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Chenilles
Parce qu’elles rampent, qu’elles grouillent, qu’elles dévorent les feuilles et les fleurs des plus belles plantes de nos jardins, nous n’aimons pas les chenilles.
Et en même temps elles nous fascinent avec leurs élégances géométriques, à l’image de celles des papillons.
Alors faut-il leur faire la guerre à l’égal des limaces ou les admirer avec un oeil d’esthète ?
La réponse est sans doute dans le dialogue fameux entre le Petit Prince de Saint Exupéry et sa rose. Alors qu’il s’apprête à la mettre sous globe avant de partir, la rose refuse :
– Mais les bêtes
– Il faut bien que je supporte deux ou trois chenilles si je veux connaître les papillons. Il paraît que c’est tellement beau. Sinon qui me rendra visite ? Tu seras loin, toi. Quant aux grosses bêtes, je ne crains rien. J’ai mes griffes.
Elle se croit invincible avec ses épines… Prête à faire face aux tigres comme aux chenilles tigrées !
Carpe diem
Le Ru qui traverse le jardin d’eau de Monet est très poissonneux. Si vous avez l’oeil d’un pêcheur vous me direz quelle est cette espèce, qui a l’habitude de nager à contre-courant en marquant des points fixes. Des gardons peut-être ?
Le bassin de Monet à défaut de crocodiles héberge lui aussi de nombreux poissons, dont quelques beaux spécimens de carpes. Ce ne sont pas des carpes exotiques mais au contraire tout à fait indigènes, telles qu’on en trouve dans la Seine ou l’Epte.
Il y a quelques années la Seine a débordé. Nos carpes ont profité de l’aubaine pour s’en aller découvrir le vaste monde. Et de batifoler au milieu des prés, dans un lac qui semblait n’avoir pas de fin.
Hélas pour les carpes ce paradis n’eut qu’un temps. Un beau jour la Seine prise de fatigue décida de regagner son lit. Les carpes ne se doutant de rien se retrouvèrent piégées dans des flaques de moins en moins profondes. L’évaporation aurait fini par avoir raison d’elles. Mais heureusement, avant qu’elles ne périssent de leur étourderie, quelques bonnes âmes vinrent les sauver avec le secours de grosses poubelles, avant de les relâcher dans l’étang de Monet, où elles coulent des jours heureux, à voir la taille ventripotente qu’elles ont atteinte depuis.
J’aime bien les carpes, de braves herbivores paisibles, mais il y en a un qui n’est pas mon copain, c’est le brochet. Quelquefois on l’aperçoit qui profile sa silhouette inquiétante entre les nénuphars. Les petits poissons filent se cacher dès qu’ils voient frémir ses moustaches !
Le casier judiciaire du brochet est tristement bien rempli. Car non content de semer la terreur chez les pitchouns, il ne s’en prend pas qu’aux poissons. Figurez-vous qu’un couple de poules d’eau avait fait son nid sur le petit îlot au milieu du bassin. Quand les poussins naquirent, papa et maman les emmenèrent promener sur l’eau. Ce monstre de brochet les a tous gobés un par un.
Dis-moi si demain il fera beau
Pelotonné comme un chat, enspiralé comme un gastéropode, roulé en boule comme un hérisson, le mauvais temps nous souffle des envies de repli sur soi.
Et si on se mettait la tête sous l’aile, si on allait hiberner jusqu’au retour du printemps ?
On dormirait en oubliant la pluie, le vent et le froid.
Et on s’étirerait en bâillant à l’arrivée des premières jonquilles…
Limace
Je fais beaucoup de progrès en anglais ces temps-ci. Par exemple, j’ai appris à dire une limace : a slug.
Ca se prononce sleug, et rien que de le dire on fait déjà une grimace de dégoût.
Je trouve ça injuste pour ces pauvres limaces. Elles n’ont pas choisi d’avoir à se traîner pour avancer, de devoir produire pour ce faire toute cette bave qui nous répugne. Elles n’ont pas choisi d’avoir un régime alimentaire qui nous les fait détester. Slug.
Bien sûr, je suis comme tout le monde, les limaces me dégoûtent de façon irrationnelle. Pourtant il y en a de jolies en livrée tigrée, d’autres d’un roux qui n’a rien à envier à celui des écureuils. Elles aiment la pluie, elles sont humbles et voraces. Ca rime avec limace, tous les jardiniers en savent quelque chose.
A l’opposé nous avons une affection guère plus justifiée pour d’autres petites bêtes aux noms charmants : les coccinelles, les libellules, les hirondelles. Pourtant je suis sûre que si on allait y voir de près… Vous trouvez ça ragoûtant, vous, de se nourrir de pucerons ou de moustiques ?
Il n’y a pas plus goulu que les hirondelles en matière de mouches en tout genre. Les hirondelles, les grandes nettoyeuses du ciel : en anglais une hirondelle se dit a swallow, le même mot que le verbe avaler.
Fourmi
C’est dingue, la vie des petites bêtes. Les ressources énormes qu’elles ont – marcher au plafond, grimper sur des parois lisses et verticales, se faufiler dans le moindre interstice – et les obstacles insensés auxquels elles sont confrontées. Pensez-vous qu’on puisse se perdre à l’intérieur d’une pivoine comme sur un échangeur d’autoroute, que ses pétales denses vous fassent l’effet d’un labyrinthe ?
Mais qu’est-ce qu’elle est venue faire ici, cette fourmi ? Quel est son but, vers où court-elle au péril de la chute ?
Je l’envie un peu de pouvoir trottiner à même ces surfaces merveilleuses qui évoquent les fleurs en sucre des pâtissiers, mais là, franchement, elle me donne le vertige.
Grenouille ou crapaud ?
C’était d’abord une rumeur, il y aurait des grenouilles dans le bassin de Monet à Giverny.
Puis j’ai entendu un papa et son fils parler des deux belles grenouilles qu’ils avaient vues sur un radeau de nénuphars. Rendue sur les lieux qu’ils m’indiquaient, pas l’ombre d’un batracien en vue, hélas.
Ensuite, j’ai surpris un coâ sonore et répété, mais pas moyen d’admirer le ténor caché dans les roseaux.
Enfin, enfin, hier, je l’ai vue, tapie tout près de la berge. C’était l’heure du bain de soleil et la bête ne bougeait pas, j’ai pu l’observer et la photographier à loisir.
Comme vous pouvez le constater c’est un bestiau de belle taille, ce qui fait que je me demande si en fait de grenouille il ne s’agirait pas plutôt d’un crapaud. Si c’est une grenouille, elle est pourvue de cuisses dodues qui auraient fait le régal de la famille de Monet. On raconte qu’un jour les garçons avaient attrapé soixante grenouilles. Brrr… J’avais envie de les voir, mais de là à les imaginer grouillant comme une plaie d’Egypte…
Escargot
Il suffit que le temps soit humide, même s’il ne pleut pas, et voilà tous les escargots de sortie.
L’escargot est un ambitieux. Ce mollusque, conçu pour vivre au ras du sol, a le goût des cimes. Il grimpe, poussivement certes, mais il grimpe. Il colonise les pommiers.
Condamné à l’immobilisme les trois quarts du temps, il doit soupirer d’aise quand l’hygrométrie remonte. Voici venu le temps de se dégourdir le muscle et de se remplir la panse.
Dans le jardin de Claude Monet à Giverny, j’ai surpris celui-ci dans une position délicate, en équilibre sur une pivoine arbustive. Le poids de sa coquille va-t-il l’emporter et le faire dégringoler jusqu’à la case départ, tout au fond de cette jungle ? Comment va-t-il se tirer de ce mauvais pas ? Va-t-il glisser jusqu’au bas de la feuille pour passer sur celle d’en dessous, ou bien faire demi-tour vers la tige de la plante ?
Je n’ai pas eu la divine patience d’un escargot pour attendre le dénouement. Mais en capturant son image, je me suis demandée s’il y avait une conscience dans cette petite bête-là, une forme primitive de pensée. Vraiment, je me le demande.
Les abeilles de Giverny
Certaines visiteuses du jardin de Monet à Giverny entrent sans payer. C’est normal, elles viennent pour travailler. Distinguez-vous l’abeille en plein boulot au coeur de ce pavot ?
Des amis apiculteurs ont installé des ruches dans un coin sauvage de mon jardin. Celui de Monet se trouvant à une distance qu’une abeille parcourt aisément, j’aime à croire que c’est peut-être l’une de mes pensionnaires qui est à l’oeuvre, et que dans le miel de mes amis il y a un peu du nectar des fleurs de Giverny.
Hier j’étais invitée à assister à l’inspection des ruches. L’apiculteur fait sa visite en plein après-midi, quand ces demoiselles sont presque toutes dehors. Malgré cette précaution, il en reste encore plusieurs centaines dans chaque ruche. C’est impressionnant de les entendre bourdonner, et je n’étais pas très fière quand elles se posaient sur mon voile de protection, à deux centimètres de mon visage !
Il faut sans doute un peu de pratique pour s’habituer à leur proximité et ouvrir les ruches à mains nues comme le fait l’apiculteur.
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