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Lever du jour sur la Seine

Giverny, photos 11 octobre 2022

Pour capturer la lumière exacte des Matinées sur la Seine de Claude Monet, il faudrait venir à Giverny au mois d’août, et être à pied d’oeuvre au bord du fleuve à cinq heures du matin. C’est un peu tôt pour moi, aussi ai-je retardé l’échéance jusqu’au mois d’octobre. Voici Giverny hier à 8 heures du matin.

A l’ouest, la pleine lune toute dorée reste accrochée au-dessus des champs labourés, éveillant des envies de télescope et de trépied. Cela doit être passionnant de photographier ce corps céleste, mais ce n’est pas ce que je suis venue chercher. Je voudrais des brumes, du bleu, des ombres, des reflets, du rose, du doré.

Je m’avance sur ce chemin qui part du moulin des Chennevières et va droit à l’ancienne île aux Orties. C’est à ce moment que je les aperçois, trois chevreuils profitant de la lumière douteuse pour s’aventurer si près des humains. A peine le temps de les cadrer, ils ont déjà filé en quelques bonds gracieux, laissant derrière eux l’idée de leur légèreté.

Deux seulement dans l’objectif, si loin, si flous : je tire mon chapeau aux photographes animaliers qui nous offrent des images à couper le souffle.

Tout au bout, là où le chemin forme un T, je tourne à droite puis à gauche, dans un très modeste sentier baptisé :

Le temps de me demander qui étaient donc ces mystérieux frères Poulain, de me faufiler entre des orties hautes comme moi (ce n’est pas une légende, mais octobre oblige, elles ne trouveront rien à piquer) et me voilà au bord de l’eau.
Joie ! la Seine fume. L’eau est plus tiède que l’air (5 degrés ce matin), la vapeur qui s’évapore se condense dans l’air froid. Thédore Duret, ami de Monet et critique enthousiaste de son oeuvre, nommait cela des buées, un terme que nous n’employons plus guère qu’au singulier pour la condensation sur les vitres :

Aussi Monet est-il parvenu à rendre tous les jeux de la lumière et les moindres reflets de l’air ambiant, il a reproduit les ardeurs des couchers de soleil et ces tons variés que l’aurore donne aux buées qui se lèvent des eaux ou couvrent la campagne, il a peint, dans toute leur crudité, les effets de la pleine lumière tombant à pic sur les objets et leur supprimant l’ombre, il a su parcourir toute la gamme de tons gris, des temps couverts, pluvieux ou estompés de brouillard.

Theodore Duret, 1885

Vais-je retrouver le motif de Monet, sa lumière ? La Seine a changé, elle a perdu la plupart de ses îles. La partie droite de l’image sera forcément différente. Mais la gauche ? Une péniche passe, deux cygnes plongent la tête dans l’eau et la ressortent, occupés à leur petit déjeuner. Monet aurait ignoré ces anecdotes pour ne voir que la lumière.

Il faut un peu tricher avec les réglages pour retrouver les teintes bleues que voyait Monet de son oeil superlatif, ces ombres mystérieuses qui précèdent le lever du soleil.
Vers l’aval, la Seine s’étale comme un lac. Je patiente, mais le ciel ne deviendra jamais rose ce matin. Comme Monet, il faudrait revenir et revenir encore pour voir sa couleur changer.
Ce ciel bleu, c’était hier. Aujourd’hui, où j’étais attendue pour une visite matinale, j’ai admiré par la fenêtre avec une pointe de dépit la plus belle aurore qui soit. Pour capturer les effets, il faut aussi que la météo y mette du sien, c’est-à-dire qu’elle récompense le pari fait par le photographe en se rendant sur place.

Pour Monet, la question était encore plus cruciale, et l’on comprend ses affres face aux changements de temps. Il lui fallait plusieurs séances d’un même effet pour faire aboutir ses études. Si l’effet ne se reproduisait pas, l’étude ne deviendrait jamais un tableau, et le travail effectué lors des premières séances serait perdu.
Les biographes de Monet marquent parfois de l’agacement face à la litanie de ses plaintes relatives à la météo dans ses lettres à sa femme. Oui, c’est ennuyeux à lire, c’est répétitif, mais il suffit de mettre ses pas dans ceux de Monet, de faire l’effort de se lever tôt, de charrier son matériel jusqu’au motif, et de guetter la lumière pour comprendre le peintre.

Quelle chance, il pleut !

Pour le chasseur d’images, la pluie offre des ressources que le temps sec n’a pas : il peut observer les métamorphoses dues à l’eau. Traquer les perles d’argent des gouttes, cueillir les ronds dans l’eau, s’émerveiller de la brillance nouvelle des feuilles.

Voici le reflet des bambous dans une toute petite flaque, car le sol est si bien drainé dans les jardins de Monet qu’elles ne sont ni grandes ni nombreuses. J’étais en train de soigner la mise au point, qui se dérobe dans les reflets, quand un surveillant de notre éden impressionniste m’a remarquée, de dos, dans cette position inconfortable. « Vous cherchez quelque chose, Madame Cauderlier ?  » a-t-il volé à mon secours.

Je cherche le bonheur, et je l’ai trouvé. Il ne me faut pas grand chose : un peu de pluie dans les jardins de Monet.

Une idée de cadeau

Bien sûr, il y a les puzzles des tableaux de Monet et d’autres génies de la peinture… Mais pour changer, pourquoi ne pas faire transformer l’une de vos plus belles photos en petit jeu de patience ? Les prestataires sont nombreux sur le net, et c’est amusant de se glisser dans la peau d’un concepteur, à se demander quelle image se prêtera le mieux au jeu. Si vous aussi avez été traumatisé par les grandes zones unies, vous ferez attention à ce qu’il n’y ait pas trop de ciel…

Quelques jours après la commande, on reçoit sa boite, et on a l’impression que le facteur vous apporte un cadeau pour vous, même si vous avez l’intention de l’offrir. Il a l’attrait de la pièce unique personnalisée.

Les propositions ne manquent pas pour transformer des photos en objets. Le puzzle a l’avantage d’occuper un petit moment, si confinement et couvre-feu se prolongent…

Effet du matin

Lever de soleil sur la Seine
Lever de soleil sur la Seine près de Giverny

Mais comment faisait Monet pour peindre ses tableaux d’effets de lumière ? La théorie, on la connaît : se lever avant le jour, être au motif au moment où l’aube pointe, capter les couleurs aussi vite que possible, changer de tableau chaque fois que les teintes évoluent, et revenir le lendemain continuer son oeuvre, en espérant que les effets seront au rendez-vous.

Mais il faut se frotter à la pratique pour saisir toute la difficulté de l’opération. Un peu comme les archéologues qui essaient de comprendre les techniques du passé en les expérimentant, c’est en mettant ses pas dans ceux de Monet qu’on perçoit le challenge.

Beaucoup d’efforts s’engagent sur un pari, celui que la lumière sera belle, que l’effet sera là. La veille on a réglé le réveil une heure avant le jour, évalué la météo. On se lève alors que le ciel est noir, indéchiffrable. On s’habille en mode pôle nord, on prépare ses affaires, et c’est parti.

Il m’est arrivé que l’expédition capote dès la porte de la maison. A peine dehors, je constate dépitée qu’en fait il bruine. J’imagine comme Monet aurait ragé. Il ne disposait pas de Météo France. Savait-il prédire le temps du lendemain ?

Mais mettons que les prévisions aient vu juste. L’Est blanchit. J’avoue que je triche un peu : je m’approche du motif en voiture. Je ne peins pas à l’huile, mon matériel se résume à un appareil photo.

L’air est vif, le sol boueux glisse. Où le soleil va-t-il se lever ? Certainement Monet faisait un repérage préalable pour trouver l’angle idéal. Il ne pouvait pas en essayer trente-six comme un photographe, et il lui fallait du temps pour s’installer avant l’effet.

La gageure, c’est d’espérer retrouver le même effet plusieurs fois pour achever la toile, car chaque jour est différent. Tantôt le ciel se donne à fond, tantôt il s’économise. Que faisait Monet les jours où le spectacle était décidément moins beau que la veille ? Est-ce qu’il arrivait à voir des merveilles bleutées là où je ne vois que du gris ?

On comprend qu’il ait souffert de découragement quand la nature ne jouait pas le jeu, encore et encore, malgré sa persévérance à être fidèle au rendez-vous. Mais ce qui est très perceptible aussi, c’est l’exaltation qu’il devait ressentir quand elle décidait de sortir le grand jeu.

Le ciel est si beau que la fièvre me gagne. Eblouie par le show, je m’applique. Dans un contre la montre effréné je multiplie les réglages et les cadrages. Ces couleurs splendides sont un cadeau du ciel, au sens propre.

Quand on a goûté à cette magie, c’est une drogue. Elle est assez puissante pour motiver quiconque à sortir de son lit dans l’espoir de cette rencontre absolue entre la nature et nos yeux d’humains.

Giverny en rose et noir

Giverny

Un peu de rose sur des nymphéas gris et noirs, c'est la rencontre de la dureté du métal avec la douceur de la peluche. 

(suite…)

Des nymphéas au salon de la photo de Montgeron

Affiche Montgeron 2016 Photo les Rencontres

La ville de Montgeron, dans l'Essonne, a invité dix photographes à son salon annuel de la photo.
Au printemps dernier j'avais exposé à Montgeron de jolies vues classiques du jardin de Monet. Cette fois-ci, je présente "Nymphéas, lumières noires", une série de contrejours sur le bassin de Giverny.

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Le manteau rouge

reflets d'arbres dénudés dans le bassin de Monet, reflet de visiteurs

La plupart du temps, les visiteurs de Giverny ne font pas attention à la façon dont la couleur de leur vêtement va s'harmoniser avec les jardins de Monet. Elle peut être discrète, et le promeneur se fondra dans le décor comme un caméléon. Ou bien elle peut trancher – et gâcher en toute innocence les photos de dizaines de co-promeneurs.  Le turquoise, par exemple, est l'une des couleurs qui paraissent les moins naturelles dans un jardin. Même le blanc ressort.

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S’émerveiller des petites choses

Perles de rosée sur une feuille de rosier

Roseraie de Monet à Giverny, 14 avril 2015, 10h.

Ce matin-là la rosée s’était condensée en petites gouttes qui restaient accrochées à chaque dentelure des feuilles. Celles toutes neuves de ce rosier alignaient des colliers de perles.
En préparant la sélection de photos pour l’édition 2017 du calendrier DuMont sur les jardins de Monet, je suis retombée sur cette image. J’avais oublié cet instant d’émerveillement. Je l’ai revécu avec bonheur au fil des onze photos sur le même sujet. Travailler l’arrière-plan, la netteté m’avait occupée un moment.
On comprend la fascination de Monet pour l’eau, ses métamorphoses infinies, sa présence massive ou infime. La lumière et l’eau sont des artisans majeurs de la magie de l’instant. Pas toujours au rendez-vous, bien sûr, mais quand elles le sont…
C’est l’une des grandes joies de la photographie. S’obliger à voir, observer avec attention, et en guise de récompense découvrir des beautés insoupçonnées, délicates, discrètes, des merveilles que l’on peut capturer sans faire de mal à personne. L’émerveillement, n’est-ce pas une des émotions les plus délicieuses qui soient ?
C’est l’été, la saison où l’on prend le temps. Que vous partiez très loin où que vous organisiez des expéditions exploratrices de votre jardin, je vous souhaite de vous émerveiller des grandes et des petites choses. Et de prendre beaucoup de belles photos, à resavourer plus tard.

Examen d’anglais

Examen d'anglais au Japon
Il y a quelques semaines, les jeunes Japonais candidats à l’entrée à l’université ont dû passer un examen d’anglais. Devinez sur quoi ils sont tombés ? Le jardin de Monet à Giverny ! Le niveau attendu n’est pas très élevé, un niveau de collège en France me semble-t-il, mais il ne faut pas oublier la difficulté que représente le fait de changer de graphie.
J’espère vraiment que le sujet a porté chance aux candidats et leur a permis de donner le meilleur d’eux-mêmes. Pour eux le nom de Giverny restera à tout jamais associé à cette épreuve d’anglais passée à un tournant de leur vie.
L’info m’est parvenue non pas par la toile mais par courriel quand l’éditeur chargé de la publication des annales de l’examen m’a contactée pour les droits sur les photos. On ne m’avait rien demandé pour utiliser cette photo et une du pont japonais pour le sujet d’examen lui-même… Peur des fuites, peut-être.
Recevoir cette copie m’a fait rêver, aussi bien aux candidats qu’au(x) concepteur(s) du sujet. Car tout de même il s’agit d’un examen d’anglais, non de français. Ce choix de Monet peut s’entendre comme celui d’une culture occidentale internationalisée, d’autant plus séduisante vue du Japon qu’elle est empreinte de japonisme. C’est aussi une invitation au voyage, manière d’encourager les élèves à poursuivre leurs efforts dans l’apprentissage de la langue.
Je me demande si le rédacteur du sujet est japonais, et s’il est déjà venu à Giverny. Je me demande si j’aurai la chance de le rencontrer un jour pour lui poser mes questions de vive voix. Si je guiderai un jour, en anglais, des visiteurs qui se souviendront de cet examen…
Je dédie ce billet à tous les élèves qui passent en ce moment des examens et des concours. C’était aujourd’hui l’épreuve d’allemand du baccalauréat, par exemple. Le sujet portait sur Pina Bausch. La grande chorégraphe allemande était inconnue de bien des candidats… mais je parie que désormais son nom leur dira quelque chose.

Quiz en noir et blanc

Noir et blanc

Qu’est-ce que c’est :
a) une image du ciel nocturne ?
b) des signaux en morse ?
c) des feuilles de nénuphar dans le soleil ?
Hmmm… c’est difficile…

Prendre des photos peut être la source de toutes sortes de jubilations qui tiennent de la quête et de la création. Parfois, j’ai plaisir à changer du registre des photos de fleurs et de jardin, à aller chercher du côté de l’abstraction. N’est-ce pas incroyable, cet aspect que peuvent prendre les nymphéas ? Ils sont une source infinie de surprises, comme le savait leur admirateur le plus fervent.

Les pavots en photo

PavotDans les jardins de Giverny, c’est la saison des pavots. Elle coïncide avec celle des roses et des pivoines, et donne une coloration rose au clos normand.
Les pavots font partie des fleurs que j’ai le plus de plaisir à photographier. Ils sont d’une grande richesse esthétique dans les rayons rasants du soleil, quand leurs pétales chiffonnés laissent passer la lumière, et que les bourdons y projettent des ombres chinoises.
Mais surtout, c’est leur petite tête qui est tout à fait craquante. Elle émerge de voiles ondulés, si bien que le petit bonhomme pavot a l’air d’être en plein mouvement, en pleine danse.
Parfois, comme ici, c’est autre chose : ce pavot-là est chez le coiffeur. Enveloppé dans le léger peignoir que lui a passé le figaro des prés, ses cheveux coupés répandus tout autour, il patiente, tandis que se dessine sur son crâne sa future coiffure en forme d’étoile, particulièrement stylée.
En le voyant, j’ai repensé à une plaisanterie racontée par un client : Savez-vous quel est le patron des (mauvais) coiffeurs ? Saint Ignace ! Une blague gentille garantie tout public, à condition de bien faire la liaison.

Fou du flou

Rose à Giverny Qu’est-ce qui fait qu’on aime un tableau, une photo ?
Sur quels critères se fonde notre goût pour décider que quelque chose lui plaît ou non ?
Pourquoi les photos de fleurs nous plaisent-elles davantage quand les corolles se détachent sur un fond flou ?
Qu’y a-t-il dans ce contraste du net et du flou qui satisfait l’oeil ?
C’est juste un constat, nous apprécions ne pas très bien distinguer, alors qu’on pourrait s’attendre au contraire.
Nous aimons les fonds flous, et le tremblé vibrant de la peinture impressionniste.

Reflets en noir et blanc

Reflets en noir et blanc

Du vent, des nuages blancs et le soleil juste derrière : c’est la recette de la nature pour fabriquer des motifs en noir et blanc à la surface de l’étang de Monet à Giverny.
Autant cette surface peut faire office de miroir quand l’air est calme, autant elle s’amuse à se fragmenter en une multitude de touches en virgules dès que la brise l’agite.
L’oeil se laisse captiver par la danse interminable du reflet, par ces lueurs mouvantes accrochées à la masse liquide.
Pas besoin d’une grande débauche de coloris.
Il y a, dans la sobriété de la palette mise en oeuvre, un contraste frappant avec l’opulence ondoyante des formes, qui donne à cette dernière encore plus de présence et d’impact.

Photos de Giverny

Pavot à GivernyJ’ai enfin rassemblé mes plus belles photos de Giverny dans une galerie en ligne. Elle se trouve à l’adresse giverny-photo.com et présente une sélection de 200 photos de Giverny à travers les saisons, classées par thèmes.
La galerie se compose actuellement de 14 albums sur les aspects les plus emblématiques du jardin et de la maison de Monet, le pont japonais, les nymphéas, la grande allée, le clos normand…
La sélection a été délicate, dans l’intention de retranscrire au plus juste l’esprit des lieux. Elle m’a pris beaucoup de temps, car j’ai passé en revue les 10 000 photos prises en 2011, pour commencer, et fait virtuellement le tour du jardin un nombre infini de fois ! Les années précédentes restent à explorer systématiquement.
Comment choisir ? La question ne m’a pas lâchée pendant tout ce temps. Y répondre, c’est répondre à la question, pourquoi cette galerie de photos de Giverny ?
Les raisons en sont mutiples.
Il y a la joie du partage, car malgré l’espace de publication offert par les deux blogs givernews.com et giverny-impression.com, je n’ai pas le temps en saison de publier les photos les plus belles, juste pour le plaisir des yeux.
Il y a la sécurité, les supports sur lesquels sont stockées les photos numériques sont fragiles, un stockage distant les protège.
Il y a aussi l’envie de professionnaliser cet aspect de mon activité qui me plaît beaucoup, et d’être en mesure de présenter mon travail aux médias à la recherche d’une illustration.
Alors, comment choisir ? J’ai essayé de répondre aux requêtes éventuelles, et pour cela il faut des plans larges, où l’on reconnaît bien le jardin. Et par ailleurs j’ai gardé certaines photos qui m’émeuvent et me donnent une irrépressible envie de me précipiter à Giverny. C’est tellement, tellement beau.
D’autres albums suivront, car pour l’instant j’ai écarté les thèmes qui ne sont pas spécifiquement givernois, tels que les portraits de fleurs. Les photos comme celle de ce pavot un peu théâtral, chef d’orchestre prêt à lancer d’un coup de baguette le premier accord, viendront plus tard. La petite histoire que raconte chaque fleur m’amuse beaucoup, c’est un aspect que j’ai envie de continuer à explorer.

Photographier les nymphéas

Nymphéa rose à GivernyLes nymphéas qui flottent sur le bassin de Giverny sont passionnants à photographier !
Monet avait raison, leurs possibilités sont infiniment variées.
Mais on arrive aussi très bien à rater ses photos, (j’en sais quelque chose !) avec des nénuphars plantés au milieu d’une masse de salade verdâtre.
Un truc si vous débutez : ne pas chercher à tout prix à avoir une vue dégagée sur le nymphéa.
Un premier plan flou peut avoir son charme, que ce soit des feuilles d’iris, des tiges qui apporteront leur graphisme, ou des fleurs.
Les fleurs à pétales légers, à travers lesquelles on peut voir, sont les plus intéressantes.
Sur cette photo, il s’agit d’un cléome, dont la forme disparaît et devient cette ombre rose vaporeuse.
Les fleurs plus denses, qui ressemblent à des marguerites, font des taches moins floues.
Mettre soigneusement au point sur le nymphéa. Si c’est le premier plan qui est net et le nymphéa flou, il est rare que le résultat soit satisfaisant.
Bonne séance photo ! Et surtout, attention où vous mettez les pieds. Cadrer les nymphéas dans l’objectif n’est pas une raison pour écraser les bordures de fleurs, comme je le vois faire tous les jours à mon grand désespoir !

Plan large

Allée des crocosmias, Giverny Qu’est-ce qu’une bonne photo de jardin ? Depuis que je photographie Giverny, je me pose la question.
Faut-il cadrer serré ou large ? J’essaie dix cadrages. Je tourne autour du motif, je cherche d’autres angles. Que se passe-t-il si je rajoute cette fleur au premier plan ? Si j’inclus le ciel ? Si je l’enlève ?
« Mon mari prend toutes les fleurs en photo, mais il ne photographie pas le jardin ! » ronchonnait aujourd’hui une visiteuse de Giverny. Comme on les comprend, lui de faire une galerie de portraits, elle de s’en plaindre ! Que photographier ? Le jardin d’été se dérobe. La végétation prend de l’ampleur, déploie ses masses. Où pointer l’objectif ?
Je cherche. J’expérimente. J’observe de belles photos de jardins. Quel est le secret qui fait qu’elles touchent ?
Petit à petit, ce que je saisis, c’est qu’une bonne photo invite. A assister à un moment privilégié, un effet de lumière exceptionnel. Ou tout simplement à entrer dans le jardin, se promener le long d’une allée, s’asseoir sur un banc.
Pour obtenir cela, il faut prendre un peu de recul, offrir un angle assez proche du champ visuel humain. Et si possible, au milieu des fleurs, l’oeil dénichera un élément qui rappelle la présence humaine : siège de jardin, statue, fontaine, arrosoir…
Je ne parle pas ici de photo artistique savamment travaillée, qui prend ses distances avec le motif pour en induire un autre monde merveilleux et onirique. Non, juste une restitution aussi belle que possible du lieu comme il est.

L’année dernière, l’éditeur allemand DuMont Kalender m’a demandé des photos du jardin de Monet pour en tirer un calendrier. C’était un honneur : DuMont fait des calendriers d’une qualité inégalée. Une splendeur.
Je devais sélectionner une cinquantaine de photos. Sur quels critères ? La réponse était toute bête : quelle photo aurais-je plaisir à voir pendant un mois sur mon mur ? C’est une phrase magique qui aide à en écarter beaucoup. Et puis, il fallait qu’on reconnaisse Giverny.
Le calendrier du jardin de Monet 2012 est paru. Vous pouvez le feuilleter en ligne en cliquant sur le lien. Il est livré avec une sélection de graines à planter dans son jardin, pour un petit air de Giverny chez soi.
Déjà, je travaille au calendrier de 2013…

Les couleurs de l’aurore

Aurore sur la Seine, VernonToute la nuit a été noire, toute la journée va être grise. Mais il y a quelques instants, matin et soir, où la nature tout à coup se souvient qu’il existe des couleurs, des bleus et des violets, des oranges et des jaunes.
Cela n’envahit que rarement tout le ciel. Ce serait trop de feu et de flammes d’un coup, sans doute. Le plus souvent, les tons subtils du peintre des nuages et de l’eau se cantonnent dans un coin de l’horizon.
C’est là que le photographe vient, avec jubilation, cueillir le spectaculaire. La photo cadrée au plus près dans le lointain (je ne sais pas si vous me suivez) la photo donc sélectionne la palette chatoyante et ignore les immensités mornes tout autour.
Cette façon de mettre entre parenthèse une partie de la réalité pour mieux en pointer un élément présente, je trouve, d’étonnantes similitudes avec le métier de guide. Il s’agit, là encore, de diriger le regard de l’autre vers un détail intéressant, de donner à voir. Le zoom, en offrant des détails, remplace les mots.

Aurore sur la Seine, Vernon

Temps fort

Giverny, jardin d'eauLe jardin de Monet à Giverny est en perpétuelle évolution au rythme des saisons. Les floraisons spectaculaires se succèdent à date fixe, prévisibles. Pour le photographe qui souhaite les immortaliser, pourtant, l’affaire n’est pas si simple.
Imaginons par exemple que vous vous mettiez en tête de faire une photo de la tonnelle de l’embarcadère au moment où elle croule sous les roses, parce que c’est si joli, ce reflet qui lui fait écho dans l’eau, repris en fugue par le feston des astilbes.
Vous essayez de prévoir le jour optimal, celui où les fleurs seront les plus épanouies mais pas encore fanées. Puis vous guettez le ciel, en espérant que le temps variable de Giverny vous ménage quelques heures de soleil dans la période adéquate.
Ce n’est pas gagné, mais parfois cela arrive. Vous vous précipitez à Giverny, pour découvrir que la tonnelle est à l’ombre, ou qu’une équipe de télévision vous a devancé et occupe interminablement les lieux, à moins que ce ne soient les touristes qui passent en flot ininterrompu sous les arceaux fleuris.
Patience, votre heure finira par venir. Il suffit d’avoir le temps.
Inversement, il arrive que tout soit parfait, un de ces instants magiques où le jardin est vide, la lumière délicieuse et où les fleurs semblent ne fleurir que pour vous.
Ce jour-là, comme par hasard, vous n’avez pas votre appareil. Ou votre batterie est à plat.
Ou, en ce qui me concerne, je suis là pour travailler et non pour photographier, et je vois mes clients faire distraitement des photos merveilleuses, tout en me prêtant une oreille plus distraite encore.

Des figures dans le paysage

Couple sur le pont de Monet Vous avez vu les deux chéris qui se tiennent par la taille sur le pont de Monet ? J’étais toute attendrie en les découvrant sur la photo. Je ne les avais pas remarqués sur place, et voici qu’ils illuminent de leur bonheur cette vue du jardin de Giverny.
Ils ne sont pas tout jeunes, les amoureux. Mais ils ont gardé cette façon tendre de se serrer l’un contre l’autre pour l’objectif. On peut en être sûr, il y a quelqu’un en train de les photographier de l’autre côté du pont, dans la pleine lumière de l’après-midi et non pas comme moi à contre-jour.
Quelque part sur la planète dans un ordi ou un album figure en bonne place la photo souvenir où ils doivent être si mignons, souriant sous les glycines. S’il fait gris en cette saison chez eux, peut-être qu’ils rêvent devant les photos à cette bulle enchantée qu’a été leur visite de Giverny.
Et c’est pour l’évocation de cette parenthèse de pur bonheur que je chéris cette photo, à mon goût beaucoup plus émouvante qu’une vue du pont tout vide.

La couleur de la barque

Barque, GivernyL’essor de la photo numérique a pour corollaire une inflation d’images dans nos ordinateurs. Si l’on veut faire quelque chose de ses photos, une sélection s’impose. Mais comment choisir, en fonction de quels critères ?
Selon l’humeur, la sélectivité est plus ou moins grande. Bien sûr, il y a les photos qui provoquent un Waou ! quand on les découvre. Pour celles-ci, même pas la peine de se poser de question ; on sait sans hésiter que ce sont de bons clichés. De même qu’on n’a souvent aucun doute, hélas ! sur la médiocrité de certaines vues.
Et puis il y a les photos pas trop mal. On la garde ou pas ?
Cela dépend de ce qu’elle inspire. Comme les êtres humains, les photos sont plus ou moins belles et racontent des histoires plus ou moins intéressantes.
Et comme les être humains, elles peuvent avoir des défauts qui les rendent attachantes.
J’avais d’abord éliminé celle-ci. Elle a quelque chose qui me dérange parce que je sais que la barque de Monet est d’un vert vif et non presque noire, et que le saule devrait être plus vert lui aussi.
Et puis, prise de remords, je l’ai exhumée de la poubelle. Elle a quelque chose qui me retient, le contraste du chaud et du froid, du lisse et du brouillé, du rectiligne et de l’arrondi, et ce reflet qui fait comme un livre ouvert…
Et je repense à la leçon de Monet qui disait qu’il fallait peindre exactement ce que l’on perçoit en oubliant ce que l’on sait des objets.
C’est ainsi que chez lui les ombres sont violettes, et que la neige est rose, jaune, grise… mais jamais blanche. Il n’aurait pas cherché à peindre une barque verte.

Pour emporter

Maison de MonetLes photos ne sont pas autorisées dans la maison de Monet, sauf depuis la fenêtre de sa chambre à coucher. Là, la vue est tellement saisissante que la plupart des visiteurs ne peuvent s’empêcher de l’immortaliser, malgré le contre-jour qui donne rarement des résultats extraordinaires.
Pourtant certains préfèrent laisser l’appareil photo à la maison. Pour illustrer pour quelle raison, une dame m’a raconté une anecdote arrivée à sa grand-tante si savoureuse que je ne résiste pas au plaisir de vous la rapporter.
C’est donc l’histoire d’une dame qui participe à un voyage organisé. Dans le car elle est assise à côté d’un monsieur qui descend chaque fois qu’on s’arrête, mais qui ne prend jamais de photo. Au bout d’un moment, la curiosité l’emporte.
– Pardonnez-moi si je suis indiscrète, Monsieur, mais vous ne faites jamais de photo ?
– Oh ! Répond le monsieur avec bonhomie, moi je préfère regarder tout de suite…

Fils électriques

Fils électriquesD’accord, c’est moche les fils électriques. Surtout les poteaux. Et c’est une bonne chose quand on décide d’enfouir les premiers et de supprimer les seconds.
Encore quelques lustres et on les aura tous enlevés. Il faut donc se dépêcher d’admirer les graphismes qu’ils dessinent dans le soleil couchant… Toute notre soif de communication à contre-jour sur fond de nuages mousseux, tous ces mots et ces images qui passent dans les fils à travers le ciel.
Qu’est-ce qui peut bien être en train de se dire dans ces fils-là ? Des voeux de bonne année ? Des mots d’amour ? Ou juste un rendez-vous avec le plombier, le garagiste ou, disons, l’électricien ?

L’art de photographier les jardins

Roses dans le jardin de Monet à Giverny, photo Anne ChrysotèmeL’impressionnisme est une gageure, celle de rendre, par la technique lente de la peinture, l’impression d’un instant. Si l’on s’en tient à cette définition, la photographie paraît impressionniste par nature, puisqu’elle fixe instantanément l’instant.
Bien sûr, il y a des photos qui sont intemporelles. Et bien sûr, la peinture impressionniste, c’est aussi une touche, un choix de motifs, une réflexion sur le rôle de l’art…
La photographe Anne Chrysotème excelle dans l’art de l’impressionnisme photographique. Il y a quelques années, elle s’est prise de passion pour les jardins de Claude Monet à Giverny, au point d’y fixer sur la pellicule argentique plusieurs milliers de clichés.
Quand elle arrive avec sa dernière moisson, c’est toujours un moment d’émerveillement de découvrir ses photos pleines de poésie, de magie. Son talent me bluffe. Comme le peintre transforme un paysage en oeuvre, elle magnifie ce lieu que je connais bien, avec sa vision personnelle d’artiste.
A Giverny, Anne Chrysotème aime les reflets du jardin d’eau, les couleurs de l’automne. En suivant ce lien, vous verrez d’ailleurs que la photo n’est pas le seul de ses talents.
Anne prend son temps pour tirer le portrait des fleurs comme ces roses du Clos Normand, devant la maison du peintre.
Si vous voulez essayer d’en faire autant, il vous faut un appareil avec une bonne optique, qui permette de jouer sur la profondeur de champ. Passez-le en mode manuel, choisissez une grande ouverture de diaphragme et réglez la netteté du premier plan. Petit truc, Anne recommande de choisir un arrière-plan sombre, le ciel ne donne pas grand-chose. Pour le reste, l’oeil, la composition, sont affaires personnelles.

Photos du jardin de Monet

Reflets d'automne dans le jardin d'eau de Claude MonetDes photos et rien que des photos du jardin de Monet : je suis en train de mettre en ligne une partie des vues que j’ai prises cette année à Giverny.
Sont déjà visibles, une série de photos du clos fleuri au printemps et une page consacrée au jardin d’eau.
L’album se complètera au fil du temps. C’est un site collaboratif : vos photos sont les bienvenues (à l’exception des portraits pris dans le jardin, qui sont à leur place dans votre album souvenirs).
J’espère que vous aurez la même joie que moi à partager la magie de Giverny, et à revenir souvent rêver devant l’éphémère beauté des saisons.

Photo de nymphéas

Nymphéas par Anne OvaskaA contre-jour, les nymphéas perdent leurs couleurs pour prendre des teintes métalliques, d’argent ou d’or.
Anne Ovaska est une artiste finlandaise qui sculpte, peint, et voue une passion à la photographie. Elle a pris ce cliché en Finlande, où les lacs abondent. Les feuilles des nénuphars ont la forme de Pacman, cet ancêtre simpliste des jeux vidéos qui circulait dans un labyrinthe en avalant tout sur son passage.
Depuis qu’elle est en France, Anne Ovaska ne quitte plus les jardins de Monet. Elle cherche le cadrage idéal, la lumière optimale. Elle a emporté une batterie d’appareils photo pour faire face à toute éventualité.
Je lui demande comment lui est venue l’idée de venir à Giverny. « J’ai quatre livres sur Monet, dont un sur son jardin », m’explique-t-elle. « C’est un livre qui nous a coûté cher ! » plaisante son mari. Il patiente en souriant, pendant qu’Anne prend ses photos, des heures et des heures durant. C’est dur d’être le conjoint d’une artiste !

Cher lecteur, ces textes et ces photos ne sont pas libres de droits.
Merci de respecter mon travail en ne les copiant pas sans mon accord.
Ariane.

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