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Comme du temps de Monet

Devant la maison de Claude Monet, le printemps est marqué par un tapis de myosotis bleus piqués de tulipes roses, auxquels succèdent des pélargoniums rouges et roses. La transformation s’opère en une paire d’heures à la mi-mai. Pour être aussi rondement menée et ne pas impacter la fréquentation de la maison, elle requiert la participation de toute l’équipe de jardiniers.

C’est l’endroit du jardin qui se rapproche le plus de son aspect à l’époque de Monet. Selon le témoignage de Gilbert Vahé, chef-jardinier de la restauration du jardin, l’indication concernant les tulipes roses et les myosotis lui a été donnée par M. Vilmorin lui-même, qui avait rencontré Claude Monet.

Quant à la plantation des pélargoniums, elle est connue par plusieurs photos, dont certaines en couleurs.

L’art de rater un bouquet

Avez-vous déjà essayé de faire un gros bouquet d’asters ? Cette vivace d’automne si florifère est une invitation à rapporter un peu du jardin à l’intérieur de la maison.
Claude Monet s’est laissé tenter en 1880, alors qu’il était installé à Vétheuil avec sa famille et qu’ils peinaient à joindre les deux bouts. Son marchand Durand-Ruel l’a incité à peindre quelques bouquets de fleurs, des sujets faciles à vendre.


Claude Monet, Asters, 1880 collection particulière. 83 x 68 cm

Voici le lumineux tableau exécuté par l’artiste alors âgé de 40 ans, en pleine possession de son art cent pour cent impressionniste. Les pétales vibrent, le bois luit, le vase à décor chinois est en harmonie avec les couleurs des fleurs.

A ce propos, quelles sont ces couleurs ? Difficile d’en juger sans voir l’oeuvre en vrai. Je penche pour du mauve pâle et du blanc nacré, les coeurs des asters étant jaunes, d’abord clair puis de plus en plus foncé, tirant sur l’orange, à mesure que les jours passent.

Avec Claire-Hélène Marron, jardinière de la Fondation Monet en charge de fleurir la maison du peintre, nous nous sommes mis en tête de refaire le bouquet du tableau. A priori, cela avait l’air simple comme bonjour. Nous avons parcouru les massifs à la recherche de belles tiges d’asters des bonnes couleurs et les avons disposées dans un vase. De grandes tiges au fond, des petites sur le devant pour obtenir cette jolie masse fleurie.

Voici le bouquet en marche vers la maison. Cette photo n’est pas moins ratée que le bouquet (manque de lumière au petit matin, vitesse d’obturation trop lente), mais je l’aime bien quand même pour son mouvement très impressionniste, je trouve.

Pendant que Claire-Hélène ouvrait la porte, le bouquet est resté sur le banc. Et là, on voit déjà qu’il y a quelque chose qui ne va pas.

Les fleurs d’aster se tournent vers la lumière au moment où elles s’ouvrent, puis restent figées dans cette position, toutes orientées dans le même sens. Résultat, il est bien difficile de faire regarder toutes les fleurs de toutes les tiges du même côté, comme sur le tableau de Monet.

Les nôtres se tordent et nous montrent leur profil, leur dessous plus vert que mauve. Cela ne ressemble à rien, et sûrement pas au tableau. Comment Monet s’y est-il pris ? Ses asters avaient-ils les mêmes fâcheuses manies que ceux-ci ?

Dans les glycines

La glycine le 4 mai 2023, toujours aussi vigoureuse que lorsque Monet l’a plantée.

... et la glycine le 9 mai 2023. La partie de gauche plus à l’ombre est en fleurs, les deux glycines à inflorescences longues, plus tardives et plus récemment plantées, commencent à s’épanouir.

Victoire ! Voilà plusieurs années que les glycines recouvrant le pont japonais n’avaient été aussi belles, aussi généreusement fleuries. Un gel tardif avait à chaque fois raison des bourgeons naissants au début du mois d’avril, ruinant la floraison. Si bien que les jardiniers de Giverny ont pris des mesures radicales :

L’hiver dernier, un brumisateur a été installé au-dessus du pont. Dès que la température frôle le zéro, le système se déclenche et vaporise de fines gouttelettes d’eau sur la glycine. Elles gèlent et enrobent les bourgeons d’une gangue de glace qui les protège. Cela paraît contre-intuitif, mais ça marche.

Cette fine couche de glace fond aux premiers rayons du soleil. Début avril, j’ai eu à peine le temps d’apercevoir la glycine gelée.

Voici l’aspect beaucoup moins spectaculaire qu’avaient les glycines le 11 mai 2022, avant l’installation du système de brumisation.

Novembre à Giverny

L’effet est aussi brutal que le passage à l’heure d’hiver, qui nous fait changer de saison en une nuit. Il n’aura fallu que trois jours aux jardiniers de la fondation Claude Monet pour métamorphoser la grande allée. Comme chaque année, depuis que le dernier visiteur est parti, tout va très vite dans les jardins de Giverny. Les capucines ont été arrachées, les dahlias retirés du sol et mis en caisse, les asters coupés à ras, le terrain bêché… Le tracteur trône au milieu du chemin, prêt à emporter la remorque de déchets verts au compost. Les échelles dressées indiquent que la taille des rosiers est en cours.

Le système d’arrosage a été retiré, vidangé et sera bientôt stocké. Ses dizaines de petits asperseurs évoquent une guirlande de Noël qui n’attend plus que d’illuminer la nuit.

L’équipe est maintenant dans les massifs le long de la route. La façon de procéder est immuable, rodée par des années de pratique. Les fleurs exubérantes cèdent peu à peu la place à la terre nue. Novembre est le mois qui demande le plus d’effort physique aux jardiniers. « Les deux premiers jours c’est dur, après le corps s’habitue », banalise l’un d’entre eux.

Il est tombé une pluie fine tout le dimanche, mais le temps s’est vite remis au sec. De la douceur encore, 18 degrés l’après-midi. Il faut faire vite, vite, comme toujours, car on ne sait pas de quoi l’hiver sera fait.

Les carrés de pelouse ont retrouvé un vert qu’ils n’avaient plus cet été. Les dernières colchiques s’y pavanent pour personne. Le pommier du Japon croule sous des centaines de petits fruits rouges que nul n’admire.

Certains massifs offrent toujours leur aspect de jungle si déroutant, mêlant sauges et cestrum, ricin et hibiscus, lavatères et persicaires. Mais l’éclat, inexorablement, s’en va.

La question flotte dans l’air : aurait-on pu rester ouvert un peu plus, par exemple jusqu’à la fin des vacances d’automne ? Laisser voir jusqu’au bout ce jardin qui s’essouffle, maintenu en vie par la tiédeur du temps ? Economiquement, sans doute que non, car l’ouverture demande l’emploi d’un personnel nombreux. Mais c’est toujours un peu triste d’arracher des plantes qui fleurissent encore. Dans nos jardins, nous aimons les laisser debout jusqu’au dernier pétale.

Les erreurs de livraison

Devant la maison de Monet à Giverny le 1er mai 2019

Même aujourd’hui, à l’heure de la traçabilité et des codes-barres, les livraisons de végétaux récèlent encore parfois des surprises. Ce n’est pas fréquent, peut-être une fois sur mille. « Vous ne vous étonnerez pas de voir des tulipes rouges près de l’entrée de la maison, » me dit Rémi Lecoutre, chef-jardinier adjoint de Giverny. « On en avait commandé des roses, pour aller avec la teinte des murs, mais celles que le fournisseur nous a envoyées sont rouges. »

Le dépit des jardiniers de ne pas avoir reçu ce qu’ils attendaient a été de courte durée. « C’est un très beau rouge », estime Rémi Lecoutre. « Le problème, c’est que si on voulait en avoir pour recréer cette scène l’année prochaine, on ne sait pas quoi commander, puisqu’on ne connaît pas son nom. » Telle une espionne, la somptueuse tulipe d’un rouge profond a voyagé avec de faux papiers.

Il se raconte que Monet lui-même a composé avec une erreur de livraison. Ses capucines rampantes qui tapissent la grande allée et la transforment en rivière de fleurs auraient dû être des capucines naines. C’est la marque d’un jardinier averti de savoir évaluer l’effet produit de façon fortuite.

Quoi de neuf à Giverny ?

ru-giverny

Le compte à rebours est lancé pour les jardiniers, le personnel de la boutique et pour de nombreuses personnes en lien avec le tourisme dans la région : la Fondation Monet rouvrira ses portes vendredi prochain, le 25 mars 2016, pour le week-end de Pâques.

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Un automne tout doux

Giverny, massif de pensées et merle

De mémoire de merle, on n’avait jamais vu ça. Tout le clos normand est déjà replanté à Giverny. En un mois, grâce à une météo très douce et sèche, les jardiniers ont fini de dépouiller les massifs des fleurs de l’année 2015. Puis ils ont préparé le sol et mis en terre les bulbes et les bisannuelles pour 2016.

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Ombrière

OmbrièreL’ombrière, c’est l’endroit protégé des ardeurs du soleil où les jardiniers de Giverny habituent les plantes élevées en serre à la vie au grand air. Un sas, en quelque sorte, avant d’être plantées dans les bordures du jardin de Monet.
C’est fin octobre, date de cette photo, que l’ombrière est la plus spectaculaire, avec ses milliers de pensées rangées par variétés et couleurs. Quelques jours plus tard, le jardin ferme, les massifs sont dépouillés de leurs attraits, non point par l’hiver mais par les mains des jardiniers, et la plantation en vue du printemps commence.
Le début du printemps est marqué par la floraison des plantes à bulbes, qui ont des réserves plein leur oignon et peuvent de ce fait surgir très vite hors de terre, et celle des bisannuelles.
Les bisannuelles sont des futées, des prudentes, des spéculatives, qui ont commencé leur croissance l’année précédente. A partir de la graine, s’est développé un plant pendant l’été et l’automne, tout prêt à fleurir une fois l’hiver passé, et qui donnera à son tour des graines à la belle saison. C’est une des formes de l’adaptation aux saisons, réservée à des plantes robustes dont les feuilles résistent aux gelées, comme les pensées, pâquerettes, giroflées et myosotis.
L’autre solution pour les plantes qui ne sont pas des tortues, c’est d’être des lièvres. Les annuelles sont aussi des végétaux qui se multiplient par la graine. La semence tombe à terre, et laisse passer le froid de l’hiver sans broncher avant de se réveiller quand le sol se réchauffe. Et là, vite vite ! On pousse, on fleurit, on fait la graine, on meurt, en l’espace d’une saison. Le démarrage des plantes en serre peut faire décaler leur calendrier intime de quelques semaines, mais les grandes règles demeurent.
Ce seront les annuelles qui viendront faire un petit séjour dans l’ombrière à la fin du printemps, histoire de s’habituer à la température du grand bain.

Oeil-de-boeuf

Oeil-de-boeuf

Avez-vous deviné d’où cette photo est prise ?
C’est la vue qu’offre l’oeil-de-boeuf situé sur le fronton de la maison de Monet.
J’aime bien les oeils-de-boeuf, même si ça sonne un peu bizarre. Les yeux-de-boeufs, comme j’ai entendu une archi le dire, est plus joli, mais c’est pas nous qu’on décide.
Chez Monet, la question du pluriel ne se pose pas. Il n’y a qu’un seul oculus sur la façade, en plein centre et tout en haut, comme un point sur un i. Rappelons-le, ce n’est pas le peintre qui avait adopté cette disposition, puisque la partie centrale de la maison est celle qui était déjà bâtie à son installation à Giverny.
Pour approcher de l’oeil-de-boeuf, il faut se glisser dans un réduit bas de plafond. C’est, à cet étage, le seul endroit d’où l’on aperçoit le jardin, et on ne peut s’empêcher d’évoquer les garçons qui logeaient à ce niveau à l’arrivée de la famille à Giverny. Jean-Pierre, Michel, Jean et Jacques ont sûrement eu beaucoup d’imagination pour tirer parti de la disposition des lieux pour le jeu et la rêverie.

Fascine

Fascines à GivernyLa technique des fascines a quelque chose de fascinant, comme on peut s’en rendre compte sur la page du site de l’N7 consacrée à la restauration végétalisée des berges d’un cours d’eau. J’ai été un peu surprise de voir cette école d’ingénieurs de Toulouse s’intéresser à la question, avant de me souvenir que le H d’ENSEEIHT signifie hydraulique.
A Giverny, on est beaucoup aux prises avec l’hydraulique, que ce soit du côté du Ru ou du côté du bassin aux nymphéas, dont l’équilibre subtil tourne parfois au casse-tête. Chaque année, une portion des fascines qui retiennent les berges du ruisseau est renouvelée. Ce travail se fait plutôt l’été quand il fait chaud car c’est déjà bien assez pénible comme ça.
Debout dans l’eau courante, les jardiniers changent les pieux et les entrelacs de branches de châtaignier mis en place le long des rives. Derrière, un géotextile empêche la terre de glisser entre les branches. On peut ainsi planter le long de l’eau, et les racines des plantes servent elles-mêmes à contenir la terre.
La tendance d’un cours d’eau, m’a expliqué l’un des jardiniers, est de grignoter les berges qui s’effondrent et viennent combler partiellement le fond. Le ruisseau s’étale et perd en profondeur ainsi qu’en courant.
Pour conserver au Ru de Monet sa taille initiale et la force de son courant, il faut le canaliser. La technique des fascines est esthétique et naturelle, elle n’a même pas l’air (hélas !) de gêner les rats musqués qui nichent dans les berges. Mais les changements du niveau de l’eau accélèrent la dégradation des bois, ceux-ci ne résistent que quelques années seulement.

Giverny déchaîné

Le clos normand en hiver, Giverny Pour travailler plus facilement, les jardiniers de Giverny ont enlevé les chaînes et les piquets qui protègent d’habitude les massifs des pas des visiteurs. Et il a suffi de cela pour qu’on bascule dans autre chose. C’est le jardin tel que Monet pouvait le voir, lui qui en était le presque unique usager.
Toutes les allées gravillonnées sont ouvertes, offertes au regard, invitantes. Elles débouchent sur les allées en dur comme des ruisseaux dans la rivière. Entre elles, les massifs renflés cachent encore les trésors de couleurs qu’ils distribueront généreusement dans quelques semaines.
Tout paraît planté déjà. Le clos et le jardin d’eau sont juste un peu moins au garde-à-vous qu’en saison, quand ils sont constamment ratissés, balayés, soufflés.
Ces tâches reviendront, mais pour le moment les jardiniers en ont d’autres à accomplir. Ils s’affairent dans un va-et-vient de brouettes emplies de branchages ou de mauvaises herbes.
Ici on ne mulche pas, par souci esthétique, et sur le sol nu les sauvageonnes auraient vite fait de proliférer. « Vous aimez désherber, Ariane ? » Me voilà accroupie dans la grande allée, à arracher la véronique avec une joie secrète. Oserais-je l’avouer ? C’est comme un vieux rêve, celui de broder quelques tout petits points dans la grande tapisserie du jardin.

Semis de capucines

Semis de capucines
Dans les châssis à côté de la serre, les jeunes pousses de capucines sont déjà prêtes à être plantées.
Il ne leur reste plus qu’à s’endurcir un peu avant d’aller prendre leur place de chaque côté de la grande allée.
Plusieurs variétés de capucines vont mêler leurs couleurs flamboyantes pour recouvrir toute la largeur de l’allée.

P.S. A peine eu le temps de poster ce billet, le lendemain les capucines étaient en terre !

Serres

Serres à Giverny Par la rue Hélène Pillon, on arrive aux serres de Giverny. Ce n’est pas loin de la maison de Monet, on aperçoit son toit d’ardoises à l’arrière-plan, juste devant les frondaisons ornementales du jardin d’eau, et celles, uniformes et démesurées, des peupliers.
C’est ici que tout commence, sous ces toitures de verre, dans cette atmosphère tiède et humide propice à la germination. Là que les graines insaisissables des pavots, les longues graines en amande des tournesols rejouent chaque année leur mystérieux numéro de prestidigitation. De ces concentrés d’ADN vont naître des tiges, des feuilles, des corolles, des étamines, des pistils déterminés, semblables et uniques.
Je ne sais pas si, quand on en fait lever autant chaque année, on reste aussi fasciné que le jardinier amateur qui assiste émerveillé à la naissance de ses salades ou de ses cosmos. Quatre-vingts pour cent des fleurs plantées dans les jardins de Monet ont d’abord été produites dans ces serres, soit quelque chose comme 100 000 à 150 000 godets.
Cela représente des palettes et des palettes d’annuelles et de bisannuelles, qui, dès qu’elles sont sur le point de s’épanouir, sont placées dans les massifs.
Ces serres modernes complètent celle qui se trouve dans le jardin lui-même, et qui est une restitution de celle du peintre.
Comme au théâtre, le public n’est pas admis dans les coulisses. On n’ira pas voir ce qui mijote en cuisine. Mais on s’imagine l’ampleur du lieu et la rigueur nécessaire. Rien que les commandes de graines, même si elles sont bien rodées depuis trente ans, doivent être un sacré casse-tête. Encore pire que la liste énigmatique des fournitures scolaires à trouver d’ici la rentrée.

Repiquage

Repiquage à GivernyLe jardinier a tombé la veste, il fait vite chaud dans le clos normand du jardin de Monet à Giverny, exposé plein sud. Il est occupé à repiquer des centaines de fleurs pour regarnir les massifs.
Les huit jardiniers de la Fondation Claude Monet ne chôment pas. Tout au long de la saison on peut les voir travailler dans le jardin du peintre.
Une de leurs tâches les plus importantes est de faire évoluer les plates-bandes. Dès que la période de floraison de certaines fleurs annuelles est passée, ils les arrachent et ils les remplacent par de jeunes plants sur le point de fleurir, tout juste sortis de la serre.
Grâce à ce travail colossal le spectacle est permanent tout au long de la saison, sans être jamais le même puisque la composition des parterres change avec le temps.

Cher lecteur, ces textes et ces photos ne sont pas libres de droits.
Merci de respecter mon travail en ne les copiant pas sans mon accord.
Ariane.

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