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A l’arrache

A l'arrache
Les massifs débordants de fleurs d’été offrent ce spectacle ébouriffant en ce moment à Giverny : une débauche d’annuelles de coloris proches mais de tailles, formes, textures, variétés différentes subtilement associées, de façon à ce qu’elles se répondent et se mettent en valeur les unes les autres. Les pétales sont utilisés à la façon de touches de peinture sur la toile, pour donner cette illusion de tableau impressionniste chatoyant.
Les couleurs chantent dans la chaleur estivale, comme autant de petites soleils en écho au grand. Pas deux fleurs semblables côte à côte, pour éviter toute impression de régiment et pour un maximum de naturel. Mais tout est planté, bien sûr, et plutôt trois fois qu’une.
Cette façon d’organiser les massifs si différente de ce dont on a l’habitude déroute, désarçonne et dérange. J’ai surpris ce commentaire d’un visiteur qui avait une idée bien arrêtée sur la façon de travailler des jardiniers de Giverny : « C’est planté à l’arrache.« 
Petite perle linguistique, d’un surréalisme involontaire. Visualisez-vous l’étrange méthode qui consisterait à essayer de mettre un plant en terre tout en l’arrachant, comique et absurde à la fois.
C’est planté à l’arrache, admettons, encore faut-il s’entendre sur le sens à donner à cette assertion. C’est le problème avec cette locution apparue récemment, et peut-être aussi l’avantage, chacun lui donne un peu le sens qu’il veut. Signifie-t-elle « rapidement et grossièrement, sans chercher à peaufiner » ? « Fait dans l’urgence et avec peu de moyens » ? Ou encore « sans préparation, sans précaution » ? Quoi qu’il en soit ces définitions recouvrent l’idée d’improvisation. Et c’est là tout le tour de force des jardiniers de Giverny, l’aboutissement de leur recherche : parvenir à recréer un aspect de naturel qui ait l’air totalement spontané. Tout est pensé, planifié, peaufiné, et pour finir on a l’impression que les fleurs ont poussé là comme par enchantement.
Cela va sans dire, si on les fourrait dans le sol telles que tombées de la brouette, on n’obtiendrait pas du tout le même rendu. Mais que certains visiteurs aient la naïveté de le croire, tout compte fait, c’est un compliment.


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