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La mode de 1610

Mausolée de Marie Maignart, collégiale de Vernon Marie Maignart avait toutes les vertus. Ce sont toujours les meilleures qui partent, si bien que la belle jeune femme s’est éteinte beaucoup trop tôt, à 23 ans, laissant un mari désespéré et inconsolable.
Je les plains, tous les deux, elle d’avoir succombé à la maladie dans la fleur de sa jeunesse, lui de s’être retrouvé tout seul si vite après la lune de miel. Dans sa grande douleur, ce gentil mari a eu envie de perpétuer le souvenir de sa douce en lui dressant un mausolée. Le monument aura 400 ans l’année prochaine. Il se trouve dans une chapelle nord de la collégiale de Vernon.
On peut, en le contemplant, s’abîmer dans de sombres pensées sur la brièveté de la vie, comme y invite une épitaphe désolée. Mais permettez-moi de prolonger un peu la Journée de la Femme et d’être beaucoup plus frivole : je préfère m’émerveiller de la mode de 1610.
C’est l’année de la mort d’Henri IV, la période charnière de la toute fin de la Renaissance et du début des Temps Modernes. La belle Marie est vêtue comme une dame noble de cette époque, un temps reculé où les femmes n’avaient pas encore de Journée. Loin de rêver à cette victoire de la civilisation, la malheureuse Marie se trimballe un costume fort seyant et non moins malcommode.
C’était toute une histoire de s’habiller en ce temps-là. Songez-y demain matin quand vous aurez réglé l’affaire en deux minutes chrono et que vous vous sentirez d’attaque pour une journée active dans vos vêtements confortables. Si vous viviez à l’époque de Marie Maignart, mesdames, il vous faudrait enfiler moultes couches, les plus redoutables étant le corselet et le vertugadin.
Le corselet, cela sonne gentil avec son double diminutif. Totale hypocrisie ! On serrait cet ancêtre du corset à s’en étouffer, à s’en rentrer les baleines dans le corps.
Toute une journée sans respirer, avec le ventre dans un étau : pas étonnant que Marie n’ait pas résisté.
Si la taille devait être fine, la jupe au contraire devait être renflée. Le vertugadin était au départ un bourrelet porté sur les hanches pour faire bouffer la robe, (artificiel, le bourrelet, en toile remplie de crin, faut-il le préciser !). D’exagération en exagération on en est arrivé au paroxysme du vertugadin « en roue de charrette ». Marie Maignart n’a pas eu de chance, elle était contemporaine de cette mode qui compliquait sérieusement la station assise des dames.
En poésie, la beauté naît de la contrainte. En mode aussi semble-t-il. Car la belle Marie a su merveilleusement tirer parti des diktats de son temps pour qu’en découlent des prodiges d’élégance.
Merveille des manches à crevés, de la fraise à la Médicis encadrant le visage, de la dentelle qui la prolonge, des rangs de perles en sautoir… La coiffure à bandeaux très sophistiquée dégage les oreilles d’où pendent de longues perles. On croit entendre bruire l’étoffe de la jupe froncée.
Les nobles dames d’antan avaient l’art de mettre en scène leur personne, dussent-elles y passer la moitié de leur Journée.


2 commentaires

  1. Comment imaginer la grâce d’un vertugadin sur une Fargussienne trop ronde… Pas d’étau possible pour le bedon renflé, je vous l’assure ! Alors Ariane de grâce éclairez-nous : comment se vêtait les bien-en-chair de l’époque ? Passaient-elles encore par les portes ?

  2. L’art ne se complait qu’à représenter les jeunes brindilles, je manque donc d’info sur la question. Mais il est probable que le corselet était imposé à toute femme noble, brindille ou pas. Quant à passer par les portes, sûrement pas à deux de front ! Peut-être la galanterie vient-elle de là ?

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