27, c’est le nombre définitif de tableaux de Monet qu’on peut voir à Giverny en ce moment. Ce nombre sied bien au département de l’Eure, dont c’est le numéro minéralogique. Le Conseil Général, qui est à la tête du nouveau musée, doit apprécier.
Depuis que l’exposition Monet du musée des Impressionnismes a ouvert, j’y vais presque tous les jours me repaître des toiles du maître.
Qu’est-ce que c’est, voir une expo ? Je regarde, je rêve, je ne suis pas sûre d’avoir bien vu. Il me faut revenir, encore et encore…
Comme au concert chacun a sa propre écoute, ici chacun a sa propre lecture des oeuvres présentées. Au-delà de l’analyse picturale, ce qui me touche en premier lieu, c’est la présence des toiles.
Ce sont des objets, mais des objets hors du commun. Elles sont. Elles vibrent. Je m’approche d’une toile à un mètre, presque à la toucher si, au bout de ma main, je tenais un pinceau. Voilà comment Monet appréhendait son tableau.
Les petits formats, les tableaux de chevalet, sont sous contrôle. Il les domine, les maîtrise. Mais les grands formats envahissent tout l’espace quand on est si près d’eux. C’est la confrontation directe de l’artiste avec la peinture, un face à face terrible. On sent dans ces toiles d’atelier la lutte du peintre avec l’art. Un duel entre une toile géante et un géant de la peinture.
De si près, le regard détaille chaque nuance de couleurs, glisse le long des coups de pinceau. A la fin de sa vie, Monet laisse libre cours à sa gestuelle. L’énergie créative qui l’anime et le tient debout la palette à la main à 80 ans passés jaillit en coups de brosse très libres. On peut sentir chaque geste grâce aux traces qu’ils ont laissées sur le tissu. L’acte de peindre s’y est figé pour l’éternité et s’offre au regard, chaque nuance portant témoignage du travail de l’oeil, de la main, du cerveau de Monet.
Parmi les 27 toiles, certaines sont très connues, comme les Nymphéas bleus d’Orsay qui quittent le musée parisien pour la première fois, d’autres appartiennent à des collectionneurs privés qui les présentent très rarement. C’est l’occasion de les admirer en vrai, et non pas sur des reproductions.
On a rarement un autre choix, mais idéalement on ne devrait jamais commenter les tableaux d’après des reproductions. J’avais parlé cet hiver, sans les voir en vrai, des Nymphéas bleus du musée d’Orsay. Depuis que je les ai sous les yeux, je me rends compte de plusieurs erreurs. Les réserves non peintes font le tour de la toile, elles n’occupent pas seulement un coin du tableau. Il est évident que c’est une volonté délibérée de Monet qui s’intéressait, d’après ses confidences, à la notion de vague, d’indéterminé, d’infini. Pas question d’arrêter la toile net au bord du cadre !
Et puis les Nymphéas bleus sont peut-être vraiment des nénuphars bleus. Cela ne fait aucun doute que c’est la tonalité générale du tableau. Mais en regardant de près on voit que les nénuphars présentent des touches de bleu turquoise, de blanc, de rose, de vert… Difficile de trancher sur la couleur de la fleur que Monet représentait, qui peut aussi bien paraître bleue parce qu’elle est dans l’ombre, comme le montre la photo ci-dessus.
C’est un débat de bien peu d’importance. Car à cette époque Monet s’est depuis longtemps détaché de la représentation du réel, de l’impression fugitive qu’il produit sur la rétine. Le motif n’est plus qu’un prétexte, un support à la création. Ce qui compte, c’est la peinture.
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Est-ce que c’est une expo temporaire ? Je suis allée à Giverny hier, j’ai trouvé le jardin très beau malgré la grisaille, je n’ai pas eu le temps d’aller au musée. Je vais y retourner une autre fois exprès. Je me réjouis fort de l’expo à venir sur Joan Mitchell.
comme d’habitude mon petit tour à Giverny est sompteux
Oui, l’expo Monet ne dure que jusqu’au 15 août, le nouveau musée n’a aucune collection. Il faut venir même si l’on a déjà vu une partie de ces toiles, parce qu’elles gagnent de leur confrontation, et parce que, disons le, le musée des impressionnismes est un lieu qui les met mieux en valeur, avec une belle qualité de lumière naturelle : la lumière qui a vu naître ces chefs-d’oeuvres.
Quelle photo! Quel bleu, quel ensemble de couleurs, de lignes/courbes…
J’aime beaucoup…
Merci ! Je n’y suis pas pour grand chose, c’est vraiment comme ça !