Le musée des impressionnismes Giverny regarde du côté de l’art abstrait ce printemps, en faisant dialoguer six oeuvres tardives de Claude Monet, peintes à Giverny ou à Londres, avec six toiles de la maturité de Mark Rothko.
Au milieu des années 1950, la critique américaine, les artistes expressionnistes abstraits et le Museum of Modern Art de New York ont opéré une relecture de l’oeuvre tardif de Monet, mettant en avant son côté précurseur de l’abstraction. Depuis, les expositions confrontant les toiles du père de l’impressionnisme et celles des représentants des courants de l’après Seconde Guerre mondiale se succèdent.
L’exposition de Giverny a ouvert hier et va durer jusqu’au 3 juillet. Le visiteur est plongé d’emblée dans la pénombre, selon les préconisations de Rothko. L’oeil s’adapte à l’éclairage tamisé, c’est donc pupilles dilatées que le spectateur boit la couleur. Rothko est connu pour ses grands formats qui juxtaposent des tons intenses, travaillés, subtils. Il est l’un des principaux représentants de la peinture par champ de couleurs (color field painting). Ses oeuvres invitent à la contemplation patiente ; l’objectif de l’artiste est de susciter l’émotion.
En parallèle et comme en écho, l’exposition présente des toiles de Claude Monet venues de musées proches, Orsay et Marmottan-Monet à Paris, le MuMa au Havre. Le visiteur est invité à constater par lui-même leur parenté avec les chefs-d’oeuvre de Rothko : disparition progressive du motif, surfaces planes et vaporeuses ou au contraire échevelées, mais jouant des accords chromatiques…
En préparant cette exposition, j’ai cherché les points communs biographiques entre les deux artistes, au-delà des ressemblances formelles. En voici quelques-uns :
Monet et Rothko ont en commun un esprit rebelle qui rejette les standards et cherche quelque chose de nouveau.
Les deux artistes ont connu la reconnaissance tardivement, peu avant leurs 50 ans.
En commun, ils ont l’immense succès et la fortune qui s’ensuit.
En commun, la répétition à l’infini d’une formule en variations sur le même thème, inépuisable.
En commun, l’habitude de travailler très longtemps leurs œuvres.
En commun, d’être considérés comme décoratifs alors que ce qu’ils offrent au spectateur est une expérience profonde.
En commun, de s’immerger eux-mêmes entièrement dans la peinture pour oublier, Monet : la guerre de 14-18, Rothko, ses problèmes familiaux, ou peut-être simplement la difficulté de vivre.
Je ne vais pas tarder à y aller.
J’espère que l’expo va te plaire. C’est assez rare de voir des Rothko en France, même si tu as déjà vu ces Monet.
Heureux visiteurs qui pourront se rendre à cette exposition!!