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Cocherel et Aristide Briand

Aristide BriandC’était une époque où les hommes politiques aimaient disposer d’une maison de campagne en Normandie, pas trop loin de Paris.
Clemenceau avait son château de Bernouville, près de Gisors. Aristide Briand a jeté son dévolu sur Cocherel.
On ne sait plus trop bien aujourd’hui qui était Aristide Briand. Pourtant il a fait preuve d’une grande longévité politique : de 1906, où il est ministre de Clemenceau, jusqu’en 1931 sous Laval, il a été, c’est un record, 20 fois ministre et 11 fois chef du gouvernement.
Accessoirement il a aussi assuré sept mandats de député. Mais ce n’est pas pour cela qu’il y a tant d’avenues qui portent son nom, c’est à cause de son engagement pacifiste dans l’entre-deux guerres qui lui a valu le prix Nobel de la Paix.
Il y croyait, à la paix, il a beaucoup oeuvré à rapprocher l’Allemagne et la France, appuyé par son homologue allemand Stresemann qui a partagé le Nobel avec lui. Briand pensait que la diplomatie devait régler les conflits. Il rêvait des États-Unis d’Europe.
On lui a beaucoup reproché ses positions, en ce temps-là. Aujourd’hui peut-on en vouloir à ce visionnaire d’être arrivé trop tôt ? De n’avoir pas su prendre la mesure d’Hitler ?

Mais revenons à Cocherel : Briand découvre le village en 1908. Il séjourne d’abord à l’auberge, puis achète une première maison normande au toit de chaume, puis une ferme, puis deux, puis trois… A sa mort en 1932 il était propriétaire de 700 hectares à Cocherel et aux environs ! Il venait se ressourcer, retrouver ses maîtresses, pêcher et jouer à l’agriculteur. C’est à Cocherel qu’il repose, à côté de la chapelle qui date dit-on du 7ème siècle.

A la sortie de Cocherel en direction d’Hardencourt, on peut voir la statue en bronze de l’habitant le plus célèbre du village, exécutée par Émile Guillaume en 1934. Une belle patine recouvre l’oeuvre, mais elle a disparu du dessus des doigts, preuve que l’apôtre de la paix ne manque pas de visiteurs qui viennent lui serrer la main.
Aristide Briand est assis « en méditation » non loin de l’Eure. Dans ce lieu rendu célèbre par une bataille sanglante, il est juste qu’une colombe se soit posée.

Bataille de Cocherel

Stèle de la Bataille de CocherelLes coïncidences n’affectent pas que les humains. Elles peuvent s’inviter dans le destin de localités discrètes. Voyez Cocherel, par exemple.
Ce modeste village de la vallée d’Eure était voué à couler des jours paisibles au bord de sa rivière. Or à plusieurs reprises des évènements importants l’ont fait entrer dans l’Histoire.
Je vous ai déjà parlé de cette première découverte fortuite d’une tombe préhistorique, la plus ancienne trace des réactions de nos ancêtres face aux restes d’un peuplement datant du fond des âges. Cela se passait en 1685. Revenons un peu plus tôt, très exactement le XVI mai MCCCLXIV.
Le 16 mai 1364, si vous préférez, Cocherel est le théâtre d’une bataille sans précédent.
Une stèle placée sur le bord de la route rappelle l’évènement, sept bons siècles plus tard. C’était du temps où les Anglais, et avec eux pas mal de nobles de notre pays, faisaient la guerre au roi de France. Par chance pour ce dernier, il avait à la tête de son armée un capitaine aussi rusé que vaillant : Bertrand du Guesclin.
Donc, ce matin là, l’armée commandée par du Guesclin campe au bord de l’Eure à Cocherel. Devant eux le fond plat de la vallée, et au loin les collines qui en marquent le bord. C’est là que les troupes anglaises les attendent, en bonne position au-dessus de la vallée.
Pas question d’attaquer dans ces conditions, ce serait du suicide. Du Guesclin a alors une idée. Il demande à son armée de se replier. Les Anglais s’interrogent. Est-ce une ruse, ou les Français prennent-ils la fuite ? La cavalerie, bouillonnante, décide de se lancer à leur poursuite. Les chevaux encaparaçonnés portant les chevaliers en armures dévalent la colline. Pour se trouver nez-à-nez avec les troupes de du Guesclin, qui bien entendu ont fait demi-tour.
Le combat fait rage pendant des heures. Les pertes sont lourdes dans chaque camp, mais Bertrand du Guesclin avait demandé à deux cents cavaliers bretons de se tenir à l’écart. Il fait entrer ces forces fraîches dans la bataille en fin de journée, et c’est la déroute dans l’armée anglaise dont le chef est fait prisonnier.
Cette victoire décisive marque un tournant dans la guerre de Cent ans, elle permet au jeune roi Charles V tout juste sacré à Reims de partir à la reconquête de son royaume.

Maurice Ravel à Lyons la Forêt

maison de Ravel à Lyons la ForêtDans le joli village eurois de Lyons la Forêt, un peu à l’écart de la place et sa vieille halle, cette belle maison à colombages en impose.
Une plaque sur la façade nous informe que Maurice Ravel y a fait de fréquents séjours. C’est dans cette retraite paisible qu’il a composé Le tombeau de Couperin en 1917.
En 1922 il y a travaillé à l’une de ses oeuvres les plus fameuses, l’orchestration des Tableaux d’une exposition.
La musique rejoint la peinture ! Au départ l’idée est de Moussorgski. Il visite en 1873 une exposition qui célèbre la mémoire de son ami peintre et architecte Viktor Hartmann, qui lui inspire une série de petites pièces pour piano très diverses.
Près de cinquante ans plus tard, un chef d’orchestre demande à Ravel d’adapter la partition de Moussorgski pour un orchestre. La version de Ravel, éblouissante, va connaître un très grand succès.

Arbre remarquable

Platane remarquableCet alerte vieillard a 530 ans.
Bien qu’il soit très grand, à voir le port équilibré des branches, son aspect vigoureux, on pourrait mésestimer son âge véritable, mais le tronc extraordinaire met la puce à l’oreille.
Quelles boursouflures, quel profil triangulaire pour un tronc !
Il est tellement étonnant qu’en l’absence de feuilles on n’identifie pas facilement de quel arbre il s’agit. C’est, nous apprend le propriétaire du château, un platane.
Ce géant vénérable a fait l’objet d’un classement parmi les arbres remarquables de Normandie.
Il magnifie de toute sa noblesse le parc du château de Fervaques, dans le Calvados.
530 ans ! Aussi vieux que la demeure elle-même, qui date de la Renaissance.
C’est fou de penser que cet arbre était déjà là lors du séjour d’Henri IV au château !
A côté, le platane de la Liberté qui pousse derrière la cathédrale de Bayeux et qui n’a été planté qu’à la Révolution fait figure de jeunot, si ce n’est de gringalet.
Bon, ce n’est pas une raison pour que le platane de Fervaques se prenne pour le Mathusalem des arbres non plus.
530 ans, c’est très vieux pour un platane, mais c’est petit joueur comparé à d’autres essences, les chênes ou les ifs, par exemple, qui peuvent devenir millénaires ou même davantage.
Et là, se dire que quelque chose qui est toujours vivant au 21ème siècle a connu l’époque de Charlemagne, ça fait tout drôle, non ?

L’omelette du Mont Saint-Michel

Les Oeufs, Claude Monet 1907, 73x92cmLes Oeufs, Claude Monet 1907, huile sur toile 73x92cm, collection particulière Etats-Unis

Claude Monet a mis un mois à peindre cette nature morte qui paraît à première vue si dénuée d’artifices. Plus exactement deux mois pour celle-ci dans les tons roses et sa soeur de mêmes dimensions dans les tons mauves, également en collection particulière aux Etats-Unis.

C’est pratique les oeufs quand on est peintre, ça ne risque pas de faner, de se flétrir ou de faisander. On a plusieurs semaines devant soi pour achever son tableau.
C’est pratique aussi quand on tient une auberge et qu’il faut rassasier rapidement et à moindre coût les voyageurs. Au Mont Saint-Michel, la Mère Poulard s’est rendu célèbre par son omelette mousseuse. Comme Angelina Baudy à Giverny, elle a su observer et s’adapter à la clientèle avec un grand sens commercial.
Mais une omelette délicieuse cuisinée dans un lieu touristique n’aurait sans doute pas suffi à lui apporter la célébrité. La Mère Poulard a eu la bonne fortune de bénéficier d’une promotion inattendue. Son omelette est entrée dans la légende grâce à Christophe, le dessinateur de la Famille Fenouillard, best-seller humoristique du 19ème siècle, qui l’a mise en scène dans l’un de ses albums.
Et puis, quel nom prédestiné, Poulard ! Son vrai nom d’épouse !
Depuis un siècle et demi la réputation du restaurant ne s’est pas démentie. Malgré ses tarifs élevés, il est généralement plein à craquer.
Le site internet de la Mère Poulard présente un habile mélange de décor plein de caractère, de service en costume normand et de tradition. La vidéo sur le cérémonial de la cuisson de l’omelette est un vrai régal. Mais le secret, s’il y en a un, est toujours aussi bien gardé. Annette Poulard elle-même avait cet art de la feinte transparence. A un restaurateur qui lui demandait la recette de son omelette, elle a fait cette savoureuse réponse :

Monsieur Viel,
Voici la recette de l’omelette : je casse de bons oeufs dans une terrine, je les bats bien, je mets un bon morceau de beurre dans la poêle, j’y jette les oeufs et je remue constamment.
Je suis heureuse, Monsieur, si cette recette vous fait plaisir.
Annette Poulard

Première découverte préhistorique

tombeau préhistorique à Cocherel N’importe quel enfant d’aujourd’hui sait vous parler des hommes préhistoriques. Pas moyen de coller un écolier sur leur façon de se vêtir de peaux de bêtes, de tailler des pointes de lance dans la pierre, de faire du feu avec des silex et de chasser le mammouth.
Ce savoir nous paraît si évident qu’on en oublierait que cela n’a pas toujours été le cas. Au 17e siècle, par exemple, on ignorait tout de la préhistoire. Le passé le plus ancien remontait à l’Antiquité et, chez nous, aux Gaulois.
Cette « naïveté » fait toute la saveur du récit de la première découverte archéologique relatée au monde, en 1685. Elle s’est passée tout près d’ici, dans un village de la vallée d’Eure qui s’appelle Cocherel et qui s’est aussi rendu célèbre pour d’autres raisons.
Le seigneur de l’endroit avait besoin de pierres de taille, or tous les tailleurs étaient réquisitionnés sur le chantier du château de Maintenon. Il a voulu réemployer de belles pierres qui se trouvaient dans un de ses champs. Il ignorait qu’elles fermaient une tombe, encore plus que celle-ci datait du néolithique.
On a dépêché sur place le juge et le curé ainsi que quelques paysans. La question importante était de savoir s’il s’agissait d’une sépulture chrétienne ou non. Ayant remarqué par leurs observations que les défunts étaient idolâtres, les notables locaux en ont conclu qu’on pouvait sans scrupule profaner le tombeau.
Le texte décrit minutieusement cette toute première découverte archéologique. C’est tout à fait étrange de se mettre dans la peau de ces hommes du 17e, avec leurs préoccupations, leur logique et leur langue.
Ce récit est si évocateur que j’ai cherché à retrouver l’emplacement du cimetière préhistorique, qui selon Théodore Michel existait encore au milieu du 19e siècle. A mon grand désappointement, je n’ai pas pu le localiser.

Mortemer

Abbaye de MortemerCroyez-vous aux fantômes ? A une quarantaine de kilomètres de Vernon, l’abbaye de Mortemer joue la carte des légendes qui courent sur ses vieilles pierres pour attirer les promeneurs.
Cela ne suffit pas, la sérénité de ce petit vallon du Fouillebroc, la nostalgie des ruines de l’abbatiale dont les quelques ogives et pans de murs encore debout font regretter la splendeur passée, le pigeonnier qui défie le temps, les étangs poissonneux, le chemin botanique sous les grands arbres, les beaux bâtiments classiques encore tout meublés… Il faut du frisson.
On descend dans les caves où une voix off vous conte des histoires de morts tragiques, de revenants, de louves qui n’en sont pas, de moines égorgés au milieu des tonneaux. Est-ce vraiment l’esprit du lieu ?
J’aurais aimé davantage d’explications sur la vie de cette communauté religieuse qui compta à ses plus belles heures deux cents membres. Les histoires de dame blanche m’indiffèrent, mais non la spiritualité qui a rayonné à partir de ce vallon perdu. En fait de frisson, c’est plutôt le tour en petit train, compris dans la visite qui le donne : il ne fait pas chaud le long des étangs quand le soir tombe…

Tour Grise

Tour GriseCe n’est pas l’effet du soleil couchant : à Verneuil sur Avre, la Tour Grise est bien de cette couleur brune un peu chamoisée. Elle tire son nom de la pierre qui la constitue, le grison. Cette pierre, un silex ferrugineux, a l’étrange particularité d’être grise quand on l’extrait du sol mais de devenir brun rouille en s’oxydant au contact de l’air. La Tour Grise devait l’être lors de sa construction, avant de brunir au fil des ans.
Les bizarreries de cette construction ne s’arrêtent pas là. Habituellement, les forteresses servent à protéger les villes d’un ennemi éventuel. Telle n’était pas la destination de cette tour : elle était chargée d’asseoir le pouvoir royal sur les habitants de Verneuil. C’est Philippe-Auguste qui l’a fait construire, lui qui a également fortifié Vernon (j’ai déjà parlé souvent de la Tour des Archives) et Rouen.
Le petit roi de France a envahi la Normandie après la chute de Château-Gaillard. Les Vernoliens lui ont fait mauvais accueil, ils se sont retrouvés avec une tour qui en imposait, comme une menace de finir au cachot.

Cher lecteur, ces textes et ces photos ne sont pas libres de droits.
Merci de respecter mon travail en ne les copiant pas sans mon accord.
Ariane.

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