Copier un tableau de Monet
J’ai eu un coup de coeur pour cette magnifique copie du jardin aux Iris, Giverny de Monet, que m’envoie Karin.
Karin était attirée par ce tableau, vu dans un livre de jardinage, pour améliorer la souplesse de sa touche, « libérer ses coups de pinceau ».
Après avoir localisé l’oeuvre par internet, elle a écrit à son propriétaire, l’université de Yale, aux Etats-Unis, qui a eu l’amabilité de lui envoyer une bonne copie numérique.
La photo lui a permis de voir le détail des coups de pinceaux. Mais surprise : les couleurs de l’image officielle ne correspondent pas aux autres reproductions qu’on peut en trouver dans les livres ou sur le net. Les tons en sont plus doux, moins contrastés, moins brillants. Il a donc fallu faire un choix, opter pour une gamme de coloris plutôt qu’une autre, sans avoir la possibilité de comparer avec l’original.
« Au fur et à mesure que je travaillais sur mon tableau, mon admiration pour Monet et ses coup de pinceaux cassés ou rompus augmentait« , raconte Karin. Copier une oeuvre permet de percevoir chaque détail d’un tableau et de s’approcher de la technique d’un maître, tout en sachant que celle de Monet est particulièrement difficile à imiter, avec sa touche vibrante.
Karin, qui est d’une extrême modestie, trouve beaucoup de défauts à son tableau, notamment le manque de matière (Monet empâtait souvent les siens), et estime qu’elle a fait une « très pâle copie », certes ressemblante, mais très éloignée de l’original. Soyez gentils, laissez-lui un commentaire pour lui dire ce que vous pensez de son travail.
Qui est Ariane ?
Après avoir été longtemps journaliste dans la presse écrite et à la radio, Ariane est aujourd’hui guide interprète en Normandie.
Elle est aussi présidente de l’association GiVerNet et mère de quatre enfants.
Le LRBA s’expose
Jusqu’à la fin du mois, le musée de Vernon présente une exposition consacrée au LRBA, qui fête ses 60 ans. Le Laboratoire de Recherche Balistique et Aéronautique, c’est l’un des gros employeurs de Vernon, une entreprise de haute technologie qui jouit d’une forte aura, au même titre que Safran, ex Snecma, ex SEP, sa voisine qui fabrique des moteurs de fusées.
Avant-guerre déjà, un certain Edgar Brandt (celui des machines à laver) s’était installé dans la forêt qui domine la ville et testait des missiles sur son terrain de tir.
Après-guerre, le site a accueilli un groupe d’ingénieurs allemands spécialisés dans l’aéronautique. L’aventure spatiale française commençait.
Aujourd’hui, le LRBA fait partie de la Direction Générale de l’Armement. Ses activités restent mystérieuses pour le grand public. J’étais donc ravie de son action de communication, et je suis allée voir cette exposition pleine de curiosité.
Comment dire ? J’ai vu à quoi ressemble un missile. L’expo met en avant la haute technologie qu’il renferme, en passant pudiquement sous silence son potentiel de destruction. J’ai vu des images d’archives de l’INA, des interviews des années 50 qui en disent autant sur l’évolution du journalisme et des médias que sur la conquête spatiale. J’ai vu des photos des premières fusées, celles qui étaient peintes en rouge et blanc comme dans Tintin. Mais je suis sortie frustrée de cette présentation des activités du laboratoire, qui semble conçue par des ingénieurs pour des spécialistes. Il manque quelques phrases cadres, des explications basiques, le rappel de ce qui semble certainement très évident aux professionnels, mais qui va mieux en le disant pour les Candide que nous sommes.
C’est le piège de toutes les expertises. Comment se mettre à la portée de tous, sans ennuyer ceux qui savent déjà, ni ceux qui ne savent pas ? Comment tendre un tabouret à ceux qui en sont au b-a ba d’un sujet, pour leur permettre de gravir la marche qui les sépare des personnes plus averties ? Finalement, ce que je retire de plus précieux de cette exposition, c’est cette interrogation.
Visite guidée
Il arrive que les visiteurs de Giverny rendent compte de leur voyage sur internet, dans des sites spécialisés, ou encore dans leur blog ou leur journal de bord. Ces comptes-rendus sont précieux par leur sincérité même, différents de ceux que l’on obtient en posant la sempiternelle question, alors, ça vous a plu ?
Sur internet, les avis positifs abondent. Le charme de Giverny agit sur la plupart des visiteurs. Rêves devenus enfin réalité, paradis terrestre…
Ce qui me fascine, c’est de pouvoir, grâce à ces récits, vivre la visite de quelqu’un qui découvre les lieux avec son regard neuf.
On a des surprises quelquefois. Certains, par exemple, n’ont pas trouvé la maison de Monet très intéressante. Je sursaute. La maison de Monet ! Cette merveille, ce temple ! Ce témoignage unique du goût exquis de Monet, ce reflet fidèle de la vie bourgeoise à la campagne il y a cent ans ! Je ne comprends pas. Ou plutôt si, je comprends : ils sont passés à travers les pièces sans vraiment les voir.
Nous avons besoin d’explications pour que notre oeil s’ouvre. Il nous est difficile de percevoir ce que personne ne nous a montré. Et pas seulement montré, mais raconté, mis en scène dans son contexte. Comment apprécier sans comprendre ?
Chers lecteurs, si vous prévoyez de venir visiter Giverny, pensez à préparer soigneusement votre voyage, et pas seulement dans ses aspects pratiques, mais lisez, écoutez, réservez une visite guidée… Votre voyage vous récompensera de vos efforts au centuple, il en sera tellement plus beau.
Marché de Noël
Pour les amateurs de Monet, c’est en hiver qu’il faut voir la cathédrale de Rouen. Monet l’a peinte une trentaine de fois au cours de campagnes de peinture hivernales. Pour retrouver ses éclairages, il faut la lumière pâle des mois les plus froids.
En ce moment, les subtils dégradés de gris de la façade sont réchauffés par la gaité d’un marché de Noël. Dans les arômes de vin chaud, les petits chalets bien alignés proposent des décorations et des idées de cadeaux.
La tradition des marchés de Noël nous vient de l’Est. Elle n’a que quelques années d’existence en Normandie, mais elle paraît bien décidée à s’implanter. Qu’on se laisse tenter ou non par les objets exposés, c’est l’occasion de mettre le nez dehors pendant ces journées froides de décembre, sur fond sonore de chants de Noël. Un avant-goût des fêtes.
Monuments anciens, le passé présent
Comment vivre aujourd’hui dans nos villes avec les monuments du passé ?
La réponse ne va pas de soi. Elle a été radicalement différente au fil des siècles.
La notion de patrimoine est un concept moderne. Autrefois, quand un monument avait perdu la fonction pour laquelle il avait été bâti, on pouvait en faire une source de matériaux prêts au réemploi, ou l’utiliser à d’autres fins – prison, fabrique, lieu de stockage…
Aujourd’hui, la question de l’importance des vestiges en tant que témoins du passé ne se pose plus. Ils sont nos racines, qui plongent loin dans l’histoire, et nous permettent de savoir d’où nous venons et qui nous sommes.
Mais il nous faut cohabiter avec ces tours, ces remparts, ces châteaux d’un autre âge.
Alors ? Les mettre sous verre, comme des objets précieux, magnifiés par l’éclairage ? N’est-ce pas les vouer à une mise à l’écart, à un rang à part dans le tissu urbain, comme un bibelot sur une étagère, qu’on finit par ne plus voir ? Ou bien les reconsidérer en leur trouvant un usage respectueux de leur valeur ?
A Vernon, c’est cette dernière option qui a été choisie pour la Tour des Archives. Le vieux donjon du château de Philippe-Auguste, vieux de huit siècles, est devenu une sorte de cimaise géante. Et on lève à nouveau les yeux vers lui. Ces dernières années, on l’a vu se parer de drapeaux qui portent haut les couleurs de la Normandie. On l’a vu exposer des oeuvres d’art contemporain de grandes dimensions. Il sert de toile de fond à des spectacles et des feux d’artifices. Sa dernière mise en beauté a eu lieu le week-end dernier, à l’occasion du Téléthon.
Les pompiers ont eu la belle idée de vendre des ampoules, qu’ils sont allés accrocher avec la grande échelle en longues guirlandes pendant depuis le sommet de la tour. L’effet est spectaculaire, et un magnifique symbole d’espoir.
Les petits secrets du Mont Saint-Michel
J’en ai appris de belles sur le Mont Saint-Michel aujourd’hui.
Figurez-vous qu’il y a toute une polémique autour du crâne de Saint Aubert. Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? Pour la comprendre, il faut revenir à l’origine légendaire du Mont.
Selon la tradition, l’archange Michel (appelé abusivement Saint Michel, mais il semble qu’il ne se vexe pas) s’est dérangé personnellement pour réclamer son monastère.
Il est apparu en songe à l’évêque d’Avranches, Aubert. Avranches, vous savez, c’est la petite ville merveilleusement située sur un promontoire au-dessus de la baie du Mont Saint-Michel.
Donc, Aubert rêve que l’archange lui demande de lui bâtir une église sur le mont Tombe, l’ancien nom du Mont Saint-Michel. Mais au réveil, l’évêque doute : était-ce vraiment un message archangélique, ou un effet de son imagination ? La nuit suivante, Aubert refait le même rêve. Et doute toujours au réveil. Alors, l’archange lui apparaît une troisième fois en songe. Et pour mieux se faire comprendre, il touche Aubert.
La légende raconte que l’évêque a gardé toute sa vie une marque de ce contact. Le doigt de l’archange s’est posé sur sa tempe. Pas sur son front, à l’endroit où l’on se frappe quand on a une riche idée. Plutôt sur le côté, là où on fait toc-toc pour signifier un brin de folie. Ceci a son importance.
Oui, car la précieuse relique de saint Aubert, vénérée depuis le Moyen-Âge, existe toujours. Elle se trouve aujourd’hui à Avranches, où l’on peut voir un crâne très ancien, qui présente un défaut à l’os pariétal. Un trou.
Après qu’on eut longtemps crû qu’il s’agissait de la véritable boîte crânienne de l’évêque véritablement touchée par l’archange, la belle histoire a été fichue par terre au siècle dernier. D’après des analystes qui ont examiné l’ossement, il s’agirait plutôt du crâne d’un homme du néolithique ayant subi une trépanation. Récupération et détournement, en somme…
J’en étais restée à cette thèse un peu triste jusqu’à ce matin. Et puis, alleluia ! Amis du merveilleux, réjouissez-vous ! Aux dernières nouvelles, le crâne date réellement de la période de saint Aubert, et il présente des traces de kyste plutôt que de trépanation.
Le 21e siècle sera religieux ou ne sera pas.
Le musée d’Evreux
Le musée d’Evreux est logé dans l’ancien évêché de la ville, juste derrière la cathédrale.
Le palais épiscopal date de 1499, en pleine Renaissance. Sa façade arrière, assez austère, avait une fonction défensive, tandis que la façade côté cour présente un décor plus recherché, avec sa tour hexagonale et ses hautes lucarnes.
Le musée abrite des collections de beaux-arts, d’antiquités et au sous-sol une section archéologique principalement gallo-romaine.
Correspondance d’artiste
C’est un véritable trésor : plus de mille lettres, adressées à Monet entre 1879 et 1925 vont être dispersées dans une vente aux enchères après-demain. La vente aura lieu aux Champs Elysées à Paris, elle est organisée par Artcurial. Jusqu’à demain soir, on peut voir cette fabuleuse collection d’autographes à l’hôtel Dassault.
C’est comme si on lisait par dessus l’épaule de Monet.
Beaucoup de ses amis sont là : les critiques Geoffroy (260 lettres) et Mirbeau (145 lettres), les peintres impressionnistes Caillebotte, Cézanne, Renoir, Manet, Morisot, Sisley, Degas.
On retrouve aussi des amateurs, des médecins, des écrivains tels que Maupassant ou Guitry.
Mais le plus émouvant peut-être, c’est l’extraordinaire soutien que manifeste le marchand de Monet, Paul Durand-Ruel (250 lettres). Inlassablement, il l’encourage au travail, lui envoie de l’argent, sauf quand il n’a plus rien lui-même. « Je suis absolument sans argent comme vous. Je vous envoie donc ce soir seulement 50 Francs pour partager avec vous ce qui me reste. »
Voilà qui tombe mal : Monet est en train de s’installer à Giverny. Les lettres signées de Monet à son marchand sont absentes, mais elles sont publiées depuis longtemps. C’est donc un dialogue en filigrane que l’on entend. Année après année, Durand-Ruel croit en Monet envers et contre tout, avec une détermination admirable.
Giverny hors saison
A quoi ressemble Giverny hors saison, quand les musées sont fermés pour cinq mois ?
Certaines stations balnéaires paraissent mornes en hiver. Rien de tel ici. Quelque chose a changé, oui, mais à peine.
Le grand parking de la Prairie est vide, barrières closes. Ses touffes de graminées continuent de briller dans le soleil, à contre-jour. En face, le parking sous les pommiers accueille quelques voitures du personnel des musées, où le travail continue même en l’absence du public.
Rue Claude Monet, les galeries de peintures ont tiré leur rideau. Le restaurant de la fondation Monet, si joli en saison au milieu des fleurs, est fermé. Personne au Terra Café.
Les rues sont désertes, aussi normalement désertes que dans n’importe quel village des alentours.
A y regarder de près, on sent comme une tension qui se relâche : on est entre soi de nouveau. On a fini d’être observé, photographié. On peut laisser les portails ouverts, on s’autorise un brin de décontraction.
Le village se repose en coulisse et savoure cette détente. Mais l’entracte est long. En avril, les premiers touristes seront aussi attendus que le retour des beaux jours.
Porte de jardin
Avez-vous remarqué que les portes attirent beaucoup de photographes ? Il y en a même des sites entiers sur le web. De porte en porte à travers le monde, on voit défiler l’incroyable diversité du génie humain.
Dans la vraie vie, on en voit de charmantes en passant dans les ruelles qui donnent sur le côté jardin des maisons. Dans la région, les murs qui ceignent les propriétés y sont percés de portes dérobées, rustiques et sans prétention.
Qu’est-ce qui fait l’essence du charme ? Sur cette porte-ci, est-ce la grenouille qui sert de heurtoir, le numéro un peu de travers ? Si on les enlève mentalement, la porte garde son attrait.
Alors ? Les planches patinées dont la peinture s’écaille, la fente pour glisser le journal, la vieille poignée de fer ? Ou bien la découpe en dents de scie du haut, pour freiner les velléités de maraude ? Ou encore les dimensions réduites, et cette façon de se glisser entre les murs de briques ? La glycine et le lierre, qui annoncent comme des enseignes le jardin de l’autre côté ?
Aucun de ces éléments ne fait le charme à lui tout seul. Aucun ne semble avoir été longuement réfléchi pour créer un effet. Ils sont le fruit d’une intention qui n’était pas décorative.
La réponse s’impose d’elle-même : c’est une cohérence entre des traits faits pour s’entendre qui crée l’harmonie et qui fait qu’on s’arrête pour prendre une photo.
Le jardin blanc en hiver
Le jardin blanc du musée d’art américain de Giverny fait peau neuve pour la prochaine saison.
Nous l’avions visité au printemps et à l’automne. Le voici tel qu’il se présente après la fermeture du musée pour l’hiver.
Il est prêt à affronter le gel et la neige.
Il ne reste plus grand chose en surface, quelques touffes de vivaces rabattues et des iris taillés court.
Mais sous la terre, le jardin regorge d’invisibles promesses de racines, de rhizomes et de bulbes.
Le printemps les tiendra.
Le monsieur qui habite dans l’arbre
Il a un petit oeil rond, un gros nez, une bouche bienveillante et des bajoues.
C’est le monsieur qui habite dans l’arbre, à côté du cimetière de Vernon.
Le tilleul a peut-être une centaine d’années, son habitant guère moins.
Son grand âge lui donne une certaine distance par rapport aux choses de ce monde.
Peut-être que s’il voyageait en Afrique, le monsieur qui habite dans l’arbre se réincarnerait en baobab. Sous ses frondaisons se tiendraient les palabres, qu’il inspirerait de sa grande sagesse.
Coucher de soleil
Au milieu des vastes terres agricoles du Vexin, la Seine a creusé un sillon plus profond que les autres. Au fil des méandres, les bords de la vallée se rapprochent ou s’éloignent, toujours distants de plusieurs kilomètres. Les villes et les bourgs sont venus s’installer sur les bords du fleuve, qui a entraîné l’essor du commerce, de l’artisanat et de l’industrie. Sur le plateau, on trouve les villages à vocation agricole, plantés au milieu des champs à moins d’une heure de marche les uns des autres.
De Giverny, on aperçoit l’autre rive, beaucoup plus raide, orientée plein nord et couverte d’arbres. Elle s’étire en une longue bande sombre qui figure souvent à l’arrière-plan des tableaux de Monet.
A force d’être toujours borné par un horizon assez proche, on aspire parfois aux grandes étendues. Il suffit alors de quitter le fond de la vallée et de grimper sur le plateau. Le meilleur moment, c’est le coucher du soleil.
Je m’arrête sur une petite route de campagne au milieu des cultures et je laisse mon regard filer jusqu’au bout de cette mer de champs. Comme à la plage, on croit voir la courbe imperceptible de la Terre, ce qui permet de se remémorer sa taille, gigantesque mais finie.
Peu à peu, au-dessus de ces immensités, le ciel s’embrase.
Le lever du soleil joue un air de flûte, c’est Au Matin de Peer Gynt. Le coucher du soleil éclate dans les trompettes d’Aïda.
Le ciel invente des camaïeux de roses et d’oranges, tendus sur un dégradé de bleus. Spectacle grandiose qu’il se joue pour lui-même, indifférent à la présence ou non de spectateurs.
La lumière évolue insensiblement, en intensité et en couleurs. Le film est un court métrage, d’une vingtaine de minutes peut-être. Et puis, brusquement, cela s’éteint.
Quand Monet est-il mort ?
Claude Monet est décédé le 5 décembre 1926, il y a exactement 80 ans.
La plaque qui est apposée sur sa tombe de marbre blanc, à Giverny, témoigne de l’affection que lui portaient non seulement ses proches, mais ses contemporains.
Monet est mort à un âge avancé : 86 ans, après une vie toute entière consacrée à la peinture.
Ses derniers instants ont été réconfortés par l’affection de sa belle-fille Blanche et de son grand ami Georges Clemenceau, qui a recueilli ses dernières paroles : « Souffrez-vous ? » demande Clemenceau. « Non », répond Monet d’une voix faible, et il s’éteint quelques instants plus tard, dans sa chambre de sa maison de Giverny, où il a vécu 43 ans.
Il est décédé d’une affection pulmonaire incurable, « une lésion et un engorgement à la base du poumon gauche » décelés à la radiographie par son médecin, Jean Rebière. On peut penser qu’il s’agit d’un cancer du poumon dû à sa tabagie.
Claude Monet a été enterré le 8 décembre 1926 près de l’église de Giverny. Il y repose toujours, bien qu’il ait été question un temps de transférer sa dépouille au Panthéon.
Remplage
Dans les églises gothiques, les grandes fenêtres sont divisées par des remplages de pierre. Ces fines lignes dessinent des ajours à l’intérieur desquels prennent place les vitraux.
Des meneaux découpent le bas de la fenêtre en longues lancettes terminées en ogives. Elles sont surmontées d’un réseau plus travaillé.
Voici le réseau flamboyant d’une fenêtre basse de la collégiale de Vernon. Les quatres lancettes se terminent en ogives trilobées. Au-dessus, le réseau se divise en formes courbes et symétriques évoquant des flammes.
On distingue la barlotière dans le bas de la photo, en haut de la partie rectiligne des lancettes. Cette pièce métallique sertie dans la maçonnerie sert à fixer les panneaux des vitraux et à renforcer la solidité du vitrail.
Pour ceux que le sujet passionne, voici un site pour tout savoir sur le travail du vitrail.
GiVerNet a dix ans
On ne lèvera pas nos verres, on ne soufflera pas les bougies, mais c’est une date que je voulais partager avec vous, les internautes : l’association GiVerNet a dix ans. Le 3 décembre 1996, ses statuts étaient déposés à la préfecture de l’Eure.
Ce n’était guère plus qu’une idée alors qui avait germé dans nos têtes, une idée généreuse comme il y en a tant sur la toile : faire connaître la région de Giverny et Vernon par l’internet, en donnant la parole à ceux qui y vivent.
Nous ne savions pas que nous étions en train de nous embarquer pour une aventure au long cours. Nous avons construit une caravelle avec trois allumettes.
La création de l’association était l’aboutissement de six mois de travail, autour de la conception d’un embryon de site, nommé giverny.org. Nous y avons mis tout ce que nous aimions dans la région, la maison et les jardins de Monet, les peintres, les moulins, les châteaux, les musées, les sites archéologiques, et tout ce qui nous a paru utile pour les visiteurs, moyens de transport, restaurants, hôtels, gîtes, chambres d’hôtes…
Internet balbutiait en France, il fallait expliquer le web et l’e-mail. Mais internet intriguait. Nous avons rapidement été vingt, trente, cinquante dans l’association.
Le vrai succès de Givernet, ce sont les internautes qui l’ont fait, en venant nombreux, très vite. Au cours de la seule année 2006, vous aurez été un million à surfer sur giverny.org.
Le succès crée des obligations, infléchit des carrières professionnelles. C’est une aventure enthousiasmante, un défi quotidien qui demande technicité, créativité et vista. Il entraîne un bouillonnement de projets, capable de nous occuper quelques décennies encore…
Mais l’aspect le plus exaltant de cette aventure, c’est l’ouverture qu’elle donne sur le monde. C’est ce sentiment d’ouvrir virtuellement nos bras et d’y accueillir la terre entière. L’encouragement des milliers d’internautes qui ont écrit des messages chaleureux dans le livre d’or du site. Autour de nous, le soutien de tant de bonnes volontés, à commencer par la ville de Vernon.
Pour ces dix ans de partage, à tous, merci.
Aller à Rouen en train
Depuis Vernon, rien n’est plus facile que d’aller visiter Rouen par le train.
A force de prendre la voiture, on en oublierait comme c’est agréable de se laisser conduire, de regarder le paysage défiler, de somnoler et de rêvasser. Et de ne pas avoir à stationner.
Les trains les plus rapides mettent 28 minutes. En semaine, il y en a quatre le matin, mais il faut se lever tôt, le dernier de la matinée part à 9h04.
Sur le quai de la gare de Vernon, on a un peu l’impression d’être à contre-courant, comme un saumon qui remonte la rivière : des centaines de voyageurs se pressent en face pour aller travailler à Paris. Ils se ressemblent tous un peu, air sérieux, vêtements sérieux, attaché-case. Vernon, la porte normande, est-ce déjà la banlieue ?
En direction de Rouen, les voyageurs sont moins nombreux et plus jeunes, beaucoup d’étudiants eurois fréquentent les universités et les écoles de la capitale haut-normande.
En arrivant à Rouen, n’oubliez pas de vous retourner vers la façade de la gare. Inaugurée en 1928, c’est un magnifique bâtiment art déco, oublié des circuits touristiques, parce que, bien sûr, Rouen regorge de monuments et qu’il faut bien faire un choix. 250 bâtiments classés ! Vous en verrez quelques dizaines, et c’est déjà une orgie de gothique flamboyant et de pans de bois.
Le train est vraiment le moyen de transport idéal pour aller découvrir Rouen, parce que la gare est située en plein centre ville. Vous traversez la place et déjà, voici le donjon de Philippe-Auguste où fut enfermée Jeanne d’Arc. Il suffit de suivre la pente naturelle de la ville vers la Seine pour rejoindre la cathédrale, cette flèche qui dépasse au-dessus des toits. En face, à l’office de tourisme, on vous proposera des circuits à faire à pied. Si vous vous en tenez au centre historique, les distances sont courtes, et les richesses innombrables.
Récolte des betteraves
De loin, c’est un nouveau plissement de terrain, une petite chaîne montagneuse apparue soudainement à la lisière des champs. De près : un amoncellement de racines charnues, beiges, qui s’entassent en un terril végétal long parfois de plusieurs centaines de mètres.
La récolte des betteraves sucrières bat son plein dans l’Eure. La France est le premier producteur mondial de sucre de betteraves, une culture concentrée dans le nord du pays. Elle occupe une bonne place dans les terres agricoles de Haute-Normandie.
On doit son essor à Napoléon, qui cherchait un moyen de remplacer le sucre de canne lors du blocus de la France par l’Angleterre. C’est un Français, Benjamin Delessert, (pour un peu, il s’appelait Dessert…) qui a réussi à extraire le sucre de la betterave en 1812. Depuis, la betterave sucrière est devenue la première culture industrielle en France.
La récolte va durer plusieurs mois. Les racines sont arrachées, effeuillées et séparées de leur collet, puis stockées au bord des champs où les camions viennent les chercher à mesure des besoins de la raffinerie. La plus proche est celle d’Etrepagny, à une vingtaine de kilomètres de Giverny et Vernon.
Si vous trempez dans votre café un sucre Saint-Louis, il a peut-être été produit ici…
Fuchsia
Les fuchsias sont encore couverts de fleurs le long des rues de Giverny. Ils tiennent compagnie aux dernières roses qui s’entêtent à fleurir.
Ce Fuchsia de Magellan pousse dans la bordure fleurie devant le Musée d’Art Américain. On le reconnaît à ses longues fleurs effilées. Il vient de la Terre de Feu, ce qui en fait une plante très rustique, qui passe l’hiver en pleine terre sans problème.
La société horticole britannique du fuchsia recense plus de deux cents cultivars susceptibles de résister à cinq hivers consécutifs et refleurir fidèlement l’été.
L’entretien se limite alors à attendre le printemps, où on coupe les brindilles sèches. Si le gel a été rude, on rabat tout au ras du sol, et normalement, ça repousse vigoureusement.
Tous les fuchsias ne sont pas aussi faciles à vivre. La plupart descendent d’aïeux subtropicaux. Ils aiment être rentrés l’hiver, ce qui impose de les cultiver en pots.
La grande allée fin novembre
Fini, les splendeurs colorées des jardins de Monet à Giverny, les flots de capucines dans la grande allée… En un clin d’oeil, tout a disparu.
Il n’a pas encore gelé pourtant, ce qui est inhabituel si tard en saison. Mais les jardiniers de la Fondation Monet ont profité du temps clément pour nettoyer les plates-bandes, tailler les rosiers, diviser et replanter les vivaces, mettre en terre les bulbes…
D’autres équipes s’occupent de repeindre les bancs du jardin et les ponts japonais.
Le temps presse pour préparer le jardin en vue du printemps. Le travail ne manque pas, d’ici l’ouverture le 1er avril prochain.
Boules de Noël
Le vent a soufflé toutes les feuilles, mais il a laissé les dernières pommes, celles qui étaient trop haut perché dans les arbres pour qu’on les récolte. Rouges ou jaunes, elles pendent comme des boules de Noël oubliées.
Il y a quinze jours j’ai aperçu dans une vitrine un premier sapin. Ciel ! Déjà ? C’était un éclaireur. Le gros de la troupe est en train de suivre. Depuis que Noël est à moins d’un mois, des forêts jaillissent des trottoirs, d’autres remplissent les boîtes aux lettres.
L’offensive est lancée.
Je voudrais trouver des images moins guerrières, mais la perspective de la Fête m’évoque, chaque année, un combat à livrer, qui demande une préparation minutieuse. Il y aura, dans la maison familiale transformée en camp retranché contre le froid et l’hiver, des lits pliants partout, et assez de provisions pour soutenir un siège.
Et j’ai peur de cela, car je suis un piètre général.
Mais il y aura aussi des princesses, des princes, des chevaliers, et la perspective de leurs rires et de leur émerveillement me comble de joie d’avance et me donne l’énergie de partir à l’assaut.
Je vais faire entrer un bout de forêt dans la maison, le sapin sera tellement grand qu’il touchera le plafond.
Topiaire
Quand il ne monte pas la garde à l’entrée des cimetières, l’if est un végétal des plus accommodants qui se laisse tailler sans faire de façons.
Avec le buis, il est l’incontournable des jardins à la française, auxquels il apporte la rigueur géométrique jusque dans le végétal.
A Versailles, on en trouve partout dans le parc. Le long du grand canal, des topiaires sont intercalées entre les arbres. Leur taille évoque alternativement un monsieur et une dame, et c’est tout un peuple de courtisans qui semble attendre le passage du roi.
Devant le château, de plus traditionnels alignements de cônes soulignent des perspectives, tandis que des banquettes délimitent les parterres.
Mais ce sont les topiaires les plus fantaisistes qui arrêtent les visiteurs. Au bout de l’esplanade, les Martiens ont débarqué. Les petits hommes verts paraissent immobiles, mais il ne faut pas s’y fier. Leurs cinq sphères décroissantes dressées le long d’une antenne, ils marquent un temps. Ils s’orientent. La nuit, c’est sûr, ils doivent décoller et explorer les environs. Qui sait, vous les verrez peut-être atterrir dans votre jardin…
Mariage à Giverny
Il se passe des choses à Giverny que les gens du cru ignorent. Un mariage très médiatique vient d’y être célébré dans la plus stricte intimité. Il n’en met pas moins l’Amérique en émoi.
Lorelai et Christopher se sont dit oui après un bref et romantique séjour à Paris. Enfin ! Mais que va en penser Luke, qui est secrètement amoureux de Lorelai depuis toujours ?
Sur internet, on se déchaîne dans les forums. Les avis sont partagés. Un mariage à Giverny entre deux citoyens américains est-il valable ? Les époux ont-ils vraiment compris ce que disait l’officiant dans cette langue exotique, le français ?
On peut s’attendre à la prochaine annulation de la noce givernoise, car la vie de Lorelai et Christopher se nourrit de rebondissements. En effet, le couple n’existe que dans l’imagination des téléspectateurs de la série Gilmore Girls et de ses scénaristes.
La scène aurait pu être jolie, tournée à Giverny ou dans un autre village, mais le producteur n’a pas déboursé un dollar pour ce mariage : il s’est déroulé « hors écran ». Bref, on ne risquait pas d’entendre carillonner à Giverny.
Pourtant la nouvelle n’est pas aussi anodine qu’elle en a l’air. Elle révèle quelque chose de l’image que les Américains se font de Giverny. Le village de Monet est devenu un mythe d’un romantisme extrême, au point de supplanter Venise dans un tel scénario.
A quoi doit-on ce phénomène récent ? Aux « jolis » tableaux de Monet, au « joli » jardin mondialement connu, au côté petit village si bien préservé ? A la proximité de Paris ?
Quand on quitte le monde de la fiction pour celui de la vraie vie, se marier à Giverny devient très difficile si on n’y habite pas. Pour un mariage civil, il est obligatoire d’y résider depuis au moins 40 jours. D’ailleurs, il faudra bien tout ce temps pour effectuer les démarches nécessaires, et faire traduire les documents officiels…
Un mariage religieux à l’église catholique demandera encore une bonne dose de détermination pour constituer le dossier préalable. Et si les amoureux ne sont pas catholiques, il faudra qu’ils viennent avec leur propre officiant : le mariage à la chaîne à Giverny n’est pas pour demain.
Impression, soleil levant
17 décembre 2006 / 88 commentaires sur Impression, soleil levant
Une oeuvre qui fait date dans l’histoire de la peinture, et qui n’a pourtant demandé à Claude Monet que quelques heures de travail !
Cette toile est présentée pour la première fois au public lors de l’exposition de la « société anonyme des artistes peintres, sculpteurs, graveurs », en 1874. Ce groupe de trente artistes qui pour la plupart ne partagent pas les conceptions conventionnelles du jury du Salon officiel a décidé de monter sa propre exposition dans les salons du photographe Nadar, 35, boulevard des Capucines à Paris.
La toile, de dimensions moyennes (48×63 cm) est datée 72, mais elle a certainement été signée et datée après coup, au moment de sa vente. Selon les auteurs, elle aurait été peinte en 73 ou en 74, peut-être en janvier 1874 lors d’un séjour que l’artiste fait au Havre, la ville où il a passé ses jeunes années.
Monet loge dans un hôtel qui donne sur un bassin de l’avant-port, l’hôtel de l’Amirauté. « Qu’est-il venu faire au Havre ? » s’interroge Marianne Alphant. « Son père et sa tante sont morts, son frère habite Rouen ». Mais il a en tête de refaire des marines. C’est tout naturellement qu’il revient vers des lieux qu’il connaît bien.
Les couleurs traduisent cet éclairage éphémère du lever du soleil, quand les nuages, les brumes, les vapeurs diffuses, les reflets de l’eau se chargent d’une luminosité rosée.
Au premier plan, occupant la moitié de la toile, une vaste étendue d’eau bleu-rose, évoquée à grands traits, et mouchetée de petits touches horizontales d’un bleu soutenu, comme autant de vaguelettes. A l’arrière plan, on devine des silhouettes de grues sur des docks, de grands voiliers à quai, de cheminées d’usines.
Trois accents tranchent sur les surfaces douces, quasi aquarellées du paysage : le soleil qui se lève, orange, fortement coloré mais d’une intensité lumineuse moyenne, avec son reflet qui l’accompagne comme une traîne, et les deux bateaux à contre-jour, sihouettes noires en ombres chinoises.
On retrouve ici plusieurs thèmes chers à Monet : l’illustration de l’essor industriel du 19e siècle, la représentation de l’eau, l’inscription de la silhouette humaine dans le paysage.
Mais surtout, le tableau exprime pleinement la recherche essentielle de Monet : le rendu de l’instant, la perception lumineuse de l’atmosphère qui entoure les choses.
Plus tard, Claude Monet se souviendra de sa première exposition chez Nadar et fera cette confidence à Maurice Guillemot, journaliste de la Revue illustrée : « Le paysage n’est qu’une impression, et instantanée… J’avais envoyé une chose faite au Havre, de ma fenêtre, du soleil dans la buée et au premier plan quelques mâts de navires pointant… On me demande le titre pour le catalogue, ça ne pouvait pas passer pour une vue du Havre, je répondis : « Mettez Impression ».
Edmond Renoir, qui rédige le catalogue, complète par « soleil levant ». Le titre est donné.
Monet n’est pas le premier à utiliser ce terme d’impression, mais son tableau va le populariser, grâce aux commentaires ironiques du critique d’art du Charivari. Louis Leroy, par raillerie, qualifie d’Impressionniste ce nouveau mouvement pictural. Le nom reste, mais devient un titre de noblesse.
Impression soleil levant va passer de main en main, de façon singulière. Après l’exposition, la pochade est vendue en 1874 au collectionneur Ernest Hoschedé, pour le prix conséquent de 800 francs. Monet ne sait pas encore qu’il aimera bientôt et épousera finalement Alice Hoschedé, la femme d’Ernest.
Quand Hoschedé fait faillite, sa collection est dispersée lors d’une vente. Pour Impression, les enchères ne dépassent pas 210 francs. L’acheteur est de Bellio, qui la revend ensuite à Donop de Monchy, son dernier propriétaire privé. En 1957, Impression, soleil levant est léguée à l’académie des Beaux-Arts et conservée à Marmottan. C’est là qu’elle se fait dérober en 1985 ! Heureusement, on la récupère cinq ans plus tard, et on peut toujours l’admirer dans le musée parisien.