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Claude Monet et la Grande Guerre : les premiers jours
Comment Claude Monet a-t-il traversé la guerre de 1914-1918 ? L’histoire de l’art se penche davantage sur la production des artistes que sur leur ressenti. Pour avoir une idée de l’impact de la Première Guerre mondiale sur Monet, il faut s’intéresser à ses lettres.
La guerre est déclarée le 3 août. Le 8, c’est un Monet très inquiet pour ses amis qui écrit à ses marchands Gaston et Josse Bernheim-Jeune :
Le testament de Michel Monet
Le musée Marmottan-Monet présentait, dans le cadre de l’exposition « Monet collectionneur » qui vient de s’achever, le testament olographe du fils du peintre et unique héritier Michel Monet.
D’une écriture précise,
Les trois Michel
C’est l’histoire de trois messieurs qui s’appelaient tous Michel. Le premier était mort depuis longtemps. Le deuxième s’intéressait aux gens morts depuis longtemps. Le troisième, depuis longtemps, aimait tuer des gens, à coups de plume. Un lieu, comme un lien, reliait ces trois hommes : le village de Giverny.
Le premier est Michel Monet, second fils de Claude. Il est décédé en 1966.
Le deuxième est Michel de Decker, fameux historien qui habite notre coin du val de Seine. Il est l’auteur d’une biographie sur Monet qui a fait date, car il est allé recueillir à Giverny les témoignages des personnes assez âgées pour avoir connu le peintre. Cela se passait je crois dans les années soixante-dix. Comme historien et comme conférencier, de Decker a une verve inimitable.
Le troisième est Michel Bussi, auteur normand de romans policiers devenus depuis l’an dernier des best-sellers. L’un d’eux, Nymphéas noirs, se passe à Giverny.
Le troisième Michel, pour élaborer son histoire, a puisé dans le deuxième, qui parle du premier. Vous me suivez ?
Selon le deuxième, le premier serait mort sans héritier mais non sans descendance. Michel Monet serait le père de la petite Henriette, (alias Rolande Verneiges) la fille de sa femme Gabrielle Bonaventure, qu’il n’a pourtant jamais reconnue.
Pourquoi Michel Monet s’est-il privé de descendance, s’il en avait une ? A ma question, Michel de Decker avance l’hypothèse qu’il avait peut-être des doutes sur sa paternité. L’historien a promis de faire le point sur le sujet dans la prochaine édition de sa biographie de Monet.
En attendant, Michel Bussi n’hésite pas à présenter comme un fait avéré ce qui n’est que supputation. « Michel Monet habita la maison rose de Giverny jusqu’à son mariage, en 1931, avec le mannequin Gabrielle Bonaventure, dont il avait eu une fille, Henriette », lit-on dans Nymphéas noirs. Et comme l’auteur précise en préambule que le roman se fonde sur des faits authentiques, voilà une affaire pliée.
Et vous, qu’en pensez-vous ? Pour ma part, je trouve présomptueux de prétendre en savoir plus long que les intéressés eux-mêmes sur leur intimité. Pour moi, tant qu’on ne m’aura pas prouvé le contraire, Michel Monet n’a pas eu d’enfant. Je préfère pour sa mémoire penser cela plutôt que de le considérer comme un père indigne qui n’a pas voulu reconnaître sa fille.
Bien sûr, chacun est libre de penser ce qu’il veut. Et même de s’en moquer éperdument.
Le legs Monet dans les archives de l’INA
Pour occuper les longues soirées d’hiver, le site internet de l’Institut national de l’audiovisuel (Ina) recèle des milliers d’heures d’enregistrements d’archives de la radio et de la télé françaises aptes à captiver chaque internaute.
Supposons que vous vous intéressiez à Giverny et à Monet. Il suffit d’aller sur ina.fr et de taper, disons, Monet dans la zone Recherche. De grands moments de télévision vous attendent.
Laissons de côté le premier document en date, l’inauguration de l’exposition du centenaire de Monet et Rodin en 1941, dans le Paris de l’Occupation, et le second, en 1965, qui évoque une vente aux enchères. Le premier reportage à m’avoir scotchée s’intitule « levée des scellés de la collection Claude Monet » à Sorel-Moussel, au domicile de Michel Monet.
Daté de février 1966, il fait suite au legs par Michel Monet de la collection de son père à l’Académie des Beaux-arts. Dans sa grande maison des bords de l’Eure, « les Blondeaux », le fils de Monet conservait ses tableaux préférés. Il avait notamment fait encadrer ensemble les portraits de ses parents Camille et Claude faits par Renoir. De purs chefs-d’oeuvre sont là, et c’est un moment d’une rare émotion de les découvrir en même temps que leurs bénéficiaires. Le singe de Michel Monet suit toute l’affaire des yeux, juché sur une épaule, tandis qu’apparaissent deci-delà quelques objets rapportés d’Afrique par son maître.
Quelques jours plus tard, en mars 66, dans son reportage « Peintures Monet », la télé s’invite à Giverny.
La maison de Monet était alors une propriété tout à fait privée, sans occupant depuis la mort de Blanche Hoschedé en 1947. Après un bref tour dans le jardin, les images nous font entrer dans la salle-à-manger, en compagnie de maître Bourdon, administrateur des biens de Claude Monet. On reconnaît un buffet, encore plein de la vaisselle familiale, les chaises, et les estampes au mur. Partout sont entassées les toiles de Monet qui étaient restées à Giverny, toiles tardives du temps de la cataracte, longtemps dépréciées : 46 tableaux, précise l’administrateur.
Le reportage se poursuit dans le deuxième et le troisième atelier, et c’est une surprise de les découvrir avant leur restauration. Je n’ai pas vu les arbres qui poussaient supposément dedans, en revanche les transformations apportées ultérieurement au deuxième atelier sautent aux yeux.
Le reportage est suivi d’une interview d’Emmanuel Bondeville, qui était alors le secrétaire perpétuel de l’Académie des Beaux-arts. En plan fixe devant une fenêtre de l’institut de France qui donne sur le quai de la Seine, il s’exprime sur les conditions de ce legs. Au fil de ses propos, on peut voir les bouquinistes tenir leurs éventaires, et les flots de voitures couler ou s’arrêter au feu rouge. DS, Dauphine, Simca 1000, 2CV, Ami 6, 4L, Vespa, et même le bus vert de la RATP, c’est 1966 qui défile en arrière-plan, et la juxtaposition du discours en termes choisis de l’académicien et de ces voitures miniatures transporte réellement dans une autre époque.
En 1971, tous les tableaux transférés au musée Marmottan sont présentés au public (Reportage « Monet du musée Marmottan« ). A l’occasion de cette exposition, le conservateur du musée Pierre Schneider parle avec beaucoup de sensibilité de la peinture de Monet, de son amour de l’eau, du passage du stable à l’instable, et de sa façon de « hausser le paysage jusqu’à l’épopée ».
Enfin, un amusant reportage de 1972, « Exposition Claude Monet« , commente la popularité toute neuve du musée Marmottan qui, avant le legs Monet, ne recevait paraît-il que 300 visiteurs par an. A se demander s’il était ouvert quelquefois.
Michel Monet
Quel personnage étonnant que Michel Monet ! J’ai rencontré aujourd’hui un monsieur qui l’a connu quand il était enfant et qu’il habitait à Sorel-Moussel dans l’Eure et Loir, non loin de la demeure du fils de Claude Monet. « C’était un homme très élégant, se souvient-il, il portait des pantalons de golf et une casquette, il conduisait une magnifique voiture, une Delage de couleur verte. »
Cette élégance apparaît sur cette photo de jeunesse prise du vivant de son père. Quelle classe ! Cela ne devait pas déplaire à Claude Monet qui avait lui-même un goût pour les vêtements de qualité.
Derrière ces allures de dandy, qui devinerait son don de la mécanique ? Très jeune Michel s’est passionné pour l’automobile, un autre virus hérité de papa, et qui lui coûtera la vie : Michel Monet décède en 1966 dans un accident de voiture à Vernon, sur le pont Clemenceau, à l’âge de 88 ans.
Mais n’allons pas trop vite.
Le fils cadet de Claude Monet naît le 17 mars 1878 à Paris, alors que la situation matérielle de ses parents et de son frère aîné Jean est catastrophique. A l’été suivant, pour limiter les dépenses quotidiennes, les Monet partagent une maison avec les Hoschedé à Vétheuil ; les deux familles sont dans la misère. Monet peint avec acharnement, sollicite ses amateurs pour qu’ils achètent des toiles, sans succès.
Camille, la femme de Monet, est au plus mal. Le petit Michel a la douleur de perdre sa mère alors qu’il est encore bébé. Est-ce l’origine de son caractère « neurasthénique » ? Ou cet aspect de sa personnalité vient-il du poids d’être fils de ? Ou de l’emprise de son père qui se serait opposé à sa vocation d’inventeur ?
Il est bien difficile de se faire une place quand on est le fils d’un génie et que tout le monde vous courtise en raison de votre filiation. Et même si Monet n’avait pas été le peintre que l’on sait, il n’en aurait pas moins eu cette personnalité inquiète de tout, contrôlante, et disons le mot, abusive.
Enfant, Michel s’intéresse à la botanique, attrape les grenouilles, bricole les bicyclettes, il est inséparable de Jean-Pierre, le plus jeune des enfants d’Alice, qui a presque le même âge.
Puis il fait ses débuts dans la vie professionnelle avant d’être mobilisé en 1914. Le voilà Poilu.
Il en revient, la vie reprend son cours. Il a perdu son frère Jean, décédé de maladie début 1914. Maintenant il est le seul descendant de Claude Monet.
Quand son père s’éteint le 5 décembre 1926, Michel a 48 ans. Il hérite d’une coquette maison de famille à la campagne, et surtout d’une impressionnante collection de tableaux. Combien ? 180, disent certains. C’est bien difficile à chiffrer tant la diversité des oeuvres est grande, des carnets de croquis et des toiles de jeunesse aux grands panneaux des Nymphéas encore présents dans l’atelier de Giverny.
De son vivant Monet a émis le voeu que les oeuvres majeures soient léguées à l’Etat. Il reste toutes les autres. Aux toiles de son papa s’ajoutent celles que Monet a rassemblées et qui lui venaient de ses amis peintres, des Cézanne, des Renoir, des Pissarro, des Berthe Morisot, des Boudin, des Manet… 35 au total, dit-on.
Cela, ce sont les biens tangibles. Michel Monet perçoit aussi des droits de reproduction sur les oeuvres de son père. De quoi vivre confortablement jusqu’à la fin de ses jours.
Que va-t-il faire de son temps, ma pauvre Lucette ? Comme beaucoup de gagnants du loto, il voyage. Il a laissé le souvenir d’un « explorateur » dans son village de Sorel.
Ses petits neveux voyaient en lui un voyageur au long cours. Son singe les amusait beaucoup. Ils étaient fascinés par les objets étranges rassemblés dans une pièce de sa maison, corbeilles à papier en pattes d’éléphant ou descentes de lit en peau de lion rapportées de ses safaris en Afrique.
Lui qui n’avait pas d’enfant aimait beaucoup ceux de ses belles-soeurs, il était heureux de leur étonnement devant sa collection d’objets improbables.
Surtout, le souvenir que va laisser Michel Monet à la postérité est celui d’une générosité exemplaire. Fidèle au voeu de son père, il lègue par testament tous ses biens à l’Académie des Beaux-Arts de l’Institut de France. C’est en quelque sorte les offrir au public plutôt que de les laisser à des particuliers plus ou moins proches.
Les tableaux sont conservés au musée Marmottan à Paris, la maison et les jardins de Giverny, admirablement restaurés, sont ouverts à la visite. Sans le geste de Michel Monet nous ne pourrions pas admirer des dizaines d’oeuvres de Monet ni découvrir la splendeur de ses jardins, l’harmonie de sa maison.
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