’aveu d’une normalité qui ne les a pas empêchés d’enfermer ailleurs, dans un autre cadre, un autre espace, la seule chose qui ait du prix : leur différence.

Je regarde la petite lettre autographe que je possède de Philippe Delerm, et je me dis que c’est tout-à-fait ça, de Delerm mais pas du Delerm.
N’empêche, dans ce chapitre de Traces, on trouve deux occurences du nom de Monet.

Intrigue à l’anglaise

Intrigue à l'anglaise, Adrien Goetz, Grasset Voilà un livre qui donne envie de s’offrir une excursion à Bayeux ! Dans la veine du da Vinci Code en plus léger, c’est l’histoire d’une jeune conservatrice nommée au musée de la Tapisserie pour démêler les fils d’une intrigue qui se noue au 11ème siècle, s’embrouille au 19ème et se termine serrée comme un noeud coulant à la mort de la princesse Diana.
La Tapisserie de Bayeux s’arrête un peu abruptement. Quelle était la vraie fin ? Pourquoi a-t-elle disparu ? Et pourquoi ces quelques mètres de toile brodée intéressaient-ils Napoléon, Hitler et les Windsor ?
L’intrigue ne manque pas d’originalité, le ton d’humour, et la toile de fond aux lieux si familiers donne à l’histoire un relief et une saveur tout particuliers.

Gilles de Gouberville, premier des diaristes

Le livre de raison de Gilles de Gouberville Les blogueurs ont un ancêtre normand. Ce personnage a vécu au 16ème siècle, en pleine Renaissance, de 1521 à 1578. Il s’appelle Gilles Picot de Gouberville.
C’est exceptionnel pour l’époque, le sieur de Gouberville tient, jour après jour, son « livre de raison ». Il vit dans son fief du nord du Cotentin, au Mesnil-au-Val, et prend un soin constant de ses affaires. Gouberville note minutieusement ses faits et gestes, ses dépenses, les ordres qu’il donne à ses gens. Voulez-vous plongez dans le quotidien d’un gentilhomme d’il y a cinq siècles ?

Le vendredi XXIXè, apprès desjeuner je m’en allé à Gouberville, Cantepye avecques moy. Nous y arrivasmes à mydi. Joret n’y estoyt poinct. Il estoyt à Gatteville faire férer une roe. Je l’envoyé quérir. Pendant lequel temps je me dormy. Puys regardasmes quelles bestes il maineroyt demain à la fère de la Pernelle. Je party à troys heures, le vicayre et Joret me convièrent jusques près la chasse du Mor. Nous parlasmes à Michel Le Fevbre et à son frère qui estoupoient à un clos qu’ils ont fait neuf. Avant que desjeuner céans au matin j’avoye achapté quatre maquereaulx qui coustèrent XXd.

J’aime bien Gouberville pour cette incroyable langue, à la fois compréhensible et étrange. Rien de fleuri dans tout cela, pas d’effet de style. il écrit pour lui, brut de décoffrage.
On se laisse emporter par le fil de cette vie, de cette plume assez sèche. Et puis soudain, on reste stupéfait face à une ligne de caractères… grecs. Comme nous autres blogueurs d’aujourd’hui pourrions être tentés de glisser quelques mots en anglais, Gouberville se laisse aller à employer la langue étrangère qu’il maîtrise. Le grec.
Voilà qui remet les siècles à leur place…
On peut encore voir aujourd’hui la tour de Barville, le dernier vestige du manoir du Mesnil-au-Val. Une association, le comité G. de G. s’attache à préserver ce bâtiment et à faire connaître le Journal.

Livres de voyages

Le clos normand, jardin de Monet à Giverny, Normandie, FranceQu’est-ce qui fait venir les touristes à Giverny ? Par quelle grâce ce lieu façonné par Claude Monet s’est-il hissé au rang envié de « must see », comme disent les Américains, d’endroit à visiter absolument ?
Quand tant d’autres jardins remarquables se créent un peu partout en France, en Normandie, qui sont loin de connaître la même affluence, il y a de quoi s’interroger sur le succès de Giverny.
Bien sûr, le premier ambassadeur du lieu, son meilleur VRP à travers le monde, c’est Claude Monet lui-même. Les innombrables tableaux qu’il a fait de son jardin, présents dans des centaines de musées, donnent forcément envie de découvrir le modèle.
Et puis interviennent les prescripteurs, le bouche à oreille, l’effet boule de neige. Giverny est populaire parce que ce qui est proposé -un jardin fleuri, une promenade au bord de l’eau, une maison de campagne pleine de charme- est susceptible de plaire à un très large public. Comment les touristes ont-ils appris l’existence de Giverny ? Il y aurait des enquêtes à faire sur ce sujet, s’ils s’en souviennent.
Les livres ne sont pas les derniers à donner envie de voir en vrai. Ils créent le désir en faisant rêver. Un jour, leur auteur a visité les jardins et la maison de Monet. Sous le charme, il a eu envie de faire partager son émerveillement. Ecrire, illustrer, est susceptible d’infléchir le cours de la vie des lecteurs. Quel fabuleux pouvoir !
Les livres qui incitent au voyage s’offrent, à tout âge. Et voilà l’étincelle lancée, les yeux brillent, le feu couve.
Interview d’une famille anglaise en visite chez Monet : ils puisent leurs idées de voyages dans un best-seller reçu au dernier Noël, « Endroits inoubliables à voir avant de mourir ». Giverny était un des lieux « mythiques » les plus proches de chez eux, un week-end a suffi. Ils cochent sur leur liste, avec un intense sentiment de satisfaction. Le goût de la collection qui habite chacun de nous, sans doute. Après coup, trouvent-ils justifié que Giverny figure sur cette liste ? Oui, disent-ils, c’est encore plus beau que ce qu’ils avaient imaginé. Surtout, le clos normand en pleine floraison estivale et la maison sont de merveilleuses surprises, ils s’attendaient davantage au jardin d’eau.
Cela peut prendre du temps avant de réaliser les rêves nés des livres. Témoignage d’un couple de jeunes Allemands : leur voyage leur a été inspiré par le livre pour enfants « Linnea dans le jardin de Claude Monet » que la jeune femme a reçu quand elle avait huit ans. Depuis vingt ans, elle avait envie de faire ce voyage, en suivant toutes les étapes du livre, le même hôtel parisien qui existe vraiment, le musée Marmottan, l’Orangerie, Giverny par le train. Sa petite poupée Linnea à la main, la voici en plein émerveillement de concrétiser ce rêve venu du plus profond de l’enfance. C’était donc vrai…

Cher lecteur, ces textes et ces photos ne sont pas libres de droits.
Merci de respecter mon travail en ne les copiant pas sans mon accord.
Ariane.

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