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William Bouguereau, peintre académique

Jeune fille se défendant contre Eros, William Bouguereau, 1880Voici « Jeune fille se défendant contre Eros« , un tableau produit en 1880 par William Bouguereau. Je ne sais pas si vous aimez. Les corps idéalisés sont très bien peints, le sujet plaisant. Si on est bien disposé, on trouve cela joli. Adorable. Mignon. Mais si on n’aime pas tellement la confiture, si on se défend de la peinture de Bouguereau comme sa jeune fille d’Eros, on la qualifie volontiers de mièvre, surannée, voire un tantinet nunuche…
Les esprits chagrins sont priés d’y réfléchir à deux fois. Retirez vos chapeaux et vos casquettes, jeunes gens, vous êtes devant un des plus grands peintres de son temps ! Adulé, puis ringardisé, en cours de réhabilitation actuellement.
C’est le 19e siècle. C’est le second Empire, l’époque du capitalisme triomphant, des bourgeois enrichis et des appartements haussmanniens à meubler. C’est un monde bien pensant où l’argent est roi et la femme décorative. Bouguereau triomphe, on s’arrache ses toiles en France et plus encore aux Etats-Unis. Il reflète les goûts de son époque jusqu’à la caricature.

« Jeune fille se défendant contre Eros ». L’inspiration se veut mythologique. C’est ce qui se fait de mieux. Depuis plusieurs siècles, les canons de la peinture classent les sujets par ordre décroissant, du plus sublime au plus ordinaire.
Le top du top, ce sont les sujets tirés de la Bible ou de l’Antiquité, les allégories mythologiques, comme ici.
Très bien aussi, juste en-dessous, l’Histoire, avec les charges de cavalerie, les sièges et les batailles navales.
Viennent ensuite les portraits, et seulement après, les paysages. Le paysage n’a pas trop la cote. Le plus souvent, c’est un décor, un faire-valoir de l’activité humaine qu’il recèle.
Puis on trouve les scènes de genre, façon cartes postales de la vie quotidienne : paysans priant dans leurs champs à l’heure de l’Angélus, scènes de marché, bateaux sortant du port…
Enfin arrivent les natures mortes, qui viendront décorer les salles à manger.

Bouguereau est l’archétype de cette façon de penser. Il produit une peinture agréable, sucrée, destinée à plaire, mais dont le côté 100% artificiel irrite les jeunes peintres avant-gardistes, les futurs impressionnistes.
Le malheur a voulu que ce soit lui qui préside aux destinées du Salon à l’époque ou cette jeune génération cherche à prendre son envol. Monet, Renoir, Pissarro, tant d’autres, veulent s’affranchir des règles académiques, de cette hiérarchie rigide des genres, et peindre de façon plus sincère. Pour être connus, pour trouver des acheteurs, ils doivent à tout prix exposer au Salon des Artistes français, une énorme exposition organisée tous les ans à Paris, et qui présente jusqu’à 4000 toiles. Hélas, n’expose pas qui veut : il faut être retenu par le jury le plus conservateur qui soit, dans la mouvance de William Bouguereau.
Monet est d’abord accepté. Sa Camille à la robe verte fait sensation. Mais très vite, son style s’affranchit et la porte du Salon se referme. Suivent des années de misère, jusqu’à la rencontre providentielle avec son marchand Paul Durand-Ruel. Celui-ci se trouve être aussi le marchand de Bouguereau ! Le succès commercial du pro du nu académique permet à Durand-Ruel d’acheter en masse une peinture qui ne se vend pas, les paysages de Monet…

L’admirable mérite de Monet est de n’avoir jamais fait de concession au goût de ses contemporains, mais d’avoir toujours peint comme il le ressentait. A l’opposé des corps trop parfaits de Bouguereau, de cette nature qui n’existe nulle part, tout est vrai chez Monet. Il peint, à chaque instant, la vérité du monde. L’histoire a fait la part des choses.


17 commentaires

  1. les oeuvres de Bouguereau inspirées de la mythologie sont certainement ses toiles les plus intéressantes.. mais ces toiles représentant paysannes dans la nature s’avèrent une variation sur le même thème… bien franchement surexploité. Dommage un si grand talent qui a étiré la sauce…
    Mais quelle technique! absolument superbe! pour avoir vu moi-même quelques toiles..

  2. Cette idée de peintre des sujets mythologiques… Bon nombres de peintres l’auront, Bouguereau ne se démarque pas tellement des peintres de son époque.

  3. Dommage pour Hlokitch..le tableau se trouve aux USA à la fondation Mellon;

    Prétexte pour un voyage sans doute mais le voyage alors vaut le coup pour voir ça de près. C’est un peintre prodigieux avec une technique à tomber par terre.

  4. Merci pour cette oeuvre superbe. Je suis une inconditionnelle de Bouguereau ! Artiste moi-même, je suis totalement admirative devant sa maîtrise des modelés du corps humain, ses carnations exquises, la justesse des expressions, des proportions anatomiques, l’équilibre des compositions, … Peu importe ce qu’il a dû peindre comme sujets, choix dicté par les préférences des commanditaires. J’apprécie Monet, les impressionistes (et la plupart des courants pour leur apport particulier), mais avec la sensibilité du courant préraphaélite et certaines oeuvres anciennes (Fra Angelico) ou modernes (Miro), sublimes par leur chromatisme et leur spontanéité, Bouguereau, est tout à fait au sommet de mes préférences artistiques. J’ai gardé une ouverture du coeur qui me permet d’apprécier la candeur, la simplicité, le charme, … (alors que d’autres appelleraient cela naïveté sirupeuse !). J’ai eu un prof. qui qualifiait la présence de fleurs, dans mes compositions, de "mièvrerie" ! Alors que pour moi, la Nature, l’Amour pur et la pensée positive sont des conditions indispensables au Bonheur. Encore MERCI !

  5. Je connaît pas beaucoup de choses concernant Bouguereau ( j’ai juste fait quelques recherches sur lui sur google… ) mais dès que j’ai vu une de ses toiles j’ai tout de suite trouvé ça magnifique… j’aime beaucoup ses peintures qui représentent des corps idéalisés certes mais c’est tellement beau et agréable à regarder !! Chacune de ses toiles est remplie de délicatesse et de tendresse… et même si les sujets qui y sont représentés se répètent bien souvent je ne m’en lasse pas ! Donc bravo !!

  6. De retour hier de LOS ANGELES j’ai decouvert cette toile au musée GETTY, malgré et peut etre à cause de son clacissisme je l’ai particulièrement appréciée,au sein d’une riche collection,BOGUEREAU n’a pas à rougir de la comparaison avec les plus grands,je connaissais le "premier baiser" une autre oeuvre aussi trés reussie .Le musée GETTY par son architecture,par ses collections diverses,par son site vaut le détour.

  7. Le musée Getty a aussi le petit frère d’Impression soleil levant de Monet, une très belle marine dans les mêmes tonalités !

  8. J’aime les peintures de Bouguereau. Je suis heureux de trouver ici quelques personnes qui pensent de même car la virulence des attaques contre ce peintre est difficile à supporter. Je pense que les véritables talents artistiques n’ont pas besoin de rejeter l’art académique, classique, raphaélite… pour trouver leur place et s’affirmer.

  9. Ce n’est pas le talent de peintre de Bouguereau que je mets en cause, mais son manque d’ouverture d’esprit en tant que président du Salon. Il a fait beaucoup de tort aux impressionnistes en les empêchant d’exposer.

  10. ces œuvres sont peintes magnifiquement, il s’en dégage une belle harmonie et le cadre bucolique s’y prête beaucoup. Les personnages sont très jolis. Mais il est vrai que les angelots et les nymphes représentés prouvent le peu d’inspiration du peintre que je trouve admirable quand-même…

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