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Giverny aux mille couleurs

Giverny 23 avril
C’est le moment de l’année où le jardin de Monet à Giverny étincelle. Tout autour de soi, des massifs multicolores débordant de tulipes, de giroflées, de juliennes des dames, de pensées, qui restituent cette impression de marcher dans un tableau impressionniste voulue par le peintre.

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Giverny déjà très fleuri

Giverny déjà très fleuri

"Comment trouvez-vous le jardin ?" m'a demandé l'un des jardiniers de Giverny ce matin. J'adore cette question. S'ils vont à la pêche aux compliments chez moi, les jardiniers ne vont pas ramener du menu fretin. En fait, je n'ai même pas besoin qu'ils me la posent pour m'extasier. 

Et vous, comment trouvez-vous le jardin de Monet en ce début avril ? Bon, c'est vrai, la photo est bien en-dessous de la réalité.

Giverny cet après-midi

Giverny

Giverny avait un air de printemps aujourd'hui sous un soleil radieux et des températures très douces.

Magnolias et prunus sont déjà en fleurs, et les saules ne perdent pas une minute pour bourgeonner.

Dans les massifs, narcisses et pensées lancent le bal.

Les jardins de Monet rouvrent la semaine prochaine, le vendredi 24 mars. C'est la date la plus précoce jamais tentée, mais le pari est gagné. Grâce à la tiédeur de ces derniers jours, il y aura des fleurs dès l'ouverture.  

Impressions printanières

pelouse-fleurie , 

C’est le plus joli moment de l’année pour voir les pelouses du jardin de Monet, avant que les massifs ne leur volent la vedette. Le matin, la rosée fait scintiller le velours du gazon. Sur ce tapis de soie qu’on rêverait de fouler se dressent les silhouettes élancées des narcisses et des premières tulipes. Elégantes, apprêtées, elles ont l’air de débutantes hésitant à s’élancer sur la piste de danse pour leur premier bal.

Admirez au passage l’habileté du jardinier qui entretient cette pelouse avec une mini tondeuse en contournant les îlots de fleurs. 

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Confusion

Cerisier

Les températures ont enfin chuté, heureusement. Voici ce que le cerisier du Japon devant le 3e atelier de Monet était en train de faire à la faveur d'un automne trop doux, des fleurs alors même que ses feuilles d'automne n'avaient pas fini de tomber. Encore plus fort que ceux du parking.

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Place nette

Place nette

Depuis la fermeture de la Fondation Monet il y a dix jours, les jardiniers de Giverny s'emploient à faire place nette. Il ne reste déjà presque rien des massifs du clos normand. Les annuelles ont été arrachées, les vivaces taillées, et petit à petit toutes les plates-bandes sont bêchées, amendées au biopost, et prêtes à être replantées.

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Giverny début octobre

Giverny début octobre

Les mots me manquent pour décrire l’envoûtante beauté du jardin de Giverny en ce moment. La pluie de mi-septembre avait un peu terni son éclat. On s’imaginait déjà que c’était le début de la fin, l’adieu à la belle saison marqué par la rouille des feuilles et la chute des pétales. Et puis non. Il a suffi d’une semaine de soleil pour qu’un nouvel élan vienne ranimer les fleurs d’automne. Surgies de leurs boutons comme des diables de leurs boîtes, elles n’attendaient que ça. Et d’un coup de rayon, le jardin de Monet se pare de couleurs plus étincelantes que jamais.
Pour qui sait déambuler avec lenteur dans les allées, c’est un parcours très sensuel qui s’offre. Les fleurs devenues gigantesques s’épanouissent à hauteur des yeux, débordant des massifs jusqu’à frôler les visiteurs, tandis que des odeurs acides de feuillages et de terre mouillée se répandent. Les arbres fruitiers du jardin, pommiers et poiriers, exhibent leurs beaux fruits mûrs avec la fierté de jeunes mères promenant leurs enfants au parc. Je ne sais si certains se laissent tenter, mais c’est probable. Dans les allées ouvertes au public, tous les fruits ont disparu.

Un coup de projecteur

Giverny
A 9 heures, le soleil se lève enfin derrière l’imposante colline qui surplombe Giverny.
Le pinceau de son phare touche d’abord les arbres du bout du bassin, qu’il éclaire par en-dessous comme les feux de la rampe dans les tableaux de Degas.
Les feuillages qui sommeillaient dans des tons gris-verts se réveillent sous ce baiser.
Dans cette brève ivresse matinale ils s’illuminent des couleurs chaudes des vins, verts acidulés des frênes, rouge boisé des prunus.
A côté du petit pont, le grand gunnera s’avance sur la scène, dans des vapeurs dorées que le soleil fait naître.
Bientôt ce sera tout le jardin qui rayonnera dans la gloire du matin.

Comment les fleurs dorment

Asters à Giverny

C’est juste avant le lever du soleil qu’il fait le plus froid.
En ce moment, par temps clair, le thermomètre affiche un petit six degrés au point du jour à Giverny.
Tout comme les Nymphéas, beaucoup de fleurs se protègent en se refermant pendant la nuit.
Pas un seul aster qui ressemble à une petite étoile avant la douceur des premiers rayons.
Tout à l’heure, au grand jour, quand la dernière planète sera effacée du ciel, les corolles s’ouvriront enfin.
Les feuilles disparaîtront sous une myriade de petites fleurs laiteuses, comme un hommage végétal à la voie lactée.

Après la pluie

Nymphea jaune sur fond noir, Giverny
J’aime bien me promener dans le jardin de Monet après la pluie. Sous la pluie, même, si elle est douce et tiède comme ces derniers jours. Sinon, dès qu’elle s’arrête.
Les dernières gouttes font des ronds dans l’eau, ou glissent encore le long des feuilles et des branches, finissant de laver les végétaux tout luisants de propreté. L’air sent le frais. Les oiseaux se remettent à chanter.
Dans cette lumière douce d’après la pluie, quand les nuages se font moins épais, les couleurs brillent. Un rayon perce. Il fait plus doux soudain.
Après être resté fermé tout l’après-midi dans la fraîcheur de l’averse, le nymphéa hésite. Est-il raisonnable de se déployer maintenant, si près de l’heure du coucher ? Pour lui c’était un dimanche de paresse, toute une journée sans faire l’effort de s’habiller. Tant qu’à faire, autant rester en pyjama : des nuages ont déjà ravalé le soleil.
Ce mouvement lent des plantes me fascine. Une amie qui vit dans le désert m’a envoyé il y a quelques jours des images animées de la floraison des cactus, en accéléré. C’est une vraie danse que nous ne savons voir, car nous ne percevons que des images arrêtées de la transformation des plantes.
Je les regarde le long des allées, toutes ces fleurs de l’été, ces dahlias, ces rudbeckias dans leur époustouflante variété. De l’un à l’autre, selon leur degré d’épanouissement, on devine le mouvement en train de se faire. Tel pétale incurvé va s’ouvrir, à en juger par la fleur d’à côté, telle corolle dressée comme les mains au-dessus de la tête finira en jupon autour du coeur.
Et puis, il y a toutes ces dissemblances, comme autant de cadeaux. Regarde-nous ! disent les fleurs. Elles font les belles, après la pluie, elles se redressent pour être admirées. Regarde-nous !
J’obéis. Je les admire, je les compare. Tiens ! Celle-ci a un coeur marron. Celle-là est très double, quelle pile de pétales ! Et cette autre, toute simple et légère… Elles font les coquettes dans leurs robes qui tournoient.
Il n’y a plus de visiteurs dans le jardin mouillé. Les corolles des derniers parapluies ont disparu. Dans le calme revenu, la présence des végétaux se fait à nouveau perceptible, et elle me tourne un peu la tête.

Azalées

Azalées, Giverny

Dans le jardin d’eau de Claude Monet, la floraison des azalées, à cheval sur avril et mai, est un des moments les plus colorés de l’année. L’hiver dernier, les jardiniers ont créé de nouvelles zones de terre acide et planté plusieurs dizaines d’azalées supplémentaires, ainsi que des érables du Japon de différentes espèces. Le but : augmenter l’intérêt printanier du jardin d’eau et souligner son caractère japonisant.
Ces massifs nouveaux dévoilent leurs merveilles en ce moment pour la première fois, et les visiteurs découvrent de nouvelles harmonies de couleurs et de formes dans des endroits du jardin qui passaient un peu inaperçus jusque là. Le massif que voici se trouve à l’entrée du jardin d’eau, au débouché du passage souterrain sur la gauche, où il prend le relais des cornouillers plus précoces.
Les azalées jaunes que l’on voit à l’arrière-plan figurent parmi les fleurs les plus délicieusement parfumées que je connaisse. Celles-ci diffusent à distance, mais ailleurs elles poussent le long de l’allée, et je ne peux résister au bonheur d’y plonger le nez chaque fois que je passe à côté. Une vraie addiction.
Ah ! Le parfum ! C’est parfois ce que les visiteurs retiennent en priorité de leur visite, devant l’expérience visuelle ou auditive. Il est vrai que cette griserie de baigner dans les senteurs délicieuses des glycines ou des iris s’offre rarement aux citadins. Elle fait de la visite de Giverny, cet espace si coloré qui est avant tout conçu comme un lieu pour l’oeil, un moment intense pour les mal-voyants également.

Psst ! Les premiers nymphéas sont en fleurs depuis le 10 mai ! Des blancs surtout, j’en ai compté près d’une vingtaine aujourd’hui.

Evolution du jardin

Pont japonais de Giverny et spirée

Il y a des instants où la lumière offre un supplément d’âme aux choses. Ce matin à neuf heures, après la grande douche du lever du jour, le jardin de Monet étincelait. Un rayon de soleil tournait le coin des bambous, ébouriffait les grappes mauves de la glycine au-dessus du pont japonais et venait caresser la spirée tout juste fleurie. C’était léger comme un baiser sur la joue d’une mariée, tout ce blanc qui cascadait en voile, et la petite touche rouge des ancolies en guise de fard à lèvres.
A l’époque de Monet, il n’y avait là ni ancolies ni spirée. Monet affectionnait l’herbe autour du bassin, tout simplement. Face à l’opulence du jardin de fleurs, le jardin d’eau était dépouillé, sobre, et comparé à celui d’aujourd’hui, presque nu. Une pivoine par-ci par-là, un trépied à rosiers, quelques agapanthes et autres iris… Mais pas, ou si peu, d’arbustes, de massifs fleuris, de couleurs. Pas de masses végétales en dehors des branches des saules. Rien n’entravait le regard. La vue s’offrait dégagée sur le pont et sur les nymphéas, car Monet voulait les peindre.
Qu’on peigne ou que l’on photographie, il est bien difficile aujourd’hui de retrouver exactement les motifs de Monet depuis la berge. Car petit à petit une surenchère végétale s’est mise en place, dans une espèce de peur du vide. Que faire pour émerveiller les visiteurs, si difficiles à éblouir de nos jours ? Comment offrir un intérêt printanier au jardin d’eau, alors que les nymphéas sont des fleurs d’été ? Les jardiniers plantent. Le jardin d’eau déborde de merveilles.
En ce moment fleurissent les splendides azalées, les cornouillers, les glycines, les spirées, les premiers iris, les berbéris, les rhododendrons, tant d’autres encore, tout cela au-dessus de tapis de pensées, de giroflées, de myosotis, de tulipes multiples, de pétasites, de sceaux de Salomon… Et oui, j’en suis témoin à chaque pas dans le jardin, c’est un enchantement. Les visiteurs, et plus particulièrement les visiteuses ne cessent de le répéter, c’est beau, c’est beau…
Alors faut-il regretter les infidélités au jardin d’origine ? Je ne le crois pas. Tout jardin évolue, et même du vivant de Monet, il n’a cessé de changer. Le pont par exemple s’est vu doter d’une pergola de glycines. Ce n’est plus le jardin d’un homme mais de 600 000 personnes. L’évolution des conditions implique l’évolution des plantations.
Il faut planter pour le public, oui. Mais que souhaite le public ? Il a des désirs contradictoires. Etre ébloui de fleurs et reconnaître les motifs des tableaux qu’il a vus : des nymphéas, le pont en gros plan.
Ménager des vues tout en fleurissant les berges avec naturel et subtilité, c’est le défi que doivent relever les jardiniers d’aujourd’hui.

L’éveil

Giverny à Pâques
« C’est le plus beau jardin que j’ai vu de toute ma vie ». Voilà deux fois ces derniers jours que j’entends des visiteurs de Giverny prononcer cette même phrase. D’abord vendredi, suite à une découverte du jardin de Monet sous un ciel maussade qui éteignait tout reflet dans l’étang, et puis hier, dans la bouche de clients tout juste débarqués à Roissy, sans doute épuisés de leur voyage et en plein décalage horaire.
J’essaie de ne pas marquer ma surprise. J’ai très envie de questionner « qu’est-ce qui vous fait dire ça ? », mais je m’en abstiens par correction, et parce que je me doute qu’il est difficile de répondre.
Questionner, ce serait mettre en doute l’affirmation, que bien sûr je partage. Pour moi aussi, le jardin de Monet est le plus beau jardin que j’ai vu de toute ma vie. Mais tel qu’il est en ce moment même, vraiment, comment peut-on n’avoir jamais rien vu de plus éblouissant ? Il y a à peine de fleurs, très peu de feuilles aux arbres, et le temps a été exécrable toute la semaine dernière.
Et pourtant, en dépit de tout, la magie opère. Les féeries qui avaient envoûté Monet sont à l’oeuvre. Des profondeurs du bassin, les fées envoient leurs charmes sur les visiteurs. « Quel calme extraordinaire ! » disent-ils au milieu de l’affluence du week-end pascal. Et c’est vrai. On a envie de rester à regarder l’eau, happé par le jeu de la brise à sa surface.
Dans ces premiers jours du printemps, il émane du jardin qui s’éveille une joie profonde et communicative. Les pousses percent la terre, les boutons enflent et s’ouvrent, les oiseaux s’interpellent dans les ramures. Sans qu’on y prenne garde cette vitalité du renouveau nous gagne. On ne sait pas trop bien ce qu’on a, sauf qu’on se sent heureux d’être là. Je m’entends être particulièrement gaie et enthousiaste dans mon commentaire, et quand je demande aux visiteurs s’ils sentent la joie de la nature, ils m’assurent avec empressement que oui.
C’est le début avril, le temps des premières fleurs et des premières feuilles, et c’est dès maintenant, avant le grand spectacle et l’explosion des couleurs, c’est dans ce temps du commencement qu’il faut descendre au jardin pour s’y laisser envahir par l’allégresse de la terre.

Engrais

Giverny nympheas octobreOn ne parlait pas encore de jardinage biologique au début du 20e siècle. C’étaient les premiers temps des engrais chimiques, une époque où l’on n’imaginait même pas que des intrants puissent avoir un impact sur la santé. On pensait que pour faire pousser des plantes vigoureuses, il faut leur donner à boire par l’arrosage et à manger par les engrais. Ce n’est pas dénué de bon sens.
Certes, Claude Monet aurait pu faire du jardinage biologique à la façon dont Monsieur Jourdain faisait de la prose. Le peintre ne vivait-il pas dans un village où abondaient les engrais naturels de toutes espèces, à commencer par ceux issus de la vache, du cheval, des poules ou des pigeons ? Il est probable que Monet ne s’est pas privé de fumer son jardin. Mais il a aussi, une lettre l’atteste, fait usage de produits chimiques :

Extrait d’une lettre de Monet à son fils Jean, qui est chimiste à Déville-les-Rouen, 8 février 1902 :

Mon cher Jean,
je viens te demander si tu peux me procurer les différents engrais chimiques dont suit le détail. Si oui, tu seras bien aimable de me les faire adresser de suite par grande vitesse en gare de Vernon. Je t’en remercie d’avance et vous embrasse bien tendrement tous les deux.
Ton père,
Claude Monet

La liste est ci-contre :
100 kg de sulfate de fer pulvérisé
20 kg superphosphate minéral
4 kg sulfate de potasse
10 kg sang desséché

J’espère que tu pourras me procurer cela.

A première vue, j’ai l’impression que certains de ces produits sont acceptés en agriculture biologique, par exemple le sulfate de fer, et d’autres non. Si vous êtes plus compétent que moi dans ce domaine, je serai heureuse d’avoir des précisions.
Quant à la politique de la Fondation Monet aujourd’hui, si le jardin n’est pas tout à fait bio, l’ambition est de s’en rapprocher le plus possible.

Photo : Nymphéas dans le bassin de Monet, octobre. Les nénuphars sont très sensibles aux fertilisants véhiculés par les eaux.

Onde

Ondes concentriques à la surface du bassin de Monet

Un poisson a fait surface, ou une grenouille a plongé, ou quelque autre événement lié à ces êtres qui sont chez eux dans le bassin de Monet vient de se produire sans qu’on l’ait remarqué. Partout, sous son apparente immobilité, le jardin ne cesse de frémir et bruire, au gré des vies qui l’habitent. A lui tout seul, c’est un monde, petit pour nous, mais à l’échelle de ses hôtes.
Si j’étais un oiseau, je verrais que les ondes sont concentriques et dessinent des cercles à la surface. Mais depuis la berge, leurs rondes apparaissent elliptiques.
Au centre, là où s’est produit le choc initial, là où le miroir de l’eau a été brisé, il n’y a déjà plus rien. L’agitation s’éloigne, toujours plus loin. Comme dans l’actu.
Assis au bord de l’eau, on peut laisser les pensées flotter. Elles partent dans toutes les directions, portées par l’onde. Vers où vont les vôtres ?

L’ambre de novembre

Giverny en novembre

L’air sent les feuilles, les champignons et les premiers feux de bois.
Dans les jardins de Monet, une lumière atténuée enveloppe l’étang.
Les saules agitent des rameaux jaunes au dessus de l’eau, le hêtre joue des tons d’ocre et de rouille, les bambous paraissent plus dorés que jamais.
Mais rien ne brille. Pas d’éclat, pas de fanfare aux cuivres rutilants.
Le soleil hésite, pudique, à se départir de son voile.
Novembre, entre l’ombre et l’ambre.

Massif

Massif de fleurs à GivernyBien qu’il n’y ait rien dans les définitions du dictionnaire qui pousse dans ce sens, quand il s’agit de fleurs, on a plus envie de parler d’un massif quand elles forment une masse, et d’un parterre ou d’une plate-bande quand elles sont au ras du sol.
A Giverny, voici les gros coussins de fleurs qui ornent l’avant de la maison de Claude Monet de l’été aux gelées.
A droite, des pélargoniums rouges et roses entourés d’oeillets.
A gauche, une combinaison dense de bégonias, de balsamines et de capucines.
Une quantité de petites fleurs roses, orange et de feuillage cache complètement le sol.
De près, les feuilles des bégonias révèlent leurs nervures et leur verso rouge.
C’est un massif qui fait masse, mais une masse sculpturale, à l’arrondi bien dessiné, qui tranche avec les massifs échevelés qui commencent tout à côté, à l’arrière-plan, sous les structures des clématites.

Giverny en juillet

Giverny en juilletEn juillet, le bassin de Giverny ressemble comme deux gouttes d’eau aux tableaux qu’il a inspirés à Monet.
Même nénuphars flottant en radeaux à la surface, même atmosphère lumineuse, mêmes rameaux de saule au premier plan.
C’est le secret du succès de Giverny : tout le monde ou presque, en Occident, a déjà vu une reproduction de l’un ou l’autre des Nymphéas de Monet.
Ce sont les chouchous des salles d’attente médicale, sans doute parce que leur contemplation apaise.

On vient en chercher le motif à Giverny, les voir en vrai.

Même pour les visiteurs qui pensent que Monet n’a peint qu’un seul tableau de l’étang, et ils sont nombreux à ignorer l’obsession répétitive du peintre à cet égard, il y a une émotion particulière à découvrir le site.
C’est la fascination de la peinture elle-même, de cette transmutation du réel par l’oeil du peintre.
On n’en finirait pas d’aller de l’un à l’autre, de l’oeuvre de la nature à sa transcription humaine.
Inversement, pour qui ignore tout de l’oeuvre du peintre, Giverny n’est qu’un jardin, et il n’en manque pas qui soient prêts à rivaliser de beauté avec lui.

La concordance du temps

Iris sibericaAu milieu des iris de Sibérie jaunes, pointent les boutons de pivoines qui fleuriront plus tard. Le temps que les boutons se gonflent de pétales en devenir, puis s’ouvrent pour les déployer, les iris seront fanés et coupés. A cet emplacement, on ne verra plus que les corolles à froufrous des pivoines.
La gestion des époques de floraison est l’un des casse-tête de tout jardinier. Le premier objectif est d’obtenir un jardin fleuri tout au long de la saison, où les fleurs se succèdent sans temps mort.
En principe, les fleurs ont une période de floraison qu’elles préfèrent. A Giverny, pour les iris, disons que c’est la deuxième quinzaine de mai.
Mais chez les fleurs, le temps qui passe est aussi fonction du temps qu’il fait. Pour peu que la météo soit capricieuse, les règles habituelles sont chamboulées. La chaleur printanière fait tourner les pendules plus vite, le froid les ralentit.
Cette année, le printemps très frais a décalé le démarrage des vagues successives de fleurs, comme si l’officiant en charge de donner le top départ s’était trop attardé au bistrot.
Mais la fraîcheur a aussi prolongé la durée de floraison des tulipes, ce qui a permis d’en profiter plus longtemps. Au lieu de se croire en course pour le tiercé, elles sont parties au petit trot.
Le froid est embêtant car les fleurs tardent à venir, mais c’est surtout la chaleur au printemps qui sème la pagaille. Vite ! se disent les fleurs, ça sent l’été ! Dépêchons-nous avant qu’il ne soit trop tard ! Elles se précipitent, elles se bousculent, et elles fleurissent toutes en même temps. Le jardinier a le sentiment d’avoir grillé toutes ses cartouches en quelques jours.
La question se complique encore quand, comme à Giverny, on veut gérer non seulement la succession des floraisons, mais aussi leur concomitance. Il s’agit de faire fleurir en même temps des fleurs pensées pour aller ensemble, parce qu’elles ont des coloris voisins ou contrastants, des formes qui se répondent. Pour cela il faut bien connaître les habitudes de chacune, leurs possibles réactions face aux aléas du climat. Les pronostics se font sur le papier longtemps à l’avance, et se vérifient sur le terrain l’année suivante.
Qu’elles lambinent ou qu’elles foncent, il y a tout de même une constante : les fleurs ne se doublent pas dans les virages. Eventuellement, les tardives peuvent (presque) rattraper les précoces, mais elles ne leur passent pas devant. Pour savoir dans quel ordre elles vont se présenter sur la ligne d’arrivée, c’est un avantage indéniable du jardinier sur le turfiste.

Des bouquets dans les pelouses

Giverny en avril C’est un coup d’oeil éphémère, ces bouquets de narcisses, de jonquilles et de tulipes dans les pelouses qui s’étendent devant la maison de Monet.
L’effet dure une dizaine de jours au tout début de la saison, à une époque où les fleurs les plus précoces ouvrent le bal.
Ailleurs, c’est encore l’attente et la promesse.
Mais devant les pelouses, on rêve déjà aux ilôts de nymphéas qui s’épanouieront bientôt selon la même disposition sur le bassin de Giverny.
La photo a été prise il y a quelques jours, et déjà le jardin a changé.
Les tulipes s’ouvrent partout, dans un déploiement de couleurs tapageuses ou tendres digne du jardin d’un peintre horticulteur.

Eternels bambous

Bambouseraie de Monet Les bambous de Monet sont un éternel sujet de conversation parmi les visiteurs et les guides, car ils sont là depuis toujours. Plantés sous la direction du peintre, ils se sont régénérés d’eux-mêmes en produisant de nouvelles pousses chaque année. On peut donc affirmer qu’ils figurent parmi les rares végétaux encore d’origine, en compagnie des glycines et de quelques vieux arbres.

Durant la période où le jardin n’était guère entretenu, les enfants de Giverny en avaient fait leur domaine, et ils se rappellent qu’ils jouaient à Tarzan dans ce qui était pour eux une jungle épatante. Voilà un souvenir qui ne prête pas au doute.
Pourtant le bruit court que les bambous de Monet ont fleuri déjà. Et comme vous ne l’ignorez pas, la floraison, épuisante, signe en général la fin de cette plante.
Alors, bambous d’origine ou bambous replantés ? Les deux paraissent inconciliables, et les avis sont tranchés.
J’ai eu le fin mot de l’histoire aujourd’hui en interrogeant un jardinier qui était déjà en poste au moment de cette fameuse floraison, car elle remonte à plus d’une décennie. Une bonne partie de la bambouseraie avait bien été perdue, se souvient-il, mais pas toute. Certains bambous – sans doute d’une autre génération – n’avaient pas fleuri. On avait pu s’en servir pour recoloniser l’espace vide de la bambouseraie, par division et replantation des rhizomes.
Voilà une réponse qui m’a fait plaisir. Une réponse apaisante, qui donne raison à tout le monde. J’aime que la concorde règne, et que rien ne vienne troubler la sérénité du jardin d’eau de Claude Monet.

Photo de la bambouseraie de Monet en mai 2009

La peinture à l’huile

Peindre à GivernyL’une des joies d’une visite à Giverny, c’est de voir des peintres au travail. Le jardin créé par Claude Monet est fait pour être peint, et les artistes d’aujourd’hui qui viennent y exercer leurs talents lui rendent, de la pointe de leurs pinceaux, le plus bel hommage qui soit.
Assez souvent, des visiteurs individuels s’assoient sur un banc et couvrent leur carnet d’aquarelles ou de dessins au crayon. Mais peindre sur une toile requiert un matériel plus encombrant. Pour poser son chevalet devant les massifs colorés du clos normand ou face aux nymphéas du jardin d’eau, il faut demander une autorisation à la Fondation Monet.
Les peintres accrédités arrivent peu avant la fermeture, à l’heure où les visiteurs s’en vont. Ils tirent des caddies sur lesquels leur matériel est attaché et s’installent à un endroit qu’ils ont dûment choisi pour son point de vue remarquable. Parfois original, parfois convenu, selon l’humeur.
On ne saurait résister à la tentation de jeter un coup d’oeil à leur toile. Quand on ne sait pas peindre, l’alchimie mystérieuse qui, par le biais de la vision, du cerveau et de la main, transforme un paysage en tableau est fascinante.
Mais tout de même, on ne veut pas déranger. Leur curiosité satisfaite en toute discrétion, les derniers visiteurs s’éclipsent vers la sortie, emportant cette émotion laissée par l’oeuvre en cours, par l’artiste au travail, et, peut-être plus encore, par cette puissante odeur de peinture à l’huile mêlée au parfum des fleurs. La quintessence de Giverny, tout au bout de la journée, comme un point d’orgue.

A verse

Giverny sous l'averseL’avantage d’habiter la Normandie, la Bretagne ou le Nord, c’est que la pluie fait partie du décor. Pour tout dire, c’est un must de l’expérience touristique, un truc qu’il faut avoir connu pour bien comprendre la région.
Quand il fait beau, j’aime bien m’amuser à la souhaiter aux visiteurs. « Depuis combien de temps êtes-vous en Normandie ? Il n’a pas encore plu ? J’espère que vous aurez la chance de goûter à la pluie normande avant votre départ ! » La tête des gens. Je me dépêche d’ajouter un smiley oral, que je plaisante, que je leur souhaite le meilleur temps possible. Et de leur vanter les effets bénéfiques de la pluie, essentiels à l’économie agricole de la région.
L’autodérision, la pluie tournée en fierté chauvine, c’est ce qui nous sauve, parce qu’on le sait bien, c’est ennuyeux et triste, surtout quand le ciel est très couvert et que la grisaille pèse comme une chape de plomb.
Heureusement, souvent, l’éclairage est malgré tout joli, argenté, ménageant des trouées de lumière. Souvent, s’il pleut, c’est quelques gouttes à peine. Il bruine, il pleuviote, il pleuvine, sans mouiller vraiment. C’est la vérité brute des statistiques, il tombe moins d’eau à Giverny qu’à Nice, où les heures d’ensoleillement, c’est clair, battent celles de la Normandie de façon écrasante.
La petite pluie fine si typique du Nord-Ouest n’est pas très gênante pour les visites. Ce qui paralyse, c’est l’averse. S’il pleut des seaux, des cordes, ou comme une vache qui lève la queue, c’est le sauve-qui-peut.
Tandis que, tassé dans quelque recoin, vous risquez un oeil inquiet vers les nuages plombés, vous avez le temps de repasser toutes ces belles expressions imagées. Va-t-il se mettre à choir des chiens et des chats ? Je n’ai jamais entendu aucun anglophone prononcer cette expression (it’s raining cats and dogs) qui fait la joie des collégiens français, et je me demande si elle ne tombe pas un peu en désuétude, tout comme les hallebardes chez nous. Quand le ciel ouvre grand les vannes, ce que j’entends le plus souvent, c’est « it’s pouring ». Pour moi le verbe to pour, verser, est associé au geste de servir le thé fumant, et ça fait un peu frémir d’imaginer des tas de théières en train de déverser sur nous leur contenu depuis les nuages. Il est heureux que la pluie soit froide, finalement.

Des roses à foison

Maison de Claude MonetC’est une année à roses. Dans tous les jardins elles sont plus belles que jamais, elles croulent, débordent, en masses denses aux couleurs délicates ou surprenantes. Chez Monet, celles qui courent sur la pergola devant la maison sont magnifiques. Voilà plusieurs années qu’on ne les avait pas vues aussi généreusement fleuries, ourlant de fleurs roses et blanches la façade de la demeure.
On pourra les admirer toute l’année prochaine dans les foyers de la région vernonnaise : hier soir, les pompiers sont venus en grande tenue faire les photos de leur calendrier. Pour eux, les volets ont été rouverts.
Les services de secours connaissent bien le chemin de la Fondation Claude Monet, où ils interviennent en cas de malaise ou de blessure, ce qui survient forcément vu le nombre de visiteurs. Ils se montrent toujours efficaces et gentils.
Comme à chaque fois que les soldats du feu se déplacent en groupe, pour aller au stade par exemple, le matériel les accompagnait, prêt à servir. Il s’en est suivi un déploiement assez inhabituel de camions rutilants dans les rues de Giverny. Vers 19 heures hier soir, le village s’est offert son micro défilé du 14 juillet.

Coquelicots

Pavots et coquelicotsAprès les pavots d’Islande, qui ont été les premiers à fleurir en jaune ou en orange, voici le tour des pavots annuels aux délicats tons de rose.

Comme c’est aussi le temps des roses, le jardin de Claude Monet se pare de l’harmonie colorée la plus fraîche qui soit, en rose et vert.

Cette année, les jardiniers ont laissé aussi pousser beaucoup de coquelicots sauvages, et peut-être même bien qu’ils les ont aidés un peu à se ressemer allègrement.
Partout leurs petites têtes rouges apparaissent au milieu du vert des massifs.

Ils réveillent les tons, ils gomment ce que le jardin rose pourrait avoir de trop mièvre.

Coquelicot à Giverny Toutes ces couleurs éclatent sous le ciel humide de Normandie, bien mieux que sous le soleil brillant de la semaine dernière.

Les eremurus, ou lis des steppes, dressent leurs hampes florales blanches le long de l’allée centrale au dessus des derniers alliums.
Parfois, un coup de vent les fait danser.

L’air embaume, les roses bien sûr.

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Ariane.

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