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Un été à Vernon
Comme chaque année, la ville de Vernon affiche son programme estival, « destination Vernon », sur des affiches disposées aux quatre coins de la ville. En 2024, c’est le château des Tourelles et son parc qui sont mis à l’honneur. Les amateurs de sport sont invités à s’y rassembler pour suivre ensemble les JO (les paralympiques maintenant) sur écran géant, à l’heure du coucher du soleil. On aperçoit la forteresse du 12e siècle sur la photo, de l’autre côté de la Seine.
Vernon vu par Seb Toussaint
A l’occasion d’une promenade à pied sur le quai Jacques Chirac à Vernon, j’ai découvert cette belle fresque à l’arrière d’un garage. Elle a été réalisée en 2022 dans le cadre de l’exposition Courant d’Art, mais je ne l’avais pas encore remarquée. Je me suis demandé quelle devait être la taille d’une ville pour continuer à vous offrir de l’étonnement au fil des ans. Vernon a 25 000 habitants. Et j’ai constaté une fois de plus la routine de nos trajets.
Seb Toussaint est un street artiste engagé, et son message sur ce mur, je suis sûre qu’il le pense vraiment. Les deux mains symbolisent le rôle que l’homme doit jouer pour protéger la nature. En bas, la devise de Vernon, Semper viret, toujours vert. On reconnaît les nénuphars chers à Monet. En vert, des saules pleureurs, en jaune, une évocation de la pierre de Vernon avec ses silex. Et encore les flots de la Seine, et les veines du bois. Des matières.
Seb Toussaint a aussi travaillé à Argenteuil sur le thème des impressionnistes en s’inspirant de tableaux de Claude Monet, Alfred Sisley et Gustave Caillebotte. La petite vidéo sans paroles sur sa fresque explique bien l’hommage rendu à leurs oeuvres. On y trouve même les pots bleus des tableaux du jardin de Monet à Argenteuil.
Mais le plus extraordinaire, c’est son projet Share the word (partagez le mot) qui l’a mené de bidonvilles en camps de réfugiés pour peindre sur leurs murs un mot suggéré par les habitants. C’est une façon de donner la parole à ces oubliés de la Terre. Le street artiste séjourne longuement sur place, il se lie avec les gens, et il crée de la beauté sur les maisons en partageant des mots venus du coeur. De l’humanité avec un grand H.
Après avoir vu son travail en Mauritanie, en Colombie, en Palestine, je suis fière de le voir célébrer aussi ma ville. Nous avons beau être des privilégiés comparés aux personnes que Seb Toussaint rencontre, ces mots, ces valeurs, ces couleurs qu’il peint sont universels, et l’urgence climatique nous rappelle que nous ne sommes qu’une même famille, celle des habitants de la Terre.
Vernon la nuit
La féerie règne devant la mairie, face à la maison du Temps jadis et à l’église,
et un faux grand sapin composé de centaines de petits, tous poussés à deux pas d’ici, dialogue avec la collégiale Notre-Dame. C’est le joli temps de l’Avent.
Rue Carnot, près du musée, voici la la maison du père Noël, oeuvre de particuliers passionnés. Merci de nous faire rêver !
Vernon par Georges Morren
Bien après Le Bord de l’eau à Vernon de Monet, daté de 1883, ou La Collégiale de Vernon de Robinson, exécutée en 1888, le peintre belge Georges Morren installe à son tour son chevalet sur la rive droite de la Seine face à la collégiale de Vernon en 1928.
Loin des empâtements de Monet, Morren joue avec la teinte de la toile laissée visible entre les touches de peinture. Cette technique excelle à rendre l’atmosphère laiteuse d’un soir d’été. Morren fait partie des post-impressionnistes, et l’on voit à sa touche divisée qu’il a regardé Seurat, Signac et van Rysselberghe. La peinture paraît effleurer à peine le support, un rendu qui fait penser au pastel ou à la craie.
Morren a choisi de représenter une anfractuosité de la berge au premier plan, sans aller toutefois jusqu’à nous montrer où lui-même a ses pieds. Nous voici comme suspendus au-dessus de l’eau, ce qui crée un sentiment étrange et déstabilisant. L’ensemble est harmonieux et doux, d’une vibration très particulière.
La piscine d’été
Je ne voudrais pas laisser croire qu’il fait souvent un temps de chien dans notre coin du val de Seine. Cette semaine, quand je suis passée devant ce panneau, le ciel était exactement tel que décrit par le dessinateur de l’affiche 2021 de Destination Vernon, à croire que les nuages avaient posé pour le dessin. Le genre de ciel « travaillé », comme disent les graphistes, celui que les logiciels de retouche d’images vous proposent pour remplacer d’un clic votre ciel uni supposé être d’un ennui total.
Cette année, ce n’est plus le Vieux Moulin qui est mis à l’honneur, mais la rive gauche, celle du centre ville. L’illustrateur a représenté l’endroit même où se passent la plupart des animations, le site de l’ancienne piscine d’été en bord de Seine.
Ah ! La piscine d’été ! C’est un souvenir cher au coeur des Vernonnais. Dans l’élan de la Reconstruction de l’après-guerre, elle avait été creusée en bord de Seine, près des tilleuls immortalisés par Monet dans les vues de la collégiale de Vernon. On les aperçoit sur la gauche du dessin. C’était là que l’on venait faire trempette dans la Seine jusqu’aux années 50, un lieu connu comme la Plage de Vernon. Y installer la piscine flambant neuve faisait sens.
La piscine d’été, non couverte, ne fonctionnait qu’à la belle saison. Les années caniculaires, elle faisait le plein, les étés frais, seuls les plus mordus allaient grelotter au bord du bassin. Elle avait son pendant, la piscine d’hiver installée près du lycée, couverte et sans espace extérieur.
La piscine d’été était dotée d’un plongeoir d’où les plus intrépides pouvaient sauter dans l’eau après une chute de 4 mètres. Je ne me souviens plus de sa couleur, sans doute béton brut, ou ivoire, un ton auquel on ne fait pas attention. Le cadre était splendide, l’emplacement accessible à pied. Mais la modernité de l’équipement n’a pas duré. Dans les années 1990, on rêvait d’espaces nautiques, de toboggans aquatiques… Des fissures sont apparues dans le bassin, construit sur un terrain meuble. Une dernière fête nautique a marqué la fin de la piscine d’été. Les Vernonnais vont maintenant se baigner dans un complexe couvert où les baies s’ouvrent sur des pelouses, hors de la ville.
Depuis 2014, le site a été aménagé pour la flânerie en bord de Seine. Le bassin a été comblé, remplacé par un miroir d’eau en pavés gris où des traits blancs évoquent les anciennes lignes d’eau. Un siège de maître nageur, haut perché, surveille cet espace où personne ne risque plus de se noyer. Le plongeoir a été conservé. On lui a retiré son échelle et il a reçu une peinture rouge éclatante qui en fait une oeuvre d’art urbain un peu spéciale. Des jets d’eau intermittents animent la surface, à la joie des jeunes enfants. Quand ils s’arrêtent, le miroir reflète avec équanimité le ciel du val de Seine dans toute sa variété, qu’il soit bleu, gris ou parcouru de nuages floconneux.
Destination Vernon
Le programme des animations de l’été à Vernon a fait l’objet d’une affiche qu’on a pu voir un peu partout dans la ville. Le dessin fait la part belle à l’emblème de Vernon, le Vieux Moulin. Le panneau ci-dessus se trouvait tout près du site lui-même. On aperçoit le moulin à l’arrière-plan de la photo.
Comme beaucoup de Vernonnais, j’ai tout de suite aimé cette affiche pleine de joie de vivre. Elle est signée Raphaël Delerue. Dans une interview accordée au Démocrate vernonnais, le graphiste avoue adorer le côté sexy des pin-ups des années 50-60. Ses créations mettent en scène « un homme et une femme, le début d’un histoire d’amour… » dans un cadre qui caractérise une ville.
Comme dans les affiches de la Belle-Epoque, le vélo et le canotage sont mis en avant, propositions de loisirs pour se la couler douce en val de Seine… En regardant bien, on voit que la jeune femme promène son chien et son chat dans le panier de son vélo, détail improbable mais qui fait sourire. L’humour de l’artiste est contagieux, tout comme le sourire de ses personnages.
La mairie de Vernon
Cette façade orientée au Nord-Est restera à l’ombre tout l’hiver. Mais pour l’instant, le soleil se lève encore assez loin pour éclairer la mairie de Vernon en début de matinée.
L’hôtel de ville a été construit en 1895 par un maire nommé Adolphe Barette, qui trouvait la précédente maison commune trop modeste à son goût. Il souhaitait un monument plus à même de représenter le pouvoir civil face au pouvoir religieux symbolisé par l’église. La collégiale de Vernon est située juste en face sur la même place.
Le style néo-classique est bien dans le goût de l’époque, et pourtant la mairie a fait polémique en son temps. Ses détracteurs la qualifiaient « d’énorme pâté ». Presque aussi profonde que large, il est exact qu’elle occupe tout un pâté de maison. Les bâtiments préexistants ont été impitoyablement rasés pour lui faire place.
Une grande roue à Vernon
Une grande roue est installée à Vernon jusqu’au 19 mai. Tout en douceur, elle emmène voir la ville d’en haut…
C’est un panorama qui rappelle celui depuis la tour des Archives, sans avoir à en monter les cent marches : les toits des vieux quartiers, la collégiale, la mairie, et de l’autre côté le pont sur la Seine et les collines de Vernonnet.
Vernon la nuit
Les nouveaux éclairages des monuments ont valu un prix à la ville de Vernon, le prix « Lumières ». En ce moment les nuits sont violettes et orange au château des Tourelles et au vieux moulin,
Une boutique 100 % terroir
Voici la toute nouvelle boutique de l’office de tourisme de Vernon ! Elle est située dans la maison du Temps Jadis à côté de la collégiale. J’ai eu un coup de coeur pour l’aménagement style campagne et pour la sélection de produits locaux très qualitatifs et originaux. Elle donne envie de fureter et de tout essayer.
A côté des classiques jus de pommes, cidres et caramels, on trouve des gâteaux faits d’après une recette de Monet,
Du rouge pour les sapins
C’est une mini forêt de sapins qui a poussé à Vernon pour les fêtes, par les mains non pas de mon maire mais du service des espaces verts. Pour changer un peu du « Vernon toujours vert » qui est la devise de la ville, les jardiniers municipaux ont opté pour le rouge. Le Père Noël appréciera. Voici le côté pile de l’installation, avec la maison du Temps Jadis à gauche et l’église collégiale à droite.
La Poste aux chevaux à Vernon
Ancien hôtel du Grand Cerf à Vernon, place Chantereine
Du temps où Vernon était cernée de murailles, le Grand Chemin de Paris à Rouen traversait la ville de part en part. En venant de Mantes, on entrait dans Vernon par la porte de Gamilly, l'actuelle place de Paris, et on en sortait à la place Chantereine. Sur cette distance de moins d'un kilomètre le voyageur d'avant la Révolution trouvait pas moins de dix-huit établissements où il pouvait passer la nuit.
Le Palais de la Nouveauté
Une publicité peinte en bon état de conservation orne un mur donnant sur la place Barette à Vernon, juste à côté de l’Hôtel de Ville. On peut y lire les coordonnées du Palais de la Nouveauté, qui affirmait offrir « le meilleur marché de tout Paris ». A 70 km de la capitale, une publicité pour un grand magasin ? C’est qu’autrefois
Le vieux moulin de Vernon
Voici une photo peu connue du Vieux Moulin de Vernon que j'ai dénichée dans une brocante. Selon l'historien local Jean Baboux à qui j'ai demandé d'expertiser ma trouvaille, elle a été prise dans les années 1930, au moment où le moulin appartenait à un Américain, Mr Griffin.
Vernon-Giverny, gare impressionniste
Ce barbu au regard perçant qui orne la porte de la gare de Vernon a un air de famille avec Claude Monet. Il a été son contemporain et son ami, peintre lui aussi, et presque son voisin… Vous avez trouvé ? C'est Camille Pissarro, impressionniste et néo-impressionniste, qui s'installe à Eragny-sur-Epte près de Gisors quelques mois après l'arrivée de Monet à Giverny. Pissarro ne quittera plus le village situé à une trentaine de kilomètres de Giverny.
La fin des moulins
Autrefois, sur les ponts, il y avait des moulins. Souvent on ne sait pas très bien quand leur construction a commencé, ni quand ils ont cessé de fonctionner. A Vernon en revanche, ces deux évènements sont précisément datés.
En 1196, Philippe-Auguste, qui vient de s’emparer de Vernon, fortifie le pont sur la Seine. Pas question de moulin alors : le pont est un ouvrage militaire, sis à la frontière du Duché de Normandie, à deux pas des Andelys où Richard Coeur de Lion est en train de bâtir Château-Gaillard.
Tout change en 1204 : après la mort du roi d’Angleterre, le roi de France prend la forteresse andelysienne et envahit la Normandie.
Plus besoin d’un pont fortifié au milieu du royaume de France ! Philippe-Auguste récompense ses compagnons les plus fidèles en leur octroyant des concessions de moulins et de pêcheries sur les arches du pont de Vernon. Un acte passé en 1204 au bénéfice d’un certain sieur Platras est arrivé jusqu’à nous.
La meunerie en Seine s’est poursuivie jusqu’au 19e siècle, très exactement jusqu’au 29 octobre 1849. La veille, elle faisait encore vivre une dizaine de familles, grâce à cinq moulins qui ressemblaient beaucoup à notre Vieux Moulin, le dernier rescapé. Du jour au lendemain, les meuniers sont privés d’emploi. Le courant manque pour faire tourner les roues et les meules, car on vient de mettre en eau le barrage de Notre-Dame de l’Isle, en aval de Vernon.
Ce barrage est le tout premier ouvrage construit sur la basse Seine. Beaucoup d’autres viendront.
En 1849, le fleuve n’est pas encore régulé. Il est plus large et moins profond, tout encombré d’îles. En été, le tirant d’eau est de 80 cm à peine. L’aménagement de la Seine va permettre de faciliter la navigation et de limiter les effets des crues. Le chenal recreusé sera plus profond. Les matériaux rejetés sur les côtés vont créer de nouvelles berges.
Le seul hic avec le barrage de Notre-Dame de l’Isle, c’est qu’on a omis de prévoir une indemnisation pour les meuniers vernonnais. Ceux-ci entament alors une extraordinaire bataille juridique contre l’Etat, qui va les mener deux fois devant la cour de Cassation et deux fois devant le conseil d’Etat, et qui fera jurisprudence. Les tout derniers soubresauts de l’affaire sont datés de 1869… vingt ans plus tard. Mais l’histoire finit bien, les meuniers auront gain de cause et seront indemnisés rétroactivement.
Et le Vieux Moulin ? Nommé moulin Duvivier, du nom de son dernier propriétaire et meunier, il daterait de 1478. Situé du côté « calme » de la Seine, il a échappé à la démolition. Il a eu la chance de rester habité assez longtemps pour se maintenir en place jusqu’aux années 1970. Il était alors bien fragile. Mais la conscience patrimoniale, qui est allée grandissant au fil du temps, était devenue assez forte pour que la ville de Vernon se lance dans son sauvetage.
Merci à Jean Baboux, du Cercle d’Etudes Vernonnais, dont la conférence sur « la fin des moulins du pont de Vernon » est à la source de ce billet.
Les toits de la Reconstruction
C’est d’en haut qu’on le voit le mieux. Les toits des quartiers du centre ville de Vernon n’ont pas la même couleur.
Voyez-vous l’église, presque au milieu de la photo ? A sa droite, un enchevêtrement de toitures aux teintes brunes et rouges, édifiées au fil des siècles et couvertes de tuiles.
A gauche de la collégiale, des rangées bien alignées de couvertures d’ardoises qui s’étirent jusqu’à l’avenue matérialisée par ses tilleuls taillés. C’est le Vernon reconstruit dans l’après-guerre, tout ce quartier ayant été détruit par les bombardements et l’incendie de juin 1940.
Les architectes de la Reconstruction ont bien opté pour la petite tuile brune de temps en temps, mais on le remarque à peine tant l’ardoise domine.
Après avoir été chic et noble jusqu’au 20e siècle, elle est devenue brusquement populaire. Les immeubles contemporains en sont presque toujours couverts.
L’ardoise présente sûrement des avantages techniques et budgétaires pour évincer sa concurrente. Mais elle est moins locale, il faut la faire venir d’assez loin.
Difficile de résister à la banlieusardisation des villes de la grande couronne parisienne.
L’uniformisation des goûts et des pratiques paraît inéluctable.
Couleurs d’automne
Toute la vallée de la Seine a brusquement roussi. Voici les couleurs qu’elle arborait cet après-midi à Vernon. Le château des Tourelles jouait à cache-cache derrière les arbres de l’île du Talus, et le soleil en faisait autant avec les nuages !
Très réduit depuis le dragage de la Seine, l’îlot a joué un rôle important par le passé, puisque le pont de Vernon y prenait appui. On y habitait, on y pêchait, on y avait même mis les malades avant que Saint-Louis ne s’en émeuve.
C’est là, au pied de l’arche marinière, que les chevaux de halage hissaient à grand peine les bateaux qui remontaient le cours du fleuve, d’où son autre nom d’île aux chevaux.
De toute cette splendeur passée, il ne reste plus qu’un bout de quai en train de s’écrouler dans l’eau, tandis qu’une végétation spontanée à l’étonnante diversité est venue conquérir le restant d’île tout à fait sauvage aujourd’hui.
Vernon, soleil couchant
Si les cités américaines se caractérisent par la silhouette de leurs gratte-ciel, leur skyline, on chercherait en vain, dans bien des villes françaises, l’ombre d’une tour de plus de dix étages.
Ce sont les édifices du Moyen Âge qui ressortent. A Vernon, la collégiale Notre-Dame se dresse à l’horizon, encadrée à gauche par le clocheton de la mairie, à droite par les drapeaux de la tour des Archives.
Sur l’autre rive, la Seine vient lécher les prés de Vernonnet, formant une petite plage de sable désormais accessible par un sentier de randonnée.
C’est presque l’angle choisi par Monet pour sa première vue de la collégiale, avant qu’il opte pour une série dans l’axe de l’église.
Un coucher de soleil sur un plan d’eau a toujours un effet apaisant. Les cygnes glissent, le temps s’écoule. Qu’ailleurs il y ait la guerre, des forêts qui brûlent, des gens qui souffrent, tout cela paraît difficile à croire.
Et puis, un moustique vient vous vrombir aux oreilles, désagréable messager de l’imperfection du monde.
Il est temps de rentrer.
Le bal du 14 juillet
J’étais venue juste pour faire quelques photos au coucher du soleil.
Et puis, dès l’entrée dans le jardin public où le bal du 14 juillet était organisé, je me suis laissé emporter par l’ambiance festive et détendue, et je suis restée jusqu’à la fin.
Il y avait des ballons bleu blanc rouge accrochés aux grilles, des guirlandes et des lampions.
Sur la scène installée au pied de la tour des Archives, à l’emplacement du jeu d’échec dont on avait à peine repoussé les pièces dans un coin, un groupe excellent jouait des standards avec sincérité.
Sur la piste, des couples de danseurs tourbillonnaient dans un style impeccable. D’autres plus maladroits regardaient leurs pieds. Une petite fille en robe de tulle courait après un ballon.
La tour des Archives, heureuse d’être de la fête, prêtait son gros ventre à la projection de lumières. Tout en haut, une brise agitait les drapeaux et les faisait flotter en rythme avec beaucoup d’à propos. Le mur d’enceinte et les bâtiments autour du jardin créaient un espace intime sur lequel tombait la nuit.
Il faisait agréablement doux, une petite bulle d’été qui venait tout juste d’arriver alors qu’on n’y croyait plus. On savourait ce temps suspendu, ce petit miracle d’harmonie urbaine, sans oser respirer trop fort de peur qu’il ne s’envole.
– Vous reviendrez l’année prochaine ? a demandé quelqu’un dans le public.
Même avant, j’espère.
Feu d’artifice
« D’éblouissants feux d’artifice allaient mêler aux étoiles leurs panaches de feu ».
C’est du Maupassant. C’est beau, cette petite citation, n’est-ce pas ? Il n’y a pas un mot à changer pour décrire le spectacle pyrotechnique d’hier soir, tiré sous un ciel enfin dégagé.
Guy de Maupassant, écrivain haut-normand, critique d’art, a été un grand ami et admirateur de Monet.
Rien de nouveau sous les étoiles, donc, tous les 14 juillet. Pour changer un peu de point de vue, je suis montée sur la colline Saint-Michel.
L’escalade avec le matériel photo dans la pénombre s’est avérée un peu dangereuse, mais le paysage était à la hauteur, si j’ose dire. La nuit tombait sur la vallée de la Seine, la ville de Vernon brillait déjà de toutes ses lumières. De là-haut, le château des Tourelles ressemblait plus que jamais à la Bastille. Un endroit rêvé pour tirer un feu d’artifice, d’autant plus qu’on peut aussi l’admirer depuis le pont ou de l’autre berge de la Seine, et qu’on profite alors des reflets.
Mais pourquoi faut-il qu’à chaque fois la musique pleine de feu et de panache de la Guerre des Etoiles vienne se mêler aux éblouissants feux d’artifice ?
Le lycée de Vernon
C’est presque les vacances… Les établissements scolaires s’apprêtent à entrer dans leur sommeil estival.
Au lycée de Vernon, voilà déjà plusieurs jours que le grand campus de 14 hectares est déserté, juste au moment où il est le plus beau avec ses grands arbres qui semblent échappés de la forêt toute proche.
Cet après-midi, pourtant, le lycée Dumézil a connu un petit sursaut d’animation avant de s’endormir pour l’été. On voyait des cohortes de jeunes à la mine anxieuse se presser vers la caféteria et se pencher, les sourcils froncés, sur de longues listes de noms. Et puis, le plus souvent, le soulagement, les cris de joie, les rires au bout des portables. Et parfois, l’amertume, et des pas qui s’en vont pressés loin de toutes ces démonstrations bruyantes.
C’est la vie comme elle va, doit se dire de là où il se trouve le grand philologue Georges Dumézil, cet érudit de l’histoire des religions et des civilisations indo-européennes qui maîtrisait une vingtaine de langues aussi improbables que l’ossète, le gallois, le persan et le turc.
S’il revenait aujourd’hui, je crois qu’il trouverait cela très bien que son nom ait été donné à un établissement où les jeunes se consacrent à l’étude, mais qu’il ne lui déplairait pas non plus d’y retrouver le calme propice à la réflexion.
Demain le silence sera retombé sur le lycée Georges Dumézil. Le grand totem de pierre qui, du milieu de la pelouse, veille sur les 2100 élèves, va pouvoir baisser la garde, et se contenter de servir de perchoir aux petits oiseaux.
Maison bizarre
Ce bâtiment est en train de devenir une star de l’internet dans les sites qui recensent les maisons les plus étonnantes à travers la planète.
A force d’être tous les jours sous leurs yeux, il n’épate plus du tout les habitants de Vernon. Pourtant, sa curieuse position à cheval sur deux piles de pierre a de quoi intriguer. Pourquoi avoir construit cette maison en équilibre à cet endroit ?
Claude Monet, qui l’a peinte depuis son bateau-atelier l’année de son installation à Giverny, en 1883, devait ignorer son nom, puisqu’il a simplement appelé le tableau qui la représente « Maisons sur le Vieux Pont à Vernon » (New Orleans Museum of Art, Louisiana).
Tout devient logique quand, comme les Vernonnais, on connaît son nom et son ancienne fonction : le Vieux Moulin.
Avant l’invention de la machine à vapeur, l’eau était l’une des sources d’énergie les plus abondantes et les plus faciles à utiliser. On bâtissait des moulins partout, le long de la moindre rivière, mais aussi sur la Seine. La présence d’un pont était une aubaine qui facilitait la construction du moulin. Celui de Vernon daterait du 16e siècle.
On peut encore voir à Andé ou à Muids de très anciens moulins sur le fleuve avec leur roue pendante, capable de s’adapter à la hauteur variable du niveau de l’eau. Celle du moulin de Vernon a hélas disparu, ce qui lui donne cet air bizarre et énigmatique.
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