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Avril, mois des tulipes
A partir de la mi-avril, le jardin de Monet à Giverny se transforme en une palette de couleurs éclatantes. C’est la très spectaculaire floraison des tulipes, accompagnée de celle des pensées, giroflées et autres pâquerettes.
En ce moment, un mois avant l’ouverture du jardin, il gèle encore la nuit, mais les belles sont partout dans les starting blocks, prêtes à fleurir à la folie d’ici six semaines.
Les jacinthes et les jonquilles sont déjà en bouton, à la satisfaction des jardiniers qui guettent leurs progrès comme autant de signes de l’arrivée prochaine du printemps.
Cinq mois après les avoir plantées, on avait presque oublié qu’elles étaient là, blotties sous terre, en train de s’enraciner dans le sol pour mieux se hisser ensuite vers la lumière.
Si vous envisagez une visite à Giverny, avril est une bien jolie période pour admirer un jardin très gai et lumineux, au tracé net. Et les tulipes de plus en plus extravagantes, froufroutantes, enflammées, multiples, énormes ou minuscules, redoublent d’originalité pour mieux nous épater.
Fleurs géantes
C’est en toute fin de saison qu’il faut venir à Giverny pour éprouver une impression de gigantisme. Les fleurs d’automne atteignent des hauteurs vertigineuses, loin au-dessus des têtes des visiteurs.
C’est toujours étrange de se promener au milieu de végétaux aux proportions inhabituelles, qu’il s’agisse de séquoias, de fougères arborescentes ou, comme chez Monet, de fleurs de jardin.
On se tord un peu le cou pour regarder les têtes colorées qui se balancent là-haut dans la brise, dahlias, asters, et toutes les déclinaisons possibles du tournesol.
Les tiges démesurées rapetissent les humains. Sûrement les fleurs s’amusent entre elles, elles se chuchotent « Chérie ! J’ai rétréci les visiteurs ! »
On est Alice au Pays des Merveilles dans sa version lilliputienne. On s’attend à quelque rencontre surprenante au prochain détour.
On ne verra pas de chat au sourire énigmatique, non, mais tout de même un spectacle magnifique, celui de la grande allée éblouissante de couleurs.
» C’est le bouquet final du feu d’artifices ! » se sont exclamé les charmantes personnes que j’accompagnais hier.
On ne saurait mieux dire.
Jardin de contrastes
Un des plaisirs du jardin est de créer des contrastes.
Je ne veux pas parler ici du contraste évident qui règne entre le jardin d’eau et le jardin de fleurs de Claude Monet à Giverny, mais de celui, très raffiné, qui s’observe à l’intérieur même du clos normand.
Les massifs fleuris imaginés par le peintre s’alignent sur un hectare, et pourtant il n’en y en a pas deux pareils. Leurs disparités ne sont jamais aussi marquées qu’en fin d’été.
Les contrastes reposent sur les couleurs, bien sûr, les parterres monochromes ou au contraire multicolores alternent avec ceux où s’harmonise une gamme de couleurs resserrée, chaude ou froide.
Monet jouait aussi du contraste entre les carrés d’une même variété de fleurs et les parterres qui en mêlent un grand nombre de formes, de textures et de hauteurs différentes.
La taille des tiges entre en jeu elle aussi, depuis les géraniums au ras du sol jusqu’aux soleils géants, qui se dressent fièrement à trois ou quatre mètres de haut.
Enfin, les massifs s’opposent par leur densité, certains épais comme des murs, d’autres à la légèreté subtile de prairie.
Le côté naturel de ces derniers est obtenu avec des fleurs de culture, et c’est du grand art. Regardez comment les gauras se courbent sous le poids de leur collier de gouttes, offrant leurs lignes gracieuses en contrepoint aux amarantoïdes, ces petites boules de peluche rose qui font penser au trèfle, aux verveines, aux sauges, aux mauves, aux glaïeuls, aux mini rosiers…
En cuisine, ce serait une délicate mousse fruitée à la fin d’un repas roboratif. L’oeil se repose un instant, volette comme un papillon parmi toute cette finesse, avant de retourner se poser un peu plus loin sur un parterre aux masses denses et aux couleurs intenses.
Le contraste, source d’équilibre et d’harmonie.
La roseraie de Giverny
Au temps des roses, le jardin de Claude Monet devient une roseraie. Partout, elles s’enroulent à des trépieds, pendent aux arceaux, forment des arbres, courent sur la pergola, s’alignent sur la clôture, s’élancent à l’assaut des saules, ou bien se nichent, opulentes ou minuscules, dans les massifs.
A toutes ces formes différentes, rosiers grimpants, lianes, buissons, tiges, nains, pleureurs, s’ajoutent les multiples apparences de la fleur, simple, double, chiffonnée à l’ancienne ou superbement ourlée. Le tout décliné dans un festival de couleurs somptueuses, du blanc au violet, du jaune au vermillon.
La capacité du rosier à prendre de multiples apparences n’a d’égale que celle du jardin lui-même à se métamorphoser.
En avril, c’était un champ de tulipes. En mai, une prairie superbement fleurie. En juin, le voilà devenu roseraie.
C’est le moment où le clos normand dans toute sa gloire se montre généreux, quand les roses débordent des clôtures et s’offrent à la vue des passants, et que le vent porte au loin leurs effluves délicats et puissants.
Et puis, dès que les rosiers seront défleuris, d’ici quelques semaines, on oubliera les roses. Leurs feuillages se fondront dans le décor, en contrepoint vert aux fleurs d’été, les belles géantes estivales qui feront leur entrée en scène.
Arrosage
La Normandie n’est plus ce qu’elle était : voilà qu’il fait sec en avril !
Dans les jardins de Monet, les rampes d’arrosage ont repris du service un peu plus tôt que d’habitude, en renfort des gouttes à gouttes et de l’arrosage manuel.
Un voile de gouttelettes s’élève dans la lumière du matin, puis retombe sur les plantes assoiffées qui courbent l’échine sous la douche, un peu sonnées, vite redressées.
C’est un rideau de perles que l’on n’ose franchir, des perles qui s’éparpillent bientôt avec prodigalité pour venir rouler, hésitantes, le long des tiges et des feuilles, et s’accrocher aux pétales soyeux en colliers de lumière.
Accord parfait
C’est tout l’art des jardiniers de Giverny de marier les fleurs à la perfection.
Dans chaque massif, des camaïeux de pensées déclinent en ce moment toutes les nuances de violet, de bleu, d’orange…
Petites et grandes têtes s’agitent dans la brise, habillées de couleurs presque semblables, qui se répondent et se rehaussent les unes les autres.
Parfois, l’harmonie ton sur ton se propage aux espèces voisines.
Au bout du pont japonais, le visiteur attentif des jardins de Monet remarquera, par exemple, cette association délicate d’une primevère sauvage jaune pâle et d’une mini pensée aux teintes assorties.
Elles me font penser à un couple quand, après des années de vie commune, l’homme et la femme finissent par se ressembler.
Ombre et lumière
Planter des fleurs de couleur claire dans les taches d’ombre, c’est l’idée de Monet pour éclaircir les zones les plus sombres de son jardin.
Sous les ifs, tout en haut de la grande allée, et sous chacun des épicéas abattus ultérieurement, il plantait des fleurs blanches. Ici les impatiences blanches sont en mélange avec des rouges, pour l’harmonie avec les pélargoniums.
Ces derniers sont d’un rouge vif dans les massifs ombrés et d’un rouge rosé au soleil, ce qui accentue l’effet d’ombre et de lumière.
Rosier en arbre
Les rosiers taillés en arbres sont une des splendeurs de Giverny. Dans le Clos Normand de Monet, ils ne fleurissent pas tous en même temps, prolongeant la fête. Celui-ci, aux tendres teintes jaunes qui s’éclaircissent à mesure que la fleur s’épanouit, est le premier à fleurir.
Conversation surprise en passant à côté :
– On dirait un rosier, dit une dame.
– Mais non, la reprend son amie, regarde le tronc ! C’est un pommier !
Les pommiers font de drôles de pommes en Normandie…
Tulipes et myosotis
J’aurais aimé vous parler aujourd’hui de notre marronnier genevois à nous, la floraison du premier nénuphar de l’année sur l’étang de Claude Monet. C’est un nénuphar blanc du côté du petit pont qui ouvre le bal cette fois-ci, l’an dernier c’en était un rose près des trois saules, quasiment à la même date. Pourquoi celui-ci plutôt que celui-là, dans deux endroits différents du bassin ? Mystère.
Malheureusement le temps de ces derniers jours n’est pas favorable à la photographie, je ne voudrais pas que mon appareil s’enrhume. Me voilà donc à ressortir de vieilles photos d’il y a trois semaines, à l’époque où les tulipes étaient en pleine splendeur.
Voici le fameux massif qui s’étend devant la maison de Monet. Comme pour les meilleures recettes de cuisine, la formule est simplette : des myosotis bleus avec des tulipes roses. Mais à y regarder de près, le parterre bénéficie de trucs de grand chef jardinier qui le rendent encore plus beau.
Prenez le personnage à l’arrière-plan. Vous avez vu où les tulipes lui arrivent ? Au coude ! Cet effet spectaculaire s’obtient en sélectionnant des variétés de très grande taille, certes, mais aussi en surélevant un peu le massif. Il est tellement étendu qu’on ne le remarque pas, mais on gagne bien une à deux dizaines de centimètres.
Deuxième astuce, mêler différents tons de rose pour obtenir un chatoiement harmonieux plutôt qu’un monotone effet de masse. Ici la gamme va du rose bleuté au rose rouge.
Et puis, il y a la façon de planter. Pour éviter la raideur, les jardiniers de Giverny ont une méthode éprouvée. Ils lancent les bulbes et les plantent à l’endroit où ils sont tombés. On est sûr ainsi de ne pas avoir un alignement au cordeau, mais un effet beaucoup plus naturel.
Enfin, une dernière ruse m’a épatée cette année. Je ne l’avais pas remarquée encore, c’est du grand art. Pour prolonger la floraison qui, hélas, ne dure pas éternellement, voyez-vous ce qui se profile entre les tulipes à leur apogée ? D’autres tulipes tout juste en bouton ! A peine les premières ont-elles leurs beautés laissé choir, qu’une deuxième salve est tirée. On a l’impression de remonter le temps, surtout si l’on a vu le jardin évoluer jour après jour.
Côté myosotis, pas de souci à se faire. Il faut des semaines pour que la floraison débutée en bas des grappes de boutons se propage jusqu’au sommet. Le temps que le myosotis épuise toutes ses cartouches, les deux séries de tulipes sont passées, les saints de glace aussi, le moment est venu de planter les fleurs d’été à la place de celles du printemps.
Tulipes et feuillages
Les tulipes resplendissent en ce moment à Giverny. Quelquefois seules, souvent en mélange, elles obéissent à des principes de plantation différents.
Dans le bas du clos normand du jardin de Monet, ce petit carré de tulipes orange rappelle la couleur des feuilles de rosier naissantes avec lesquelles elles voisinent. De même, le massif à côté est un carré de tulipes roses qui répondent aux feuilles rosées des pivoines arbustives.
L’effet ton sur ton est très harmonieux. On n’aurait pas remarqué ces feuillages sans les tulipes utilisées à la fois pour leur beauté propre et comme exhausteur de couleur.
Pour adopter et adapter ce principe chez soi, il suffit de regarder en avril comment se colorent les jeunes feuilles des buissons voisins du futur massif de tulipes.
Le chant des fleurs
La glycine centenaire qui couvre le pont japonais de Claude Monet a fabriqué avec le temps des lianes grosses comme des bras. Elles ont une façon dramatique de ramper et de se tordre autour de la rambarde : ne dirait-on pas un geste de supplique ? C’est Roméo au pied du balcon de Juliette !
Il y a du lyrisme dans les plantes, et singulièrement à Giverny. La partition a été écrite par Monet, les jardiniers l’interprètent avec justesse et sensibilité. Ils s’effacent derrière les divas, les fleurs spectaculaires et solitaires comme les nymphéas qui avancent sur la scène en solistes, drapés dans leur costume somptueux.
Les autres fleurs chantent dans les choeurs. Chacune a son timbre, sa hauteur, qui se fond dans l’harmonie générale.
Et, pour animer ce chant des fleurs, une multitude de valses tourbillonnantes s’offre à qui sait les voir, remous du ruisseau, vol des abeilles et des papillons, feuilles sèches mourant avec grâce dans un dernier vol théâtral…
On comprend que les académiciens aient choisi parmi eux le directeur des Opéras de Paris pour lui confier la direction de cet orchestre de pétales.
Collé serré
On va voir si vous avez l’oeil : combien y a-t-il de tulipes sur cette photo ? Non non, ne comptez pas, c’est triché ! Peut-être que ce sera plus facile en imaginant des personnes. Disons, par exemple : combien y a-t-il de belles plantes dans cette discothèque ? C’est vrai, quand elles sont collées serrées comme ça, c’est difficile à dire, à moins d’avoir un gros entraînement en tant que DJ ou que syndicaliste.
Les journalistes aussi sont amenés à évaluer des rassemblements paisibles ou virulents, et par amour de la vérité il vaut mieux tomber un peu juste. C’est un des aspects approximatifs de mon ancien métier qui ne me mettait pas trop à l’aise. Si donc vous envisagez d’embrasser cette carrière, astreignez-vous à vous entraîner, vous l’étreindrez mieux !
Mais revenons à nos moutons. Je voulais juste vous faire remarquer à quel point les jardiniers plantent serré à Giverny, pour un bel effet de masse colorée, de teintes denses où dansent les têtes des tulipes, hors d’atteinte des sombres pensées.
Première impression
Voici la première impression que donne le jardin de Claude Monet aux visiteurs qui arrivent par l’entrée des individuels.
Au sortir de l’atelier des Nymphéas ils sont accueillis par ce décor végétal unique en son genre.
Tout est résumé déjà, l’apect campagne des pommiers en cordon, les structures métalliques qui donnent relief et rigueur, et même les promesses de merveilles à venir au bord de l’étang.
Là-bas, de l’autre côté de la route invisible, les arbres en habits des grands soirs font naître des reflets différents chaque jour dans les eaux paisibles du bassin aux nymphéas.
Enfin, dressés en haie d’honneur, les peupliers qui bordent l’Epte lancent haut dans le ciel normand leurs silhouettes longilignes.
C’est une première impression, et c’est aussi la dernière, celle qu’emporte le visiteur qui se retourne encore une fois avant de s’en aller. Le compte à rebours est commencé, il reste trois jours pour venir à Giverny cette année, jusqu’à dimanche soir. Ensuite il faudra patienter jusqu’en avril.
Les petits devant
Ce n’est pas pour me vanter, mais je suis allée à un mariage ce week-end. Un joli mariage campagnard avec des canotiers et des robes à fleurs.
L’évènement était d’importance, il a été immortalisé en conséquence.
Depuis le numérique on peut s’en donner à coeur joie, et comme on a la joie au coeur on mitraille joyeusement, façon moderne de se congratuler.
On en était là, tous en train de se prendre mutuellement en photo à la fin de la cérémonie, quand tout à coup quelqu’un de la vieille école a dit, faisons une photo de groupe !
Comment résister à cette invitation délicieusement rétro ? Les réflexes sont revenus en un éclair de flash. On a mis les grands derrière, les petits devant, et ceux qui n’aiment pas être pris en photo se sont cachés derrière la tête de quelqu’un.
Les jardiniers, qui sont des gens pleins de bon sens, appliquent la même règle dans les massifs de fleurs.
Chez Monet à Giverny les espèces les plus hautes sont placées à l’arrière des bordures, tournesols et hélianthus, asters et verges d’or.
Devant viennent des fleurs moyennes, cléomes, rudbéckias, roses, tabacs, tandis que les petits bout de choux comme les oeillets d’Inde ont droit au premier rang.
Les visiteurs de Giverny ne s’y trompent pas. Ils prennent tant de photos de ces massifs de fleurs que n’importe quel mariage paraît ridiculement petit joueur en comparaison.
C’est que leur visite à Giverny est un évènement d’importance à immortaliser en conséquence.
Effet de soleil
Pas un jardinier sans doute n’a été plus attentif aux effets de lumière sur ses plates-bandes que Claude Monet.
Le peintre de Giverny étudiait avec minutie le rendu du soleil matinal ou vespéral à travers les plantes. Il jouait des textures translucides ou au contraire opaques et veloutées pour obtenir dans son jardin ce scintillement, cette vibration colorée caractéristique des tableaux impressionnistes.
De nombreuses fleurs se prêtent bien à ce jeu avec le soleil rasant, par exemple les pavots, les lavatères, les mauves, les roses trémières.
Le contre-jour magnifie leur éclat à la façon d’un vitrail.
Plus graphique, les rayons qui traversent les longues feuilles lancéolées des iris, des glaïeuls ou des crocosmias font ressortir leurs nervures parallèles et projettent sur cet écran des ombres chinoises aussi indéchiffrables que des idéogrammes.
Support à rosier
Dans les jardins de Monet à Giverny on utilise encore toutes sortes de supports métalliques pour les rosiers grimpants. Ils ont été dessinés il y a plus d’un siècle par Georges Truffaut.
Ce célèbre pépiniériste était un grand ami de Claude Monet. Il a imaginé des trépieds comme celui-ci, sur lesquels on enroule les branches des rosiers – une opération qui demande un réel savoir-faire – mais aussi d’autres modèles comme les classiques arceaux qui se répètent pour former une pergola.
Des parapluies d’environ deux mètres de haut sont destinés à conduire des rosiers en arbre. Les roses partent du centre et retombent en pluie vers les côtés.
Le modèle de support le plus étrange et le plus élevé est une tour qui se termine comme un jet d’eau, recouverte de petites roses roses.
Les rosiers grimpants ne sont pas réservés au clos fleuri. Au bord du bassin, au niveau de l’embarcadère, les arceaux sont disposés en croix. On se croirait dans le transept d’une église, entouré de tous côtés par des arcades.
Chambre avec vue
Voici la vue que l’on a depuis la chambre de Claude Monet dans sa maison de Giverny, à la fin du mois d’avril. Rigueur géométrique des allées bordées de plates-bandes, arbres en fleurs roses au milieu des pelouses, massif de tulipes et de myosotis au pied de la maison…
A l’arrière-plan se dressent les arbres qui entourent le bassin aux Nymphéas, saules pleureurs, hêtre pourpre, bambous, et tout au fond la peupleraie qui ferme l’horizon.
Profusion impressionniste
Aimez-vous les jardins tracés au cordeau, aux parterres bien alignés ? Ou les préférez-vous un peu fouillis, luxuriants ?
Quand on regarde le jardin de Monet en oblique, en survolant les allées, voici l’aspect qu’offre le clos normand à la fin mai. Partout des bouquets, des masses colorées de juliennes, d’iris, de pivoines, de roses.
Certains visiteurs sont déroutés par cet apparent désordre. Leur oeil cherche un cadre, des lignes, un dessin. Comme dans les tableaux impressionnistes, le tracé se perd sous les touches colorées.
Claire Joyces, une des personnes qui connaît le mieux Claude Monet, parle d’un « jardin de profusion ». C’est le mot juste. Il y a de la générosité dans ces brassées de fleurs qui se succèdent jusqu’à l’horizon.
L’effet ne fera que s’accentuer dans le courant de l’été, quand les fleurs estivales prendront le relais des printanières.
Il faudra attendre que les gelées de la fin de l’année anéantissent d’un coup le jardin pour retrouver sous les massifs le tracé rigoureux des allées et la symétrie des parterres. En hiver, il ne reste plus que ce canevas sur lequel le printemps suivant reviendra broder sa tapisserie de couleurs.
Espace mémoire
L’entrée dans le jardin de Giverny fait beaucoup d’effet. En début de saison le regard peut balayer le jardin fleuri créé par Monet d’un bout à l’autre. La végétation basse permet d’embrasser toute l’étendue des plates-bandes d’un seul coup d’oeil. Bientôt les fleurs vont pousser, les buissons se couvrir de feuilles et le jardin se verra segmenté en masses colorées.
Les visiteurs qui reviennent après plusieurs années sont quelquefois surpris par la taille du jardin quand ils la comparent avec leurs souvenirs, mais ce n’est pas toujours dans le même sens. Il leur paraît tantôt plus grand, tantôt plus petit.
Si le jardin leur semble plus grand aujourd’hui, c’est peut-être qu’ils l’ont visité en été ou à l’automne la première fois, de même qu’une maison vide paraît plus grande que si elle est meublée.
Si le jardin leur semble plus petit, c’est sans doute qu’ils l’ont vu la première fois au printemps et la seconde en fin de saison. A moins qu’ils n’en aient gardé le souvenir d’une visite pendant l’enfance. C’est alors leur propre taille et avec elle leur échelle de repères qui a changé.
Depuis près de trente ans que la propriété de Monet est ouverte à la visite, les générations ont eu le temps de s’y succéder et d’y revenir.
Bordure bleue et orange
Le soleil d’avril fait éclater les couleurs des bordures printanières dans les jardins de Claude Monet à Giverny.
Teintes chaudes, teintes froides… Les petites têtes bleues des muscaris bordent subtilement une plate-bande emplie de giroflées et de pensées choisies dans des teintes orange, jaune et pourpre.
De-ci de-là, des tulipes jaunes aux formes effilées dressent la tête, émergeant de la foule des fleurs plus petites massées à leurs pieds.
L’impressionnisme prône la dissolution de la forme dans la couleur. Monet aimait adoucir les lignes droites de ses allées en soulignant les bordures avec des fleurs de petites tailles un peu floues comme ces muscaris.
L’allée des clématites
Une allée très structurée du jardin de Monet à Giverny : des supports métalliques servent à conduire des clématites et des roses, dont il ne reste que le feuillage, tandis que des ipomées garnissent le bas des poteaux.
De chaque côté de l’allée s’ouvrent de petits massifs parfumés garnis d’une profusion de plantes fleuries, qui donnent une impression de luxuriance en cette saison.
Le jardin ici ne se limite pas au plan horizontal, on le parcourt en volume.
La serre de Monet
Juste devant le second atelier de Claude Monet s’élève sa serre. C’est un bâtiment de taille confortable, dans lequel il cultivait des plantes exotiques. Monet était particulièrement amateur d’orchidées dont il collectionnait de multiples variétés.
Il produisait lui-même ses annuelles à partir de graines. Les godets étaient ensuite replantés dans les plate-bandes du jardin fleuri.
Monet s’impliquait beaucoup dans son jardin. La construction de sa serre l’a empêché de travailler tout le temps qu’elle a duré.
L’installation du chauffage a nécessité une nuit de veille de toute la famille. Monet avait décidé de passer la nuit dans la serre pour surveiller le bon fonctionnement de la chaudière. Alice a insisté pour lui tenir compagnie, ses filles ont renchéri, tout le monde a fini assis dans la serre jusqu’au matin. Heureusement que la chaudière marchait comme une horloge !
Cette photo date du début du printemps. Pendant tout l’été, la serre est protégée de la chaleur par une grande toile verte.
Jardin de peintre
Ce qui rend les jardins de Giverny uniques, c’est d’être l’oeuvre d’un peintre. Monet avait la passion du jardinage autant que celle de la peinture. Il était très fier de son jardin qu’il considérait comme son plus beau chef-d’oeuvre, un tableau vivant créé à même la nature.
C’est en ce moment qu’on s’en rend le mieux compte : Monet utilisait les fleurs comme des touches de couleur, telles des coups de brosse sur la toile.
Ce grand coloriste prévoyait à l’avance les mélanges de couleurs qui sortiraient de ses semis. De la profusion de fleurs de teintes voisines naît une vibration colorée, la même que celle qui émane de ses toiles impressionnistes.
Quelle est la surface du jardin de Monet ?
Voilà une question qui m’embarrasse quand des Français me la posent, car je connais la réponse en acres : le clos normand fait près de trois acres et le jardin d’eau en fait deux, ce qui fait un total approchant les cinq acres.
Et en mètres carrés, ça donne quoi ?
L’internet étant équipé de convertisseurs très efficaces, il suffit de se poser la question pour trouver la réponse : le jardin de Monet mesure au total 2 hectares, ou si vous préférez, pour comparer avec les jardins que vous connaissez, 20 000 mètres carrés. Environ 8000 mètres carrés côté bassin aux nymphéas et 12 000 devant la maison.
Pour un parc public, ce n’est pas immense, mais pour un jardin privé ! Surtout fleuri avec une telle minutie !
Monet a franchi le pas des ambitions dépassant celles d’un simple particulier quand il a embauché toute une équipe de jardiniers. Ce sont des moyens que tout le monde n’a pas.
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