Le dimanche matin est le temps béni du vélo. L’automobiliste est encore chez lui, la route s’offre, libre, au champion de la petite reine. Le cycliste aime pédaler dans la convivialité : il circule à vive allure, par petits groupes d’hommes qui parlent fort.
Je faisais des photos de givre et de brume le long des prés qui bordent Giverny, ce matin, quand un petit peloton est passé. « C’est plus beau là-bas ! » me lance l’un des sportifs du dimanche. La situation ne se prêtait pas à une réponse élaborée, j’ai dit « on y va ! »
Pourquoi on, pourquoi ce « pluriel » bizarre alors que j’étais seule ? Si je reprends le fil de mes pensées, à cet instant, cela s’éclaire. Dans la froidure de ce matin d’hiver, j’étais avec vous tous, mes chers lecteurs. Je me demandais comment capter le froid, la brume, le gel, la lumière pâle, les arbres sans feuilles, les prés déserts, pour vous les transmettre.
Je pensais à vous, Constanza et Ahmed, et je vous imaginais passant de l’air conditionné à la voiture climatisée, dans la chaleur étouffante des émirats. Je pensais à mon lecteur des îles Fiji, à celui de Vanuatu, d’Azerbaidjan, du Kyrgyzstan, à tous ceux que les statistiques révèlent et qui me font chercher, ébahie, leur pays sur le globe. Je pensais aux citadins qui aspirent à une bouffée d’air pur. je pensais à Claude Monet cherchant un motif, et je me sentais en communion avec lui.
C’est toujours plus beau ailleurs. La beauté de la Terrre est infinie, mille vies ne suffiraient pas à s’en repaître, à le proclamer.
C’est toujours plus beau ailleurs, mais je ne suis pas allée d’où venaient les cyclistes. J’ai regardé à mes pieds et j’ai remarqué le dessin du givre le long des feuilles dentelées qui tapissaient le chemin. C’est toujours plus beau ailleurs, et ce n’est jamais plus beau ailleurs.
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