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La face cachée de la maison de Vétheuil
Après de longues années de fermeture, la maison que Claude Monet a habitée à Vétheuil s'ouvre à nouveau à l'air et à la lumière. Des particuliers, Claire et Pascal Gardie, viennent d'en faire l'acquisition.
Vue de Vétheuil
A vingt kilomètres de Giverny en direction de Paris, voici le village de Vétheuil, vu au mois de mai depuis le hameau de Lavacourt sur la rive gauche de la Seine.
Monet s’y retire en 1878, dans une petite maison en location qu’il partage avec la famille Hoschedé.
Quand Monet jette son dévolu sur le village de Vétheuil, c’est l’été, il cherche de jolis motifs à peindre et un endroit où vivre à bon marché. Les trois années passées à Vétheuil, si elles sont difficiles sur le plan financier et affectif, vont être très productives. L’église, le fleuve, les îles, Lavacourt, les champs de coquelicots offrent à Monet une multitude de motifs, puis se seront les glaçons sur la Seine gelée.
On aperçoit sur la photo le toit de la maison de Monet, c’est la deuxième en partant de la gauche. Elle se trouve au pied du manoir à tourelle qui appartenait à la propriétaire de la maison, et qui fut habité plus tard par la peintre américaine Joan Mitchell.
Plusieurs autres artistes ont aussi séjourné à Vétheuil, sans pour autant que le village ne devienne une colonie.
Entre la route et la Seine, s’étendait le jardin en pente où Monet cultivait des tournesols, et qu’il a peint à plusieurs reprises. De là il n’avait plus que quelques pas à faire pour retrouver son bateau amarré au ponton.
Point de rencontre
Joan Mitchell figure sur la grande fresque qui orne la place de la mairie à Vétheuil. C’est un rendez-vous imaginaire, la terrasse d’un café qui serait le point de rencontre entre les peintres qui ont séjourné à Vétheuil. Les voici réunis à travers les générations, un verre à la main.
Le peintre qui a exécuté le portrait de Joan Mitchell ne l’a pas gâtée, avec son sourire de travers et ses énormes lunettes, sous une frange très années soixante-dix.
L’artiste américaine a vécu vingt-cinq ans dans le village de la vallée de la Seine, à une vingtaine de kilomètres de Giverny. Un village si pittoresque qu’il a séduit de nombreux peintres, à commencer par Claude Monet qui y a passé trois ans dans la maison en contrebas de celle de Joan Mitchell, un siècle plus tôt. Lui aussi figure sur la fresque, debout.
Joan Mitchell est morte en 1992, ce n’est pas si vieux et beaucoup de gens l’ont connue. Sa personnalité exceptionnelle a laissé un souvenir impérissable à tous ceux qui la fréquentaient. Elle buvait comme un trou, selon les témoignages, et elle avait un caractère difficile. Ses disputes avec son compagnon Jean-Paul Riopelle ont marqué les esprits.
A force d’enquêter sur elle, j’ai fini par m’intéresser aussi à Riopelle. Le peintre canadien est figuré à l’écart sur la gauche. Son atelier se trouvait non loin de Vétheuil, à Saint-Cyr-en-Arthies.
Une des oeuvres les plus importantes de Riopelle se nomme « Point de rencontre ». Commandée par le gouvernement canadien en 1963 pour l’aéroport de Toronto, c’est la plus grande toile qu’il ait jamais peinte, 4,26 m par 5,49 m.
« Point de rencontre » n’est pas à Toronto, mais à Paris. Le gouvernement canadien en a fait don à la France à l’occasion du Bicentenaire de la Révolution. Depuis, l’oeuvre se trouve à l’Opéra Bastille.
Outre le lien évident avec la Révolution Française, c’est un choix particulièrement heureux, car les marches de l’Opéra sont un point de rendez-vous parisien très populaire, précis, facile à trouver, où l’on peut s’asseoir.
J’aurais aimé voir une reproduction de ce tableau, mais je n’ai pas pu en trouver sur le net. Car, selon les descriptions, il marque un retour au figuratif dans l’oeuvre de Riopelle. Qu’y a-t-il figuré ? Le titre est ambigu. Point de rencontre, c’est peut-être qu’il n’y a point de rencontre. A quelques mètres de là, sur les marches, quelqu’un a peut-être attendu pour rien, celui ou celle qu’il espérait n’est pas venu, il finira par repartir le coeur serré.
Jean-Paul Riopelle tenait tête à Joan Mitchell. Celle-ci peignait la nuit, volets fermés, à la lumière électrique. J’imagine qu’elle avait besoin de l’alcool pour se désinhiber, entrer dans une sorte de transe et jeter ses émotions sur la toile en gestes de couleurs.
Il me vient des questions triviales. Que buvait-elle ? Du whisky sans doute, plus concentré, plus efficace ? Où l’achetait-elle, à l’épicerie de Vétheuil au pied de la fresque ? Ou bien poussait-elle jusqu’à l’hypermarché de Mantes-la-Jolie ?
Vous l’avez peut-être croisée là-bas. Peut-être même que vous avez remarqué son chariot plein de bouteilles et de croquettes pour chiens. Mais vous ne lui avez rien dit. Au supermarché, point de rencontre.
Le moulin de César Franck
J’ai fini par trouver le moulin de César Franck à Vétheuil.
Vétheuil, ce village au bord de la Seine entre Vernon et Mantes-la-Jolie, a abrité un grand nombre de personnes célèbres, même si la gloire de Monet, le plus fameux de ses résidents, fait un peu d’ombre aux autres.
C’est une Vétheuillaise qui m’avait passé l’info : au bout de la rue des fraîches femmes, un moulin avait appartenu à César Franck.
Un moulin ! Je me suis bêtement imaginé que c’était un moulin sur la Seine, et je l’ai cherché au bord du fleuve, avant de revenir sur mes pas et de le découvrir un peu plus haut, sa roue mue par un ruisselet qui dévale la colline.
De mémoire de Vétheuillais, donc, César Franck a résidé dans cette propriété. Il n’est pas fait mention d’un quelconque séjour du célèbre organiste et compositeur du 19ème siècle à Vétheuil dans les biographies que l’on peut trouver sur internet, le fait a dû sembler trop insignifiant. Ce qu’il n’est pas pour les habitants de Vétheuil, cela va de soi.
J’aime à penser que cette retraite s’est révélée aussi féconde pour César que pour Claude, que l’inspiration lui est venue à contempler le flot qui coule, à écouter chanter les oiseaux du ciel.
La propriété a dû être belle, elle conserve des traces de parc à l’ancienne, buis, grands arbres, et ce portail un peu solennel pour un village campagnard, pour un simple moulin. Désertée par son célèbre propriétaire, un peu laissée à l’abandon par ceux d’aujourd’hui elle a un je ne sais quoi qui flotte de mystérieux et de recueilli, tout au bout de ce chemin creux nommé rue des fraîches femmes. Je me demande bien ce que ce nom veut dire.
Maison à vendre
La maison de Monet cherche un acquéreur. Je suis passée devant aujourd’hui, il y avait un gros panneau A VENDRE accroché au volet du premier étage, avec l’adresse d’une agence de Mantes-la-Jolie.
C’est un peu exagéré de parler de la maison de Monet, c’est vrai. Elle ne lui a jamais appartenu. Il en a été locataire pendant trois ans, de 1878 à 1881, avant de déménager pour Poissy puis Giverny.
Il habitait alors Vétheuil. La maison se trouve à la sortie du bourg en direction de la Roche-Guyon. Elle s’élève au ras de la chaussée dont elle n’est séparée que par un étroit trottoir.
La propriété comprenait alors un jardin de l’autre côté de la route (tiens tiens, déjà !) qui a disparu depuis, une maison récente y a été bâtie.
Voilà des lustres que la demeure de Monet n’est plus habitée. Je l’ai toujours vue avec les volets fermés. C’est sûrement ce qui peut lui arriver de mieux, d’être enfin mise en vente.
Dans l’état où elle a l’air de se trouver, à en juger de l’extérieur, il se peut qu’elle ne soit pas très chère. Que va-t-elle devenir ? Qui se laissera séduire par son potentiel, son histoire ? Est-ce que ce seront des particuliers qui en feront leur sweet home ? Une collectivité locale qui y ouvrira un musée ? Une école de peinture qui s’y installera ?
Tout est possible… On est là en plein milieu des motifs de Monet. Trois pas dans la rue, et le paysage qu’il a peint des dizaines de fois se révèle, la route de la Roche-Guyon, le village de Lavacourt de l’autre côté de la Seine, et surtout l’église de Vétheuil, tant aimée du peintre. Un endroit fabuleux, chargé de douloureux souvenirs.
La maison de Monet à Vétheuil
Des dimensions modestes, des volets verts toujours fermés qui tranchent sur une façade ocre : avec cet air banal et abandonné, la maison que Monet et sa famille ont occupée à Vétheuil n’aurait rien de bien extraordinaire, hormis sa plaque commémorative. Mais c’est sa petitesse même qui étonne. Comment ont-ils fait pour y vivre aussi nombreux pendant plusieurs années ?
Faisons l’appel. Deux familles vivent ici. Claude Monet et Camille, très malade, leur petit Jean et leur nouveau-né Michel. Et puis les Hoschedé, Ernest et Alice, et leurs six enfants, le dernier tout bébé. Ajoutons encore une nourrice, une institutrice, une cuisinière.
Quinze personnes ! Elles s’entassent dans une maison qui fait peut-être cent mètres carrés. Une pièce à gauche, une pièce à droite, la cuisine au fond. A l’étage, même disposition de trois pièces, sous les combles une dernière chambre. Monet occupe la pièce à droite de la porte, il y dort et y stocke ses toiles. A gauche, c’est sans doute la salle commune, avec peut-être un lit pour Camille. Au-dessus, la chambre des Hoschedé et celles où les enfants s’entassent, jouent et chahutent.
C’est dans cette petite maison surpeuplée qu’ils vont, les uns et les autres, passer les années les plus noires de leurs vies.
Mur en trompe-l’oeil
Où s’arrête la réalité ? Où commence l’illusion ? A Vétheuil un trompe-l’oeil représentant un vaste panorama anime la place du village devant la mairie. C’est la vue sur la vallée de la Seine que l’on aurait en montant au sommet de la colline.
On aperçoit, dans l’ombre, l’église du village. Dans le ciel peint, un planeur rappelle que l’aérodrome de Chérence est tout près, et que les adeptes de vol à voile viennent profiter des courants ascendants créés par les falaises.
La mise en place du dessin a été si habilement faite, en tirant parti au mieux des bâtiments, qu’il est difficile de distinguer le vrai du faux. Les mots Alimentation Générale sont hors de la fresque, mais le toit de la boutique est peint, on peut le vérifier en regardant le bord de la façade, parfaitement lisse, à gauche. Peint aussi, le petit chat sur le toit qui s’amuse à faire s’envoler un pigeon.
L’image réduite ne permet pas de rendre tous les détails, mais la fresque en fourmille, et pour une fois, on peut s’approcher tout près : elle descend à hauteur des yeux.
Sur la droite, au premier plan, l’artiste a imaginé une terrasse de café. Tous les peintres qui ont habité le village y sont représentés. Claude Monet figure en bonne place. Il est reconnaissable à sa longue barbe qui n’était pas encore blanche du temps où il vivait à Vétheuil, à la fin des années 1870.
Gratte-pied
On l’appelle un gratte-pieds, ou encore un décrottoir : ce petit accessoire en métal permet à qui a marché dans la boue de racler ses chaussures. Son usage a été très populaire par le passé, mais les gratte-pieds tendent à disparaître aujourd’hui où les rues sont toutes goudronnées, et où un simple paillasson suffit.
Cet objet humble n’a guère de raison d’attirer l’attention, placé comme il est au ras du sol. Et pourtant celui-ci étonne par son emplacement même : il se trouve à l’entrée d’une église.
A Vétheuil, l’église a deux accès, un porche en façade et un porche latéral, plus proche du centre du village, auquel mène un escalier. Deux gratte-pieds ont été installés, de chaque côté de ces quelques marches.
Il suffit de les regarder pour imaginer le geste des fidèles, les jours de pluie. L’un après l’autre, ils devaient défiler pour retirer la boue de leurs sabots ou de leurs bottes, dans un geste de respect pour l’église. Un acte symbolique qui rappelle celui des musulmans retirant leurs chaussures à l’entrée des mosquées.
Le souvenir de Camille
5 septembre 1879 : Camille Doncieux s’éteint à Vétheuil, après un long combat contre la maladie. L’épouse de Claude Monet, celle qui a posé si souvent pour lui et ses amis peintres, Manet, Renoir, meurt toute jeune, à 32 ans. Elle laisse deux petits garçons, Jean, douze ans, et Michel, encore bébé.
On peut toujours voir sa tombe au cimetière de Vétheuil, tout près de l’église, à flanc de colline. Passée la porte en pierre, il suffit d’aller tout droit vers les pins et la vue sur la Seine qui donnent à l’endroit un air de cimetière marin.
La tombe de Camille Doncieux fait le coin tout au fond à gauche. C’est l’une des plus anciennes, entourée d’autres plus récentes.
Camille repose entre le souvenir et l’oubli, derrière les grilles ouvragées qui lui font une sorte de lit-cage.
Monet l’aimait. Il l’avait choisie malgré l’hostilité de sa famille. On a du mal à comprendre pourquoi il ne s’est guère préoccupé de la tombe de la « pauvre Camille », pendant le presque demi-siècle où il lui a survécu.
Eglise de Vétheuil
L'église de Vétheuil est une vraie star de la peinture. Monet, à lui tout seul, l'a représentée une soixantaine de fois, et il n'est pas le seul artiste à l'avoir prise pour modèle.
Notre-Dame de Vétheuil était un lieu de pèlerinage marial. Ses bâtisseurs l'ont installée de façon à attirer tous les regards. Depuis un promontoire à flanc de colline, elle domine une boucle de la Seine.
L'histoire de sa construction explique sa forme inhabituelle. Il y eut d'abord une église primitive, qu'on a décidé d'agrandir quand elle s'est révélée trop petite. Cette fois, on allait lui donner des dimensions généreuses ! La construction a commencé par le choeur, sur la droite de la photo. C'est la fin du 12e siècle, les bâtisseurs cherchent des solutions pour faire évoluer l'art roman. A Vétheuil, ils imaginent des contreforts qui deviendront bientôt les arcs boutants de l'art gothique.
Le clocher ne correspond plus à la taille de l'édifice projeté. Plutôt que de le démolir pour en construire un autre, l'architecte a tout simplement bâti le nouveau autour de l'ancien !
Et puis, pendant trois cents ans, le chantier s'arrête. Enfin, au 16e siècle, les seigneurs de Vétheuil se remettent à l'ouvrage. Ils terminent leur église dans le goût de la Renaissance, avec une profusion de frontons et de coquilles.
Toutes ces caractéristiques en font une église originale et pleine d'intérêt. Mais l'intérieur mérite à lui tout seul la visite pour son très riche mobilier, composé surtout de sculptures du Moyen-Age et de la Renaissance. La plus émouvante est la statue de la Vierge à l'Enfant, Notre-Dame de Grâce de Vétheuil, vénérée par les pèlerins dès le 14e siècle.
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