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Les Iris jaunes de Monet

Claude Monet, Iris jaunes au nuage rose, 1914-1917 ou 1924-1925 Coll. particulière w1835

A la fin de sa vie, Claude Monet se livre à d’étonnantes recherches autour du motif de l’iris. Impossible de savoir exactement quand il commence à s’intéresser à leur forme ondulante, à leur beau contraste de couleur sur un fond bleu. Ils ne sont ni signés ni datés, mais portent simplement le tampon d’atelier apposé bien plus tard par Michel Monet, fils de l’artiste.

Claude Monet, Iris, 1914-1917 ou 1924-1925 Coll. particulière w1836

Dans son catalogue raisonné de Monet, Daniel Wildenstein avertit que « tout essai de datation, même approximative, demeure hypothétique. » Il place ces études bien avant ou juste après le succès de l’opération de la cataracte. Le trait est sûr, les couleurs vibrantes et, si on peut avoir des doutes sur la réalité de ce bleu, les jaunes et les verts sont bien ceux des iris des marais qui poussent toujours à Giverny dans le jardin de Monet.

Claude Monet, Iris jaunes, 1924-1925 musée Marmottan-Monet, Paris w1839

Le plus étonnant, c’est l’angle sous lequel Monet peint ses fleurs. On a l’impression qu’elles sont sur un talus, qu’il est couché à leur pied, au fond de sa barque… Tout cela n’est qu’illusion, car Monet, à 84 ans, ne recherche pas un cadrage photographique original, comme nous le ferions peut-être. Il étudie une fois de plus les reflets à la surface de sa pièce d’eau.

Claude Monet, Iris jaunes et mauves, 1924-1925 musée Marmottan-Monet, Paris w1837

Le motif et son traitement son très japonisant, tout en portant la marque de la patte de Monet. A droite, des touches en forme de 8 couché évoquent le balancement de la fleur dans le vent.

Claude Monet, Femme à l’ombrelle, 1875, National Gallery of Art, Washington

Cette disposition me fait penser à Femme à l’ombrelle, le magnifique portrait de Camille debout sur un talus exécuté par Monet en 1875, du temps d’Argenteuil. Là aussi, la silhouette se détache sur le bleu du ciel, parcouru de nuages poussés par le vent. On dirait que ce portrait n’a cessé de le hanter.

Claude Monet, Iris jaunes, 1914-1917 National museum of western art, Tokyo – w1826

Les fleurs, peut-être sur un île et sur la berge à la fois, sont disposées tout en haut des flammes vertes de leur feuillage. Entre les tiges perce le bleu de l’eau.

Claude Monet, Champ d’iris jaunes à Giverny, 1887, musée Marmottan-Monet, Paris w1137

A l’époque de Monet, les iris jaunes poussaient spontanément dans les zones humides de Giverny, par champs entiers. Il est même possible que ce soit la vue de ces merveilleux champs de fleurs qui ait contribué au coup de coeur de Monet pour le village, qu’il découvre au printemps 1883. Mais ce n’est qu’après être allé peindre les champs de tulipes au environs de La Haye en 1886 qu’il songe à installer son chevalet de l’autre côté du chemin du Roy et de la voie ferrée pour représenter par trois fois les iris sauvages pendant leur éclatante floraison, au printemps 1887.

Des chrysanthèmes en cadeau d’adieu

Gustave Caillebotte, Chrysanthèmes blancs et jaunes, jardin du Petit Genevilliers, 1893, musée Marmottan-Monet, Paris

La scène n’offre pas un centimètre de ciel. Gustave Caillebotte peint un massif de son jardin, peut-être à cette saison ou un peu plus tard, courant novembre. A ses pieds, des chrysanthèmes japonais échevelés, effilés, ou arrondis en boules, d’autres plus simples à une seule rangée de ligules… Explosion de pétales, explosion de couleurs : les fleurs roses, jaunes, mordorées, rouges lie de vin se détachent sur le vert des feuilles et le ton clair de la terre gardée nue autour des plants.

Caillebotte, aussi passionné de jardinage que son ami Monet, est manifestement fier de ses chrysanthèmes. A la fin du XIXe siècle, en pleine période du japonisme, la fleur connaît une vogue sans précédent. On l’adore sous toutes ses formes, d’ailleurs de plus en plus nombreuses. Aucune arrière-pensée de fête des Morts ni de cimetière ne vient entacher sa gloire : ce sont les pensées, les violettes et les giroflées jaunes qui sont chargées de fleurir les tombes à la Toussaint.

Mais pour Monet, propriétaire de cette toile à partir de 1894, ces chrysanthèmes-là vont tout de même incarner le souvenir. Le tableau de fleurs lui est offert par Martial Caillebotte, frère de Gustave, après le décès prématuré du jeune peintre le 21 février 1894. Martial connaît l’amour de Monet pour les fleurs et choisit une oeuvre toute récente de son frère. Monet l’accrochera dans sa chambre et la gardera toute sa vie. Son fils Michel ne la vendra pas non plus. Le tableau appartient maintenant aux collections du musée Marmottan-Monet et se trouve pour cet automne à Giverny, dans le cadre de l’exposition Flower power du musée des impressionnismes. Une copie de la toile décore la chambre de Monet à Giverny.

Je dédie ce post à Cédric Payet, surveillant à la Fondation Monet depuis de longues années qui vient de disparaître, lui aussi beaucoup trop tôt. D’origine réunionnaise, la gentillesse même, Cédric était toujours positif et de bonne humeur malgré les difficultés de la vie. Le départ d’une personne aussi adorable nous plonge dans une profonde tristesse.
Sur la photo ci-dessous prise en mai de cette année (merci Fred) il est digne, une attitude qu’il ne conservait jamais très longtemps, vite remplacée par un éclat de rire. Signe de sa fantaisie, il porte des lacets roses car il s’amusait à assortir les lacets de ses chaussures à la couleur de sa cravate. Il avait 55 ans.

Expérimentation

Rien ne vaut l’expérimentation pour se forger une opinion. C’est la saison des glaïeuls, l’occasion de tenter une reconstitution du « bouquet » de glaïeul(s) peint à deux reprises par Monet.

Première constatation : une fois remplie d’eau, la bonbonne de Brissard est plutôt stable, malgré la haute tige du glaïeul.

Deuxième constatation : il est aisé d’y faire tenir un glaïeul, mais impossible d’en entrer deux étant donnée l’étroitesse du goulot. Pour que la fleur se tienne bien droite j’ai dû ajouter une feuille, après quoi elle était parfaitement calée.

Claude Monet, Glaïeuls, 1881, Pola Art Museum, Japon

Il est vrai que sur le premier tableau on a l’impression qu’il y a deux glaïeuls, tandis qu’il semble n’y en avoir qu’un sur le deuxième tableau. Soit Monet a une bonbonne au goulot plus large, soit il a forcé pour faire entrer deux fleurs, peut-être en retirant toutes ses feuilles à l’une des deux. Il faut que j’essaie à nouveau.

Claude Monet, Glaïeuls, 1881, Pola Art Museum, Japon

J’ai épluché le pauvre glaïeul et j’ai appuyé si fort que j’ai cru entendre la poterie se fendre. Si on insiste, on peut arriver à faire tenir deux fleurs. Cela présente bien peu d’intérêt. Je crois que Monet a utilisé un seul glaïeul bien fourni, en plein épanouissement. Tout simplement. A moins que ses glaïeuls aient été beaucoup plus fins que ceux d’aujourd’hui, ce qui n’est pas impossible, après tout.

Les glaïeuls de Monet

Claude Monet, Bouquet de glaïeuls, lis et marguerites, 1878, collection particulière

S’il faut en croire la date apposée par l’artiste, ce magnifique bouquet a été peint par Monet au début de l’été 1878, à l’époque des marguerites, des lis et des glaïeuls. Le catalogue raisonné propose le 30 juin 1878 comme date de vente à un certain Theulier. Ce jour-là, Monet peint la rue Montorgueil et la rue Saint-Denis pavoisées. Une journée bien remplie.
Claude Monet, Camille et leurs deux enfants résident alors à Paris. Ils ont quitté Argenteuil au début de l’année et ne s’installeront à Vétheuil qu’à la fin de l’été. Où Monet s’est-il procuré ces fleurs éclatantes ? Est-ce un cadeau ? Mystère. En tout cas elles ne viennent pas de son propre jardin, il n’en a plus.

La disposition des fleurs n’a rien de savant. Les plus grandes sont placées derrière, les autres fourrées tant bien que mal en guise de faire-valoir par devant. C’est une brassée de fleurs fraîchement coupées et tout son charme vient de cette absence d’apprêt. Monet peint avec fougue, il se dégage une grande énergie de ce tableau.

Monet avait une passion pour les glaïeuls, une fleur élancée, colorée, sophistiquée comme peut l’être un iris, autre favori de l’artiste. Dans son jardin d’Argenteuil, il en cultivait des massifs entiers.

Claude Monet, Dans le jardin, 1875, collection particulière

Voici la disposition du jardin de la deuxième maison de Monet à Argenteuil, celle qui est maintenant ouverte au public. A gauche ce qui semble être des dahlias, devant des géraniums, à droite de grands glaïeuls, au fond une rangée d’arbres, au centre une pelouse où ces dames s’assoient sans façon.

Claude Monet, Au jardin, la famille de l’artiste, 1875 Collection particulière

Et voici le même jardin dans une autre lumière, avec le petit Jean debout entre les deux femmes. Cette fois on distingue bien les géraniums roses et rouges, mais les glaïeuls se font discrets.

Claude Monet, Les Glaïeuls, 1876, Detroit Institute of Arts, Michigan. Titre sur le site du musée : Rounded Flower Bed (Corbeille de fleurs)

L’année suivante, Monet a légèrement changé la disposition de ses glaïeuls. Ils dominent cette fois les géraniums, et ce sont eux qui sont roses et rouges. Camille, sous son ombrelle verte, toujours prête à poser pour son mari, donne l’échelle. On peut essayer d’imaginer où elle se trouve, peut-être à la place ou se tenait Monet dans le tableau précédent.

Claude Monet, Au Jardin, les glaïeuls, 1876, collection particulière

Les places ont à nouveau été interverties. On sent que Monet cherche des cadrages pour mêler la figure féminine et les tiges fleuries des glaïeuls. Selon le catalogue raisonné, ces toiles ont été peintes juste avant que Monet ne se rende à Montgeron sur l’invitation d’Ernest Hoschedé, juste avant Les Dindons.

Claude Monet, Glaïeuls, 1881, Pola Art Museum, Japon

Monet revient au motif du glaïeul cinq ans plus tard. A l’été 1881, il se trouve à Vétheuil. Cette fois, on peut imaginer que les fleurs qui lui servent de modèle ont été cultivées par ses soins. Monet les a coincées dans une bonbonne de Brissard.

Ces bonbonnes en terre vernissée étaient utilisées pour le transport de la boisson aux champs ou au marché. Elles étaient fabriquées en Eure-et-Loir, dans la petite ville d’Abondant, près de Dreux. La mienne n’est pas très grande, 17 cm, arriver à y faire tenir droite une fleur quatre fois plus haute ne serait pas une mince affaire. Mais le résultat de la disposition obtenue par Monet est saisissant : on a l’impression que la bonbonne est le bulbe de la fleur, le lieu de sa naissance. Le choix de ce contenant rustique et terreux donne de l’assise à la composition. Les deux glaïeuls paraissent d’autant plus s’élancer à l’infini.

Claude Monet, Glaïeuls, 1881, Pola Art Museum, Japon

Monet peint grandeur nature : la toile fait un mètre de haut. Et il aime tant ce motif qu’il en fait un deuxième tableau, presque identique et pourtant légèrement différent : pour s’en convaincre il suffit de regarder la signature de Claude Monet, à gauche sur la première oeuvre, à droite sur la deuxième.

Cet emplacement de la signature en miroir laisse à penser que Monet voyait dans ces deux toiles des pendants. Dès 1881, les deux Glaïeuls sont achetés par son marchand Paul Durand-Ruel.

Cette forme originale, toute en longueur qu’impose le glaïeul était parfaite pour un tableau destiné à l’espace situé entre deux fenêtres. Elle pourrait avoir donné à Monet l’idée des pendants.

L’histoire est belle, car les oeuvres jumelles n’ont jamais été séparées. A chaque fois qu’elles ont changé de propriétaire, elles ont été vendues ensemble. La dernière fois, le voyage les a conduites au Japon, une destination qui aurait été du goût de Monet.

Les glycines de Monet

Giverny ce matin. La glycine blanche du bassin aux nymphéas déploie ses élégantes inflorescences dans les premiers rayons de soleil. Les glycines mauves achèvent leur floraison. Comment n’y aurait-il pas là un motif à peindre ? Oui, Claude Monet a représenté ses glycines, mêmes si ce ne sont pas les plus connues de ses toiles.

Claude Monet, Glycines (W 1905). 100 x 300 cm, 1917-1920, musée d’Art et d’Histoire, Dreux

Certaines sont immenses, trois mètres de long par un de haut. Presque grandeur nature. Les lianes ont l’air de flotter dans le vide, de ne s’accrocher à rien.

Claude Monet, Glycines (W 1904), 100 x 300 cm, 1917-1920, musée Marmottan-Monet, Paris.

C’est une frise que Monet envisageait de placer au-dessus des Grandes Décorations de nymphéas, ces grands panneaux présentés au musée de l’Orangerie à Paris. Projet esquissé puis abandonné, dont il nous reste à voir l’impulsion première.

Claude Monet, Glycines (W 1907) 150 x 200 cm 2e partie d’un diptyque (avec W 1906), 1917-1920

Le tracé frôle l’abstraction. Monet semble accrocher des rubans, des bouts de laine, à un invisible fil. Il tricote ses couleurs.

Claude Monet, Glycines (W 1908) 150 x 200 cm, 1919-1920, Gemeentemuseum, La Haye

L’arrière-plan, ciel ou eau ? prend une couleur turquoise inconnue à Giverny.

Claude Monet, Glycines (W 1906) 150 x 200 cm première partie d’un diptyque (avec W 1907), 1917-1920

Il faut même une certaine bonne volonté pour voir une glycine dans ces entrelacs de couleurs.

Claude Monet, Glycines (W 1909), 150 x 200 cm, 1919-1920, Allen Memorial Art Museum, Oberlin (Ohio).

Monet n’y voit plus, mais il s’accroche à ses pinceaux, comme la glycine à son support.

Claude Monet, Glycines (W 1903), 100 x 300 cm, 1917-1920, musée Marmottan, Paris.

Mais il y a dans l’ellipse des notations colorées quelque chose qui retient le regard et séduit comme un souffle, un envol, un lyrisme abstrait et poétique.

Le pichet vert

Blanche Hoschedé-Monet, Nature morte aux chrysanthèmes, Collection particulière

Avec ses chrysanthèmes et ses pommes, voici une nature morte de saison, qui célèbre la beauté de l’automne à travers ses plus belles fleurs et l’abondance de ses fruits.

On reconnaît bien la patte de Blanche Hoschedé-Monet dans le léger flou qu’elle donne aux choses, et son goût pour les compositions presque monochromes déjà observé dans La Salle à manger de Monet à Giverny.

Où se trouve-t-elle ? Aucune pièce de la maison de Monet ne possède cette vitrine qu’on aperçoit à l’arrière-plan. Blanche est peut-être dans le deuxième atelier ? Après tout, ce serait un endroit approprié pour faire de la peinture.

Si j’ai du mal à identifier le lieu, en revanche j’ai tout de suite reconnu le pichet qui fait office de vase. Les visiteurs de Giverny peuvent le voir dans le salon-atelier de la maison :

Sa couleur verte marbrée de jaune et son anse en flèche en font un objet unique et caractéristique.

Le voici un autre jour, tourné dans l’autre sens, celui du tableau de Blanche. Elle aimait tellement ce broc et ses couleurs incertaines qu’elle l’a utilisé pour une autre toile :

Blanche Hoschedé-Monet, Les Mufliers, collection particulière

Cette fois, on repère au premier coup d’oeil qu’on se trouve dans le salon bleu, devant le buffet qui sert de bibliothèque. En revanche, l’identification des fleurs est moins facile. Je penche pour un beau bouquet de mufliers, ou gueules de loup si vous préférez, pour fêter l’été. Qu’en pensez-vous ?

Abutilon

Fleurs d'abutilon dans un vase, Claude Monet

Claude Monet 1882 Vase de fleurs 80 x 45 cm W810 Philadelphia Museum of Art, Pennsylvania

Selon Daniel Wildenstein, auteur du catalogue raisonné de Claude Monet, la fleur peinte par Monet dans cette nature morte est un abutilon à feuilles marbrées Abutilon striatum thompsonii. Bien qu'il porte le nom courant de lanterne chinoise, l'abutilon n'a rien d'asiatique. Il vient d'Amérique du Sud. 

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Monet et les hémérocalles

Les Hémérocalles, Claude Monet. Huile sur toile

C'est au musée Marmottan-Monet à Paris qu'on se trouve face à face avec cette toile de grandes dimensions : 150 x 140 cm. Aussi hauts que nature, les hémérocalles flamboient avec grâce, émergeant de leur masse de feuilles d'un vert vif.

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Dahlia le Magnifique

Dahlia Le MagnifiqueAvec les dahlias, même quand on les collectionne avec passion, on est toujours loin du compte. Le genre comprend 25 000 cultivars, annoncent les sites spécialisés. Cela laisse à penser que le dahlia est facile à hybrider. De là à obtenir à chaque fois des merveilles, il y a un pas.
Ce dahlia-ci déclenche des exclamations d’admiration à Giverny, année après année. Je n’ai donc pas été surprise quand l’une des jardinières de la Fondation Monet me l’a désigné par ‘le magnifique’. « C’est son nom », a-t-elle ajouté.
L’emphase est souvent de mise dans les noms commerciaux des cultivars, mais là, le qualificatif n’est pas usurpé. On imagine bien la joie et la fierté de l’obtenteur le jour où il a vu apparaître cette tête énorme aux couleurs de feu.
Monet aimait les dahlias, il en cultivait de différentes variétés et les a peints à plusieurs reprises. Ils sont présents sous forme de bouquets, de décoration de portes pour son marchand Paul Durand-Ruel, ou encore dans des vues de son jardin dès l’époque d’Argenteuil, comme celle ci-dessous.
Jeunes filles dans un massif de dahlias, Claude Monet, 54x65.5 cm, 1875, Narodni Galerie v Praze, République tchèque
Ce tableau se trouve à Prague, à la Narodni Galerie. L’énorme masse des dahlias occupe presque toute la toile, mais ce ne sont pas eux que l’on voit. Derrière le flou du massif traité en petites touches de couleurs apparaît une tête féminine coiffée d’un chapeau. Le temps de s’interroger sur la disparition du reste de son corps, sur les raisons qui expliquent la présence de cette tête à cet endroit (est-elle en train de faire un bouquet ?) et l’on découvre une silhouette sur la gauche du tableau, tronquée elle aussi, sans mains ni pieds, et qui nous tourne le dos. Ou peut-être avez-vous remarqué les jeunes filles dans l’autre sens ?
Il y a un certain humour dans cette espèce de partie de cache-cache. On est loin des toilettes élégantes minutieusement décrites de Femmes au jardin, et loin des natures mortes où chaque fleur est bien reconnaissable. Ici tout vibre, scintille, papillonne à en perdre… la tête, disons.
La modernité de cette oeuvre n’a pas échappé à un collectionneur éclairé : Ernest Hoschedé, qui en a été le premier acheteur en 1877. L’année suivante sa collection est vendue aux enchères. La toile est emportée par Chocquet pour 62 francs…

On sent la jubilation de Monet à peindre cette scène. Selon son beau-fils Jean-Pierre Hoschedé, le peintre aimait voir les robes blanches des jeunes filles de la maison évoluer dans les allées de Giverny : la façon de rendre les figures dans le paysage a été un de ses axes de recherche.
On connaît aussi le goût de Monet pour les plantes au faîte de l’été, quand les massifs débordent de fleurs. Cette tentation de se jeter dedans comme ces jeunes filles, de s’y fondre. Jusqu’à quel point pouvons-nous fusionner avec la nature, devenir fleur parmi les fleurs, pour reprendre une expression souvent entendue à Giverny ? Le lien entre l’homme et la nature n’a pas cessé d’inspirer le maître de l’impressionnisme sa vie durant. Peut-être même jusqu’au symbolisme des Nymphéas.

Jeunes filles dans un massif de dahlias, Claude Monet, 54×65.5 cm, 1875, Narodni Galerie v Praze, République tchèque

Topinambour

Fleurs de topinambours, Claude Monet 1880, huile sur toile 100 x 73 cm, National Gallery of Art, Washington, D.C. Etats-Unis.Fleurs de topinambours, Claude Monet 1880, huile sur toile 100 x 73 cm, National Gallery of Art, Washington, D.C. États-Unis.

A la fin de l'année 1880, le paysagiste Claude Monet habite Vétheuil quand il peint plusieurs natures mortes et bouquets de fleurs d'automne : peut-être est-ce l'effet du mauvais temps qui l'oblige à rester à l'intérieur, ou peut-être le désir de se diversifier en proposant autre chose que des paysages, dans l'espoir de réaliser de meilleures ventes. Les temps sont difficiles.
Entre deux averses, Monet va faire un tour dans son jardin de Vétheuil et cueille de pleines brassées des grandes fleurs que celui-ci lui offre en septembre-octobre. Il peint des dahlias, des mauves, des asters, des chrysanthèmes. Et des topinambours.
C'est du moins le nom que porte cette toile, Fleurs de topinambours.
Qui l'a baptisée ainsi, Monet ou un marchand ? Sans aucun doute ce sont des hélianthes, un genre qui regroupe des dizaines d'espèces, mais s'agit-il vraiment de topinambours, alias helianthus tuberosus, les hélianthes cultivées pour leurs tubercules ? Si c'est le cas, alors les topinambours étaient beaucoup plus florifères qu'aujourd'hui.
Je sens que la question vous laisse de marbre. Elle m'importe, car je vous parle d'expérience. Séduite par ce tableau, je me suis mis en tête de cultiver des topinambours l'an dernier dans un coin de mon jardin.
Le topinambour revient timidement sur le devant de la scène culinaire. Soixante-dix ans après la guerre, il a toujours une réputation sulfureuse qui lui colle à la peau, en compagnie de son âme damnée le rutabaga.
Si vous en avez goûté récemment, vous savez que c'est délicieux, un goût qui fait plus que rappeler l'artichaut, qui est exactement semblable au fond d'artichaut le plus délicat. Évidemment, il faut aimer. Et surtout consommer avec modération.
On se lasse vite de certains légumes, c'est peut-être ce qui a causé tant de tort au malheureux topinambour. Non rationné pendant l'Occupation, il revenait trop souvent au menu. En trop grande quantité.
Bien décidée à faire fi de ces préjugés d'un autre âge, au printemps j'ai mis en terre six pieds de topinambours.
J'ai vu les tiges poindre, s'étoffer, grandir, se hisser, se hausser, se hâter de s'élever à n'en plus finir. Quatre mètres, quatre mètres cinquante. Une prouesse technique, un exploit, un numéro de cirque qui méritait des applaudissements, qui faisait s'arrêter les passants. Mais de fleurs, point.
L'automne vint, et tout en haut d'une tige interminable, une corolle timide s'ouvrit. Je retenais mon souffle, espérant toujours un bouquet de soleils en plein ciel.
Il n'y eut pas d'autre fleur. Les feuilles fanèrent et noircirent. Sous les tiges desséchées, un coup de bêche révéla d'étonnants tubercules en forme de fleurs, à la peau rose et ridée.
Les six pieds ont donné des kilos et des kilos de topinambours. C'est donc pour cela qu'on en mange toujours trop ! J'en ai distribué à tout le monde, y compris au livreur de machine à laver. Mais pas deux fois, il ne faut pas abuser des bonnes choses quand il y a du météorisme dans l'air.
Cette année, si les topinambours veulent bien éviter de repousser spontanément, je planterai des hélianthes.

Fleurs mauves

Grande Allée du jardin de Monet, GivernyDe belles vivaces mauves forment la parure d’été de l’allée centrale du jardin de Monet.
Les plus hautes, les salicaires, aiment en général le bord de l’eau. Devant elles, les lychnis ou coquelourdes explosent de petites fleurs d’un rose intense qui contraste avec leur feuillage d’un gris duveteux. Au ras du sol, les capucines, ces jolies annuelles à feuilles rondes et fleurs orange, ont pris le départ de leur cent mètres à l’assaut des graviers.
Du temps de Monet, l’allée centrale de son jardin n’avait pas tout à fait l’aspect qu’on lui connaît aujourd’hui. Outre la présence de cyprès et d’épicéas de chaque côté, source de bien des disputes conjugales, on pouvait y voir aussi une large bordure formée d’iris. Seul l’intérieur de l’allée, juste sous les arbres, présentait des touffes de fleurs rose pâle.
Tous les visiteurs de Giverny peuvent s’en rendre compte cette année, s’ils vont voir l’exposition Monet au musée des Impressionnismes Giverny. Une des toiles, le jardin de l’artiste à Giverny représente la grande allée, et l’on y distingue très bien cette masse de différentes variétés d’iris.
L’effet était splendide. Alors, pourquoi ne pas avoir refait cette bordure à l’identique ?
Le jardin de Monet, les iris, Claude Monet, 1900, Paris, musée d'Orsay, huile sur toile 81x 92 cm C’est un regret qu’on a surtout à l’époque de la floraison des iris, au mois de mai. Car en ce moment où ils sont défleuris, revenus à la forme d’un poireau et en train d’être taillés courts, l’explication paraît évidente. Vous imaginez la grande allée bordée de moignons d’iris pendant tout l’été ?
Monet, qui était seul à profiter de son jardin et libre d’installer son chevalet où il voulait, pouvait se permettre un aspect rebutant par-ci par-là, ce qu’il vaut mieux éviter pour le public.
Aujourd’hui, on privilégie l’esprit plutôt que la lettre. La place dévolue aux iris a donc été réduite. Monet semble d’ailleurs avoir fait évoluer son jardin de la même façon. Dans des toiles ultérieures, on voit les vivaces mauves prendre beaucoup plus d’importance à l’ombre des épicéas.

Le jardin de Monet, les iris
Claude Monet, 1900, Paris musée d’Orsay, huile sur toile 81x 92 cm


Hémérocalles

Les Hémérocalles, Claude Monet, Musée Marmottan-Monet, Paris. Vers 1914-1917. Huile sur toile, 150x140cm

Les Hémérocalles, Claude Monet, Musée Marmottan-Monet, Paris. Vers 1914-1917. Huile sur toile, 150x140cm Les toiles tardives de Claude Monet conservées au musée Marmottan à Paris n’étaient pas destinées à être vendues.
Monet les a peintes pour se faire plaisir, si l’on peut dire, ou plutôt pour répondre à cette passion de la peinture qui l’animait depuis toujours.
Quand Monet s’enthousiasme, c’est une urgence de peindre qui lui fait saisir ses brosses et écraser les tubes de couleurs sur la palette.
On retrouve quelque chose de cet élan créateur dans les Hémérocalles, une toile d’assez grandes dimensions exécutée pendant la Première Guerre Mondiale. C’est une époque où Monet s’enferme dans son grand atelier et peint avec acharnement malgré le poids des ans, pour tâcher d’oublier l’angoisse de la guerre.
La composition des Hémérocalles est d’une grande simplicité. Une touffe d’hemerocallis orange se détache au bord du bassin, dont la rive parcourt le tableau en oblique, découpant deux zones de couleurs différentes. Pas de perspective, de point de fuite, juste un effet de plongée indiquant que les fleurs sont en contrebas du spectateur.
Hémérocalles à Giverny Toute la force du tableau vient de l’extraordinaire vigueur qui le parcourt. Les fleurs d’hémérocalles ne sont pas, comme au naturel, sagement découpées sur l’arrière-plan. Elles jaillissent en éruption volcanique, taches incandescentes projetées au-dessus de la masse des feuilles. Des feuilles qui semblent douées de vie, prêtes à sortir du cadre pour venir danser sur le parquet du Musée des Impressionnismes Giverny, où la toile est exposée jusqu’au 15 août.
Tout tourbillonne, des coups de pinceau bleus s’enroulent sur l’or du bassin. De quoi s’agit-il, de reflets du ciel, du vent ? Ou juste de la matérialisation de l’incroyable énergie de celui qui se voit comme un vieillard aux forces faiblissantes ?

Agapanthe

Agapanthe et rosesAimez-vous les agapanthes ? C’est la question que je ne peux m’empêcher de poser ces temps-ci à tous les visiteurs que je guide dans les jardins de Monet, histoire de leur rappeler discrètement le nom de la fleur et d’attirer leur attention sur ce massif spectaculaire.
En ce moment les agapanthes du jardin d’eau sont magnifiques. Leurs têtes bleues s’élèvent haut, à plus d’un mètre du sol, mais loin d’être altières elles se penchent pour faire la causette aux roses.
L’harmonie entre ce bleu et ce rose d’une égale douceur est à tomber par terre.
L’agapanthe sous nos climats n’est pas une fleur banale. Elle a quelque chose de sophistiqué qui fait qu’on la remarque, avec sa façon de monter monter pour finir par exploser en un petit feu d’artifice. Oh la belle bleue !
Claude Monet, Nymphéas et agapanthes, 1914-1917, 140x120cm, musée Marmottan, ParisSi l’agapanthe joue les stars chez nous, il n’en va pas ainsi partout. Chaque fois que j’ai des clients australiens ou néo-zélandais, ils me le confirment : là-bas les agapanthes poussent comme du chiendent. « On les considère comme des mauvaises herbes ! »
Elles envahissent les talus, les bords de route, les terrains les plus ingrats. L’agapanthe est la valériane des terres australes, semble-t-il.
Je me demande quel effet cela doit faire de se balader de l’autre côté de la planète, et qu’on vous montre fièrement, disons, un massif de pissenlits ?

Claude Monet, Nymphéas et agapanthes, 1914-1917, 140 x 120 cm, musée Marmottan, Paris

Fritillaire

Fritillaire, Fondation MonetC’est l’une des plus belles plantes à bulbe actuellement en floraison dans les jardins de Claude Monet à Giverny. Tout en haut d’une tige interminable qui peut atteindre soixante centimètres, une couronne de clochettes est accrochée sous une touffe de fines feuilles en bataille. Ces campaniles hirsutes se nomment des fritillaires.
Chez Monet les fritillaires sont associées à toutes sortes de fleurs jaunes, des tulipes couleur citron, des jacinthes d’un jaune crémeux, des pensées, des giroflées…
Il paraît que les fritillaires se ressèment toutes seules quand elles se plaisent dans un jardin, mais le plus souvent elles tirent leur révérence au bout de quelques années, et il ne reste plus qu’à racheter des bulbes. On peut en profiter pour essayer une autre couleur, selon que l’on a déjà goûté du jaune bouton d’or ou de l’orange fumé.
Fritillaires dans un vase en cuivre, Vincent van GoghLes fritillaires ont quelque chose de rare et de spectaculaire qui étonne. Pourquoi sont-elles si peu connues du grand public ? Elles ne sont pas une découverte récente des horticulteurs. Voilà bien longtemps qu’elles ont été introduites de Turquie.
Vincent van Gogh déjà leur a consacré un tableau, Fritillaires dans un vase en cuivre daté de 1886.
D’un vase rayonnant comme un soleil, un bouquet de fritillaires semble jaillir. Les corolles orangées se détachent sur le fond moucheté de petits points bleus, la couleur complémentaire.

Poinsettia

poinsettias, aquarelle de Joan O'ByrneS’il est une plante fleurie qui accompagne traditionnellement les fêtes de Noël, c’est bien le poinsettia. Avec ses bractées rouges en forme d’étoile, il est tout indiqué pour cette période de l’année.
Dans son milieu naturel, au Mexique, le poinsettia atteint les trois mètres de haut. Les spécimens que nous trouvons chez les fleuristes sont des sortes de bonsaïs, des plantes sélectionnées pour leur caractère nain.
On peut espérer jusqu’à quatre mois de floraison si la plante se plaît, c’est-à-dire si elle a assez de lumière, pas trop d’eau, une température constante et pas de courant d’air. Mais il est difficile de faire refleurir un poinsettia, qui réclame pour cela des nuits vraiment noires, et à moins d’être très motivé, il faut se résoudre à en changer tous les ans. Cela permet de varier les couleurs, qui vont du rouge au crème et au rosé.
Le jardin botanique de Montréal propose un site entier consacré au poinsettia, où l’on apprend que le nom de la plante vient de celui de l’ambassadeur des États-Unis, le Dr. Joel Roberts Poinsett, dans la nouvelle République du Mexique, en 1825. Collectionneur de plantes, il a fait connaître celle-ci aux Etats-Unis. Au départ, elle perdait toutes ses feuilles vertes au moment de la floraison, mais elle a été améliorée depuis. Toutefois, dans les conditions extrêmes des appartements contemporains, il n’est pas impossible de renouer avec cette caractéristique historique…

Chrysanthèmes

Chrysanthèmes, Claude Monet, 1897, collection particulièreUn massif de fleurs vu presque à la verticale, sans référence à ses limites : on a l’impression que le tableau Chrysanthèmes de Monet n’a ni haut ni bas.
Monet s’est attaché à rendre la vibration lumineuse des fleurs sans rechercher la netteté des formes.
Ce tableau s’éloigne de l’aspect figuratif et annonce l’abstraction.
Les grosses têtes colorées des chrysanthèmes sont prétexte à représenter des masses de couleurs chaudes, jaunes, blanc-rosé, rouges, tranchant sur un fond froid vert-bleu.
Elles semblent flotter à la surface de ce bleu, préfigurant les Nymphéas à la surface du bassin.
A l’automne 1897, ou peut-être dès 1896, Monet peint quatre toiles de belle taille (celle-ci mesure 79×119 cm) sur ce même motif de massif de chrysanthèmes. Les premiers Nymphéas datent aussi de 1897, ils sont catalogués juste après.

Les Tournesols de van Gogh et de Monet

Les Tournesols, Vincent van Gogh 1888, Munich, Neue Pinakothek

« Gauguin me disait l’autre jour qu’il avait vu de Claude Monet un tableau de tournesols dans un grand vase japonais très beau, mais – il aime mieux les miens. Je ne suis pas de cet avis. »

Cette confidence poignante, Vincent Van Gogh la fait à son frère Théo. On est saisi par l’extrême modestie et le doute qu’elle exprime. Van Gogh avait-il vu le Bouquet de soleils dans un vase peint sept ans plus tôt par Monet ? Ou n’est-il « pas de cet avis » simplement parce qu’il admire Monet et qu’il n’est pas satisfait de sa propre peinture ?
On aimerait savoir ce que Monet pensait des Tournesols de van Gogh, s’il les connaissait, et des siens. Etait-il lui aussi plein de doutes, comme c’était souvent le cas ?

Coïncidence étonnante : deux peintres géniaux choisissent par hasard le même sujet de nature morte, un bouquet de tournesols dans un vase.
D’emblée, ils sont confrontés à la même difficulté bien connue des maîtresses de maison : trouver un grand vase. Van Gogh opte pour une poterie rustique vernie dans le même ton jaune que la couleur des fleurs. Monet choisit un vase de couleur complémentaire, en porcelaine bleue.
Nos peintres préparent maintenant leur bouquet. Les fleurs sont difficiles à arranger. Chez van Gogh comme chez Monet, elles ont l’air de n’en faire qu’à leur tête, surgissant dans tous les sens, à toutes les hauteurs.
Et puis les deux artistes préparent leur palette, leurs brosses, et se lancent, chacun avec son style propre. Van Gogh se passionne pour son sujet, qu’il traite de nombreuses fois, en série. Ce seront des chefs-d’oeuvre. Monet abandonne le motif du bouquet de soleils après ce tableau, qui ne marquera pas la postérité.
Tout comme van Gogh, Claude Monet aimait beaucoup les tournesols, fleurs géantes d’un jaune éclatant. On se souvient de l’escalier à travers les soleils dans Le Jardin de l’artiste à Vétheuil, au millieu desquels son fils paraît encore plus petit.
Monet a des tournesols plein son jardin, le choix de ce motif de bouquet, peint peut-être un jour de pluie, n’a rien d’étonnant.
Bouquet de soleils Claude MONET 1881 Metropolitan Museum of Art, New York Des tournesols épanouis, Monet fait des zones vibrantes, des capteurs solaires. Touche douce et caressante, fond travaillé de rose, de mauve, de violet : malgré les couleurs vives des fleurs jaunes, des feuilles vertes, de la nappe rouge, l’ensemble exhale une beauté comme féminine. C’est le côté yin des tournesols, qui s’exprime dans un tableau à l’ambition avant tout décorative.
La comparaison avec Douze Tournesols dans un vase de van Gogh (Munich) révèle le côté yang du sujet. La vigueur du dessin, les contours nets, expriment la force. Le nombre réduit de couleurs crée une harmonie chromatique et fait ressortir les fleurs sur le fond bleu pâle. Mais derrière cette harmonie de la couleur, le tableau offre tout autre chose que l’aimable bouquet de fleurs de Monet.
Des têtes échevelées et barbues, un oeil, une bouche, des coeurs : les Tournesols de van Gogh interpellent le spectateur comme des représentations humaines.
Le peintre a composé son bouquet avec des fleurs à tous les stades de leur évolution : en bouton, épanouie, fânée, en graines… Chacun peut y voir une image de la vie qui passe, et c’est sans doute ce qui nous touche dans ce tableau, et peut-être nous met un peu mal à l’aise. Vincent pousse un cri de révolte face à la condition humaine, Monet veut oublier le temps qui s’écoule.

Clématites

Clématites Des clématites blanches qui semblent courir sur le sol : voici l’un des deux tableaux de clématites peints par Claude Monet en 1887. Les fleurs occupent presque toute la toile. Certaines sont coupées par les bords du tableau, dans un cadrage de style photographique. Le sujet est traité davantage en paysage qu’en nature morte.
De grandes dimensions (65 x 100 cm), cette oeuvre fait partie de la très importante collection de la galerie Wildenstein, (du nom du biographe de Monet, Daniel Wildenstein) qui compte plus de 200 tableaux de Monet. C’est plus que n’importe quel musée, mais beaucoup moins que la collection Durand-Ruel, qui rassemblait à elle seule près de la moitié des Monet du monde entier. On peut juger par là de l’énorme soutien que son marchand a apporté à Claude Monet, achetant beaucoup plus de toiles qu’il ne pouvait en écouler.

Iris jaunes

Les iris jaunes fleurissent au bord du bassin aux nymphéas du jardin de Monet. Aujourd’hui, ce sont des fleurs cultivées. Mais du temps de Monet, les iris jaunes sauvages abondaient dans les marais de Giverny.
En 1887, Monet a peint trois tableaux représentant le même sujet, une prairie humide couverte d’iris : Champ d’iris jaunes à Giverny (w1137), Champ d’iris à Giverny (w1138) et Champ d’iris au matin (w1139). La floraison printanière des iris a très certainement contribué à l’ensorcellement que Giverny a exercé sur le peintre dès son arrivée.
Pendant la Première Guerre Mondiale, Monet a repris ce sujet ancien, mais cette fois dans son jardin d’eau. Toute une série d’études mettent les iris en scène. Trois portent le même titre : Iris jaunes (w1824, w1826 ci-dessous, w1834).
Monet sans doute déjà atteint des premiers symptômes de la cataracte assouplit toutes les lignes droites en une série d’étonnantes flammes vertes. Les Iris jaunes au nuage rose (w1835) ne sont pas moins surprenants, avec leurs formes tourmentées et leur jaune vif qui se détache sur un fond rose et mauve. Le dessin et les couleurs osées font penser à van Gogh.
Les iris jaunes ont aussi séduit des artistes de la colonie américaine de Giverny, à commencer par Breck, le soupirant de Blanche Hoschedé. Il a peint en 1888 Fleur-de-Lis jaune, qui représente en gros plan une touffe d’iris, dans un style proche de l’impressionnisme. Le titre n’est pas une confusion botanique d’anglophone, mais tout au contraire la marque de la culture de Breck, qui savait que l’iris jaune a servi de modèle au lys de France, symbole de la royauté.
iris jaunesyellow irises

Monet et les tulipes

trois pots de tulipes, Claude Monet, 1885, collection particulièreDepuis quelques jours les tulipes sont en pleine floraison à Giverny. C’est une fleur que Monet aimait beaucoup, propre aux effets de couleurs.
En Hollande, Monet a planté son chevalet devant les champs de tulipes en fleur. Les bandes rouges, blanches, jaunes, fuient jusqu’à l’horizon dans ses tableaux de 1886. Mais quand il peint « trois pots de tulipes » en 1885 (collection particulière), il n’a pas encore vu les Pays Bas au printemps. Il n’a pas encore transformé radicalement son verger normand en un jardin croulant de fleurs. Il cultive des tulipes en pot, peut-être pour les forcer. Ou peut-être simplement pour avoir un sujet sous la main les jours de pluie.
Les tulipes de Monet ont des grâces féminines. Elles prennent la pose, leurs feuilles dressées comme des bras. Celle du milieu a une tête ébouriffée de rousse. Les deux de gauche ont l’air de se chuchoter quelque chose à l’oreille. De quelles variétés peut-il bien s’agir ?
La floriculture a fait de tels progrès que les tulipes telles qu’elles existaient à l’époque de Monet ont presque disparu. Il y a deux ans, les bulbiculteurs hollandais ont fait un précieux cadeau à la Fondation Monet. Ils ont offert au musée de Giverny quelques bulbes de tulipes anciennes. Pour les mettre en valeur, ces raretés sont cultivées en pot, près de la maison du maître.

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Ariane.

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