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A Giverny avec Forestier – 4
Revue Fermes et Châteaux de septembre 1908 (N° 37), p 15. Article « Le jardin de M. Claude Monet » par J.-C.-N. Forestier. La photo est légendée :
Le bassin des Nénuphars entouré d’Iris et de Saules pleureurs. – Le pont de bois et son plafond de feuillage.
Le photographe a choisi spontanément le même angle que Monet pour ses tableaux du pont japonais : bien en face depuis la berge la plus proche. La route est à gauche, derrière la palissade recouverte de rosiers (et de clématites ?..). Les saules pleureurs plantés par Monet sont encore jeunes, et l’on en voit même un à droite, côté bambouseraie. Des masses d’iris ornent les berges.
Entre les îlots de nénuphars en fleurs, le photographe a capté le reflet arrondi du pont, qui forme comme un oeil. Monet, debout sur le pont, domine l’univers qu’il s’est créé. La glycine récemment plantée recouvrira bientôt toute la pergola en une scène printanière remarquable. Mais pourquoi Forestier, d’habitude si précis, parle-t-il d’un plafond de feuillage ?
La couleur des ponts japonais
Pont dans le jardin oriental du parc botanique de Haute-Bretagne
De quelle teinte sont les ponts en Extrême-Orient ? La couleur de celui de Monet ne cesse de faire débat, non seulement parce qu’il paraît plus bleuté sur les tableaux, mais aussi parce que, si c’était un vrai pont japonais, un pont vraiment japonais, il ne serait pas vert.
De quelle couleur serait-il alors ? Rouge, affirment certains. Et regardez comme c’est splendide, un pont rouge, et comme cette couleur complémentaire fait chanter les verts autour.
Mais voilà que j’ai des doutes. Des visiteurs de Giverny m’ont précisé que ce ne sont pas les ponts japonais qui sont rouges, mais les ponts chinois. J’en appelle à vous, chers amis globe-trotters, chers lecteurs de Chine, du Japon et d’ailleurs, merci de m’apporter vos lumières. Quelle est vraiment la vraie couleur des ponts authentiques de l’empire du Milieu et du pays du Soleil-Levant, et qui a influencé qui ?
C’est un débat, et ce n’en est pas un. Dans leur livre « Modes et tendances au jardin des années 60 à nos jours »*, Philippe Bonduel et Georges Lévêque analysent le goût pour le japonisme et l’exotisme extrême-oriental.
« Le jardin japonais est tellement pittoresque qu’il ne peut s’intégrer nulle part, sauf au Japon. Paradoxalement, c’est pourtant ce qui lui permet de figurer… partout, avec deux tendances principales : le faire figurer dans un jardin clos, (…) ou l’européaniser. »
Vouloir copier fidèlement le Japon, « ne serait-ce que pour des raisons purement climatiques, c’est de toute façon une mission impossible, l’Europe, à la différence du Japon, ne connaissant pas les moussons. »
Quoi qu’on fasse, beaucoup de plantes ne se plairont pas, il faudra adapter. Là encore, comme dans la restitution contemporaine de jardins du passé, c’est l’esprit qui importe, « le graphisme et les lumières comptent plus pour la vision purement paysagère souhaitée dans ce cas ».
Cette distance-là, c’était bien le goût de Monet. Dans ses créations horticoles et picturales, l’artiste s’inspire avec beaucoup de liberté des modèles japonais. En dépit des bambous, son jardin reste européen et même normand. Ses Meules qui adoptent les compositions données au mont Fuji par les artistes japonais, ne revendiquent rien du Japon. Elles restent des meules. Dans ce contexte, quelle importance peut avoir la couleur du pont ?
*Un régal, ce livre ! (éditions Ulmer) Les merveilleuses photos de Georges Lévêque illustrent magnifiquement le propos de Philippe Bonduel. On retrouve nombre de visions familières, par exemple pour le style années 60 « les massifs incrustés comme au scalpel dans un tapis vert sans défaut » ou encore « la supposée rocaille faite de vivaces perdues dans un éboulis de moellons ». On chemine à travers les tendances pastel et mixed-border, potager fleuri, vers le goût d’aujourd’hui pour la Prairie américaine et la conscience écologique. Que réservera demain ?
Le petit pont de bois
A l’extrémité du bassin de Claude Monet, un petit pont arqué fait écho à la passerelle qui enjambe l’étang à l’autre bout. Ici, pas de pergola ni de glycines. Le petit pont se remarque à peine, si peu cintré, si discret au milieu du vert.
Son reflet dessine un oeil ouvert, ou encore une bouche en train de happer tout ce qui flotte à la surface, à la façon d’une carpe.
C’est l’endroit idéal pour admirer la nappe d’eau piquetée de feuilles de nénuphars.
Le pont, situé en milieu humide et emprunté par des millions de visiteurs, a eu besoin de réparations cet hiver. Le tablier a été refait en belles planches toutes neuves.
Les visiteurs attentifs en font parfois la remarque. Le bois pas encore patiné leur rappelle qu’on est ici tout à la fois dans l’authentique et dans la réplique. Giverny ne cesse de se recréer, encore et encore.
Mais ce qui préoccupe encore davantage les visiteurs, c’est de savoir quel est le pont que Monet a réellement peint. Deux ponts à la japonaise, c’en est un de trop. Lequel est « le bon » ? Il ne se passe pas de jour sans que quelqu’un pose la question.
La glycine en fleurs
C’est en ce moment, à la mi-mai, que la glycine est la plus belle, dans le jardin d’eau de Monet à Giverny. Elle festonne le dessus du pont, et sa couleur tendre doublée par le miroir de l’eau se marie au vert environnant.
A vrai dire, elles sont deux à recouvrir la passerelle japonaise. La première à fleurir est toujours la mauve. C’est aussi la plus odorante, son parfum rappelle celui du jasmin.
Quinze jours plus tard, quand la glycine mauve finit par se faner, la glycine blanche prend le relais et déploie ses grappes tout en longueur. Le passage de témoin, assez bref, aura lieu dans dix jours environ.
Mais c’est sans doute ce week-end que les glycines seront les plus spectaculaires à Giverny. Car le musée des impressionnismes est sur le point de voir fleurir la sienne. Plantée du temps où le musée était consacré à l’art américain, cette glycine blanche conduite en pergola magnifie l’entrée de sa floraison extraordinaire.
Tous mes voeux !
Pour commencer l’année, voici une charmante dame à l’ombrelle sur le pont japonais de Monet !
Tous mes voeux de bonheur à tous, et tout particulièrement aux jeunes mariés.
Le 31 décembre n’est pas une date très habituelle pour convoler chez nous, mais dans l’autre hémisphère, c’est le plein été.
On a donc double raison de se souhaiter le bonheur, non seulement pour l’année qui commence mais pour toute la vie !
Si on aime les lieux symboliques, les jardins de Monet sont un bel endroit pour se dire et se redire qu’on s’aime.
Et quand l’amour est là, il transforme l’hiver en été et les parapluies en ombrelles.
C’est ce que je vous souhaite à tous, pour 2010 et pour toute la vie.
La passerelle
Après l’ondée, c’est l’heure des farces dans le jardin de Monet.
Le soleil rasant se glisse sous la passerelle pour aller éblouir les nymphéas de l’autre côté.
Le pont japonais, revêtu de sa tenue de camouflage offerte par l’automne, se prend pour les arbres dont il est issu. Il essaie de se fondre dans le décor.
La lumière devient pétillante, réfléchie par les millions de gouttelettes qui traînent encore dans l’air.
Les gouttes s’alignent sous les rambardes en bataillons bien rangés. Suspendues têtes en bas en équilibre, prêtes à se laisser choir, elles défient les lois de la pesanteur.
Les lattes du pont brillent, méditant des traîtrises.
Il ne pleut plus, mais les feuilles des arbres ont gardé des réserves d’averse qui n’attendent qu’une bourrasque pour surprendre l’innocent promeneur.
Alchimie lumineuse
Non, le pont de Monet n’a pas été repeint en vert jade cet hiver ! Il est toujours du même vert vif un peu dur. Mais dans la lumière rasante du matin, l’objectif le capte de cette teinte claire un peu bleutée.
L’objectif est-il objectif ? Quelquefois il est en dessous des possibilités de l’oeil humain, il écrase les blancs, les ombres, il voit flou. Mais souvent il se montre supérieur à nos capacités visuelles. Surtout, il n’est pas influencé comme nous par la connaissance préalable des choses, qui nous fait voir le pont vert parce que nous savons qu’il est vert.
Le miracle de l’oeil de Monet, c’est, entre autres facultés visuelles hors du commun, de savoir faire abstraction des images mentales préconçues pour faire l’effort de voir vraiment le motif qui s’offre à lui. Et surprise ! Ses ponts japonais sont de cette même teinte douce et bleutée que leur donne les rayons du soleil.
Epure
Quel émerveillement de retrouver le jardin de Monet à son ouverture hier matin ! Les rêves de son long sommeil hivernal flottaient encore autour du bassin, tandis que le jardin se réveillait doucement sous les baisers du soleil d’avril.
Le printemps commence tout juste à poindre, en petites touffes colorées de jonquilles et de pensées. Mais beaucoup de plantes, prudentes, attendent que l’air et le sol se réchauffent encore avant de risquer le bout de leurs petites feuilles tendres.
Cet entre-deux qui n’est pas encore le printemps triomphant et déjà plus l’hiver donne au jardin de Monet une atmosphère unique pour quelques jours seulement. Avant l’ouverture des bourgeons, avant que la verdure ne l’emporte et envahisse tout, le jardin s’offre comme une épure. Il a la beauté simple et sublime du nu.
Harmonie verte
A la demande de Tessa, voici une vue du pont japonais prise dans le jardin d’eau de Monet en fin d’après-midi, quand les ombres gagnent le bassin.
Même en octobre il reste encore beaucoup de vert pour se marier avec celui du parapet du pont.
L’harmonie très douce de la fin de journée se diffuse dans le jardin déserté, apaisante.
Monet s’est placé à cet endroit, dans l’allée, pour peindre quelques-uns de ses quarante-cinq tableaux du pont.
Notes fleuries
Poussés par la brise, des volutes invisibles vous enveloppent tout-à-coup. Le nez frémit, les poumons aspirent à grandes lampées des effluves suaves, épicés. La question se fait pressante, il faut y répondre toutes affaires cessantes : mais qu’est-ce qui sent si bon ?
C’est drôle comme l’expérience d’une odeur délicieuse et nouvelle n’est pas si fréquente. Et comme l’enquête à laquelle nous nous livrons immédiatement est impérieuse.
Je vais vous le dire, ce qui sent si bon, c’est la glycine au-dessus du pont japonais. Elle est à l’apogée de sa floraison, et ses longues grappes mauves chauffées par les rayons du soleil printanier exhalent une fragrance qui rappelle celle du jasmin. Mmmm ! On ne bougerait plus de là…
Mais la glycine n’est pas la seule à embaumer. Au rayon des parfums, elle a de la concurrence. En ce moment ce sont les azalées qui emplissent l’air de leurs notes fleuries. Pas besoin de se pencher vers les calices pour les sentir, sauf pour vérifier !
Plus discrètes, les roses demandent qu’on se rapproche. Quoi de plus merveilleux que de mettre son nez au coeur d’une fleur ? On devient papillon, abeille… Même Clemenceau le faisait, tout Père la Victoire qu’il était. Les roses, donc, chez Monet, ont ce délicat parfum des roses anciennes, à la fois envoûtant et désuet comme une eau de toilette d’autrefois.
Plus tôt en saison il y a eu les lauriers-tins, les jacinthes, les muguets, les lilas. Viendront cet été, ô merveille, les lavandes, les phlox… Leur parfum flottera dans l’air pour venir surprendre les visiteurs aux yeux gorgés de couleurs. Quand ils entreront sans s’en rendre compte dans l’aire parfumée qui s’étend autour de ces fleurs odorantes, ils marqueront l’arrêt en tournant la tête de tous côtés, à la recherche des responsables. Mmmm ! Mais qu’est-ce qui sent si bon ?
Sous le pont
Baissez la tête, on va passer sous le pont… Un des agréments du pont japonais que Monet a fait installer dans son jardin, c’est de donner du piment à la promenade en barque.
Malgré sa belle taille pour un bassin artificiel, on fait le tour de l’étang aux Nymphéas en quelques coups de rame. D’où l’intérêt de se glisser sous le pont pour découvrir le petit bras qui se cache derrière et qui conduit au Ru.
Par son aspect décoratif et exotique le pont japonais de Monet est une fabrique. Mais il est plus que cela, dans cet univers de reflets où le ciel, l’eau et le végétal se mêlent.
Il est la passerelle qui relie la terre ferme et l’île.
Il permet de marcher au-dessus de l’eau, au-dessus des reflets, de se trouver physiquement en un point improbable à un mètre de la surface, dans l’air donc, pour mieux brouiller encore les repères.
Sur le pont, il arrive qu’on ressente un vertige simplement en fixant les reflets des arbres et du ciel.
Le pont japonais
Le Bassin aux Nympheas, Claude Monet 1899, 90×90 cm, Art Museum, Princeton University, Princeton, New Jersey
Le jardin d’eau de Claude Monet à Giverny est orné d’un petit pont de bois qui enjambe l’extrémité du bassin, là où l’étang redevient un ruisseau prêt à se jeter dans le Ru.
La forme arquée de cette passerelle et de son garde-corps lui ont valu le nom de pont japonais. Bien qu’il ne soit jamais allé au Japon, Monet, comme nombre de ses contemporains, était fasciné par le pays du soleil levant. Son importante collection d’estampes japonaises, le décor japonisant de son service de table, le style bambou de certains de ses meubles en témoignent.
Des ponts figurent sur plusieurs estampes possédées par Monet, et il est probable que c’est là qu’il a puisé son inspiration au moment de créer son jardin d’eau. Peu soucieux d’une fidélité absolue au modèle, Monet l’a fait peindre en vert – dans un vrai jardin japonais, le pont aurait été rouge.
Monet débute en 1893 la création de son bassin, et fait d’abord construire un pont simple, sans tonnelle. Dix ans plus tard, il ajoute un support pour deux glycines dont les floraisons se succèdent, l’une mauve, l’autre blanche.
Principal élément architectural du jardin d’eau (agrémenté par ailleurs de cinq passerelles beaucoup plus petites) le pont japonais constitue le sujet de 47 tableaux de Monet. Il figure pour la première fois dans une oeuvre de janvier 1895, dix-huit mois après l’arrêté préfectoral du 24 juillet 1893 autorisant sa construction.
Mais c’est surtout en 1899 que Monet en tire des chefs-d’oeuvre, comme cette toile conservée au musée de l’université de Princeton, New Jersey.
Monet s’est placé au bord du chemin venant du clos fleuri. Le bassin apparaît beaucoup plus petit qu’aujourd’hui : le peintre l’a fait agrandir l’année suivante, en 1900, après avoir acheté une nouvelle parcelle de terrain.
Après la mort de Monet, le pont japonais comme le reste du jardin a souffert du manque d’entretien. Quand la restauration de la propriété a été entreprise cinquante ans plus tard, le pont n’était plus réparable. Une réplique exacte a été construite en bois de hêtre, essence courante dans les forêts de l’est de l’Eure.
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