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Epicène

Jacinthe, GivernyLes jacinthes embaument déjà en pot dans les maisons, avant de fleurir dès la fin mars dans les jardins. Leur parfum est si capiteux qu’on le croirait formulé tout spécialement pour réveiller les insectes engourdis par l’hiver. Pour les humains, c’est un avant-goût de printemps en bleu blanc rose.
La jacinthe doit son nom, dit-on, au malheureux Hyacinthe, héros de la mythologie grecque, dont dérive un prénom épicène, m’informe l’encyclopédie en ligne que j’ai consultée.
Épicène ? Ça cause riche, les encyclopédies, puisque aussi bien on est là pour apprendre et que les explications sont infatigablement à portée de clic.
Donc, un prénom qui peut être attribué aussi bien à un garçon qu’à une fille, formulé tout spécialement pour les parents qui n’arrivent pas à se décider sur la couleur de la layette. Un prénom mixte, pour parler comme tout le monde.
Je ne sais pas si vous connaissez des tas d’Hyacinthe, je ne crois pas en avoir jamais croisé un seul, sauf me semble-t-il dans Ces dames aux chapeaux verts de Germaine Acremant, publié en 1937 et réédité en 1961 dans la Bibliothèque verte. Bref, ça date. En revanche, j’ai rencontré sans le savoir beaucoup de personnes au prénom épicène, des Dominique, des Camille, et bien sûr des Claude.
A en croire les susnommés, c’est parfois pratique d’avoir un tel prénom, et parfois embêtant. Claude Monet, pour sa part, ne semblait pas gêné par la mixité de son deuxième prénom, qu’il préférait à celui d’Oscar.
Beaucoup de noms de professions sont également épicènes. Secrétaire, par exemple. Ou peintre.
A l’époque où j’étais une lectrice assidue de la bibliothèque verte, les enseignants nous conseillaient de dire au féminin « femme-peintre ». Ça sonne bizarre aujourd’hui, non ? « Une peintre » passe mieux.
Du temps de Monet, on utilisait couramment le terme de « peintresse ». Il est devenu risible au 21e siècle, même pas sûr qu’il soit encore dans le dico. Mais Monet n’y met pas de sarcasme quand, de son hôtel du cap d’Antibes, il annonce à sa femme :

Tous les jours il y a de nouveaux arrivants, des peintres et peintresses.

Le sarcasme est plutôt dans ce qui suit :

Il me faut prendre courage et supporter la société qui est ici, de fameux idiots : la nourriture est heureusement excellente.

Si la nourriture avait été moins bonne, les fameux idiots auraient fini par faire décamper Monet, et l’histoire de l’art en eut été changée.


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Ariane.

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