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Retable et prédelle

Retable attribué à Philippe de ChampaigneLe joyau de l’église Saint-Sauveur au Petit-Andely, c’est ce magnifique retable de l’Adoration des Bergers qui serait selon certains (mais ce n’est pas certain) l’oeuvre du grand peintre Philippe de Champaigne.
A l’origine, cet autel somptueux n’était pas destiné à la petite église du Petit-Andely, mais à l’ abbaye de Mortemer. Les hasards de la Révolution Française l’ont fait arriver ici.
Les colonnes torses avec des enroulements de pampres signent le style baroque, très en vogue sous Louis XIII. On affectionne alors un décor riche et surchargé de dorures. Rien n’est trop beau pour pousser les fidèles à l’adoration, même si cela doit coûter une vraie fortune aux communautés. Les églises ont besoin d’être remeublées, une grande partie de leur décor gothique a disparu dans la tourmente huguenote.
Au 17e siècle, la Contre-Réforme bat son plein. Après le trouble jeté dans les esprits par les guerres de religion, l’Église catholique réaffirme son dogme. Un des moyens médiatiques mis en oeuvre, c’est le retable. Aussi incontournable que le site internet aujourd’hui.
Le retable est un élément décoratif qui se place derrière l’autel, attirant le regard vers ce lieu sacré de la célébration de l’eucharistie. En bas du retable, le tabernacle renferme les hosties qui seront distribuées lors de la communion.
Le retable du Petit-Andely repose sur une prédelle, une frise de tableautins qui rehausse le majestueux tableau et l’éloigne des flammes des cierges.
Prédelle, détail De nombreux retables sont ornés de volets qui étaient refermés pendant les jours de pénitence comme le Carême. On ne voyait alors que la prédelle, ce qui a conduit à la représenter en grisaille. L’effet n’en était que plus saisissant quand, le jour de Pâques, on rouvrait les volets sur le grand tableau aux coloris éclatants, façon télé couleurs après le noir et blanc.
Le retable de Saint-Sauveur n’est pas un polyptyque, mais la tradition de la grisaille pour la prédelle a été conservée.
Les vignettes, qui se lisent de gauche à droite comme une bande dessinée, figurent des scènes de la vie de la Vierge. Elles étaient destinées à soutenir la méditation pendant la récitation du chapelet. Elle semblent dues à l’école de Quentin Varin, le peintre qui, de passage aux Andelys, a suscité la vocation du jeune Nicolas Poussin.
Au-dessus de la prédelle, l’Adoration des Bergers éclate de couleurs. Le regard est attiré par la zone blanche du berceau, le blanc de l’innocence. D’un geste délicat, Marie dévoile l’enfant Jésus aux bergers venus l’adorer. Elle est vêtue de rouge, symbole du sang : elle vient de donner la vie, et de bleu, symbole de son appartenance au monde divin. C’est elle qui fait le lien entre le ciel et l’homme. Son visage est idéalisé, alors que les caractères des autres protagonistes sont plus réalistes.
Joseph, protecteur, se tient en retrait. Il est figuré en jeune homme, une représentation inhabituelle. Les bergers en revanche réunissent tous les âges de la vie. L’un d’entre eux offre un agneau, pattes attachées, préfiguration du destin qui attend le nouveau-né. Mettre en présence la vie et la mort, voilà qui est bien typique du baroque, qui aime confronter les deux versants d’une même médaille.
Le berger qui tient l’agneau est habillé de jaune, la couleur associée à la trahison de Judas. A l’arrière-plan, mains jointes, un berger debout porte une cornemuse repliée sur son bras. Là encore, c’est un symbole. L’instrument contient de l’air, souffle de vie, principe divin, dans une outre de cuir, signe de l’animalité humaine.

L’adoration des rois mages, prédelle du retable du Petit-Andely, grisaille attribuée à l’école de Quentin Varin


2 commentaires

  1. Texte très intéressant ; j’eus toutefois apprécié que vous décriviez davantage la peinture, en particulier sa consistance opaque, tellement différente par exemple de celle du tableau qui lui fait face, d’un maitre flamand. Quant à l’attribution à Philippe de Champaigne, avancée par un érudit local, vous avez raison de ne pas vous y attarder : cette matière opaque et mate, justement, lui est étrangère. Si vous désirez en savoir plus, j’ai répertorié cette oeuvre dans mon catalogue sur Philippe de Champaigne, chapitre des désatributiions, notice SR40, à télécharger gratuitement sur mon site http://www.josegoncalves.fr.

  2. Merci de vos précisions, et d’avoir décrit la consistance de la peinture. Permettez-moi de vous citer :
    Provient de l’abbaye de Mortemer. L’attribution à Philippe de Champaigne, locale, ne peut au mieux se référer qu’au classicisme de la composition et aux contrastes de couleur. Mais les ombres noires, que contredit la sûreté du parti, font qu’on ne peut évoquer la maturité de Champaigne auquel sont tout aussi étrangères les diagonales nombreuses, et la profondeur évidente ; plus significatives sont les affinités avec quelques oeuvres connues de Nicolas Prévost.

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Ariane.

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