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Des soleils à l’infini

A Giverny, la plaine des Ajoux est couverte de milliers de fleurs de tournesols en plein éclat. Certains ont l’air de sourire.

Du parking de la Prairie jusqu’à la Seine, ce n’est qu’une étendue jaune.

Les cyclistes qui utilisent la véloroute pédalent au milieu de ces champs éclatants de couleur. Belle entrée en matière !

On pense à Van Gogh, bien sûr, en oubliant que les tournesols ont aussi inspiré Claude Monet.

Les sortilèges des bois de Giverny

bois-jacinthes

Début avril, le ciel déverse son trop plein de bleu dans les bois.
Dans les collines de Giverny, des tapis de jacinthes sauvages se dépêchent de fleurir avant que les feuilles des arbres ne poussent et les maintiennent à l'ombre pour le reste de la saison.

(suite…)

Sonner la cloche

Cloche d'entrée
A la campagne, beaucoup de maisons sont encore équipées d’une cloche à l’entrée, comme celle-ci photographiée dans les rues de Giverny.
C’est un geste familier de tirer sur la chaîne pour faire tinter la cloche. Il faut y aller franchement. Les novices ont tendance à hésiter et ne produisent qu’un chatouillis muet.
Vous tirez donc d’une main ferme sur la chaîne de la cloche, et le tintement résonne, de la voix particulière de cette cloche-ci.
Au moins, vous êtes sûr d’avoir sonné, pas comme avec ces sonnettes électriques qui déclenchent un carillon à distance, inaudible depuis la rue, si bien que vous vous demandez si on vous a bien entendu, si la sonnette fonctionne, et que vous hésitez à sonner de nouveau, pris entre la crainte de déranger et la peur de rester ignoré pendant cent sept ans sur le trottoir.
Pas de souci, donc. Vous patientez tranquillement. Les maisons sont grandes à la campagne, il faut du temps pour les parcourir, pour franchir des portes et des escaliers. Mais vous n’êtes pas pressé. Ici, on a le temps.
Les étrangers s’étonnent et s’amusent des cloches aux maisons. Elles leur paraissent archaïques peut-être. Beaucoup sont des as du digicode, mais n’ont jamais tiré à une cloche de leur vie. Ils ont besoin qu’on leur explique comment faire. Ils essaient, ils rient, épatés de produire tout ce bruit.
Dans notre monde empli des sonneries électroniques des téléphones, la cloche annonce l’arrivée d’une personne en chair et en os, qui sollicite de vous rencontrer pour de vrai. Vous vous hâtez. Il ne faudrait pas la faire attendre. Qui cela peut-il être ?
Il devait y avoir une ou des cloches à la maison de Monet autrefois. Elles ont disparu dans la restauration, remplacées par des portiers électroniques.
Le temps des cloches touche à sa fin dans notre région. De plus en plus les cloches sont doublées par des sonneries électriques, parce que c’est ce que les visiteurs cherchent des yeux : un bouton à presser. S’il y a une cloche, ils ne la voient pas. Ou alors ils la croient décorative. Quand il n’y a qu’une cloche, il y a quelque chose qui cloche.

Pomologie

Exposition pomologique à GivernyCette science, je n’en avais jamais entendu parler avant de vivre en Normandie. Ici la pomologie concerne le plus souvent les pommes. On est donc enclin à croire qu’elle se limite à elles et par conséquent tenté d’écrire ‘pommologie’ avec deux m, mais le mot n’en prend qu’un. C’est l’étude des fruits, du latin pomus, le fruit.
Une exposition pomologique vient de se tenir à Giverny, dans l’ancienne gare transformée en salle des fêtes. Dans ce lieu qui fut fréquenté par Monet, les fenêtres dessinent des tableaux de ses paysages.
A peine la porte franchie, on est assailli par une puissante odeur de pomme issue de dizaines de variétés mêlées. Cultivées par le verger-conservatoire de Saint-Clair-sur-Epte, des pommes de toutes espèces, couleurs, formes et aspect sont présentées dans des assiettes étiquetées.
Combien y en a-t-il ? Peut-être une centaine de variétés, et cela a déjà de quoi faire tourner la tête, mais ce n’est pourtant qu’un échantillon des quelque 20 000 cultivars que la nature a inventés.
On parcourt les tables, on lit les noms des fruits. C’est tout un voyage. Rien à voir avec l’étal du marché : ici les pommes sont des individus, avec des têtes, des personnalités, une histoire, et non pas des clones interchangeables. Il y a en elles cette complicité de l’humain et de la nature qui date d’avant l’ère des machines et des engrais. Elles ont été nommées comme on nomme un enfant, et non pour mieux se vendre. Pigeon blanc d’hiver, pigeon commun, croquet, reinette parmentier, gros vert, cramoisie de Gascogne, grand Alexandre, glacée d’hiver… Voici l’api étoilé à la si jolie forme pentagonale. Et voici les reinettes, goûteuses et sucrées, mais défense de toucher !
Quelques passionnés s’attachent à conserver les variétés qui ont régalé nos aînés mais qui ont depuis déserté les étals. Outre le fabuleux réservoir de gènes qu’elles représentent, elles ont de multiples qualités, la première étant d’être parfaitement adaptées au terroir. A leur aise dans l’écosystème, elles résistent à tous les temps et toutes les maladies sans traitement. Ce sont les pommes commerciales qui sont les plus fragiles.

Les yeux dans le vide

Champ labouré à GivernyCa ressemblait à du rien. Non pas que cela ne ressemblait à rien, c’était même tout le contraire : cela aurait pu être n’importe où. Dans la brume qui finissait par se lever à 11 heures du matin et qui gommait les lointains, le paysage des champs de Giverny près de l’Epte était si vide que j’ai hésité à faire la première photo. Cela valait-il la peine de saisir le rien ?
Le regard cherche un motif où s’accrocher. Quelque chose de joli. Quelque chose d’anthropomorphique, comme un arbre tout seul nous évoque la solitude, ou une rangée de peupliers fait songer à une farandole.
J’ai pensé à Monet, combien il aimait ces heures de brume. La dissolution du motif si fréquente dans ses toiles, sa banalité, son inimportance. Ce qui compte : les valeurs de couleurs, la lumière qui baigne le paysage, l’air qui enveloppe les choses. Tant de toiles de Monet ne donnent rien à voir d’autre que, nous semble-t-il, un morceau de peinture. Le motif n’est qu’un prétexte à peindre.
En plein milieu des champs que Monet a représentés, sur les chemins qu’il a dû parcourir, j’essaie de sentir ce qu’il ressentait. L’air encore doux de l’automne emplit les poumons. Il y a cette qualité de silence particulière à la nature, un silence plein de souffles, de bruissements, d’appels émis par des êtres dont nous ne comprenons pas la langue, et le ronronnement de la route au loin. Je tends l’oreille, et le silence se peuple de sons.
J’admire l’audace de Monet à se lancer dans le vide. Monet donne à voir le presque rien, et bien entendu, il y voit quelque chose. C’est mon regard habitué à ce paysage qui le trouve vide. Ailleurs, bien loin, là où l’homme s’acharne à cultiver des lopins dans les pentes les plus folles, cette terre à blé fraîchement labourée, riche et plate, donnerait sans doute à rêver…

Dessiner un chêne

Panneau didactique dessiner un chêne
Panneau didactique dessiner un chêneDessiner un arbre, ça vous dit ? C’est ce que propose un panneau installé dans la forêt de Bizy à Vernon, juste en face d’un beau chêne centenaire.
Si vous êtes un artiste né, vous n’aurez pas besoin de cette aide dans le choix du motif, ni des explications détaillées mises à disposition des novices. Mais vous apprécierez peut-être le banc et la surface plane…
Muni d’une feuille et d’un crayon, installons-nous. Il faut, explique l’auteur malheureusement anonyme de ce panneau, prendre le temps de bien observer ce qui caractérise l’arbre, comme ses branches qui serpentent vers le ciel.
Puis on procède à la mise en place du motif, aux retouches, on grise avec des hachures pour figurer des ombres, et enfin on donne du contraste avec un crayon gras. Résultat sympa, n’est-ce pas ? Ca a l’air si simple vu comme ça…
Cette activité fait partie d’un sentier de découverte des arbres de la forêt de Bizy qui permet d’apprendre à reconnaître les différentes essences présentes, plus nombreuses qu’on ne l’imaginerait. C’est une jolie initiative, plus paisible que les activités sportives suggérées tout au long du parcours du coeur.
Dans ces forêts périurbaines, on est dans la nature, bien sûr, mais l’homme a laissé partout sa trace. Les espèces d’arbres ne doivent rien au hasard, les allées pas grand chose aux animaux. Et le « mobilier forestier », bancs, panneaux, agrès, se fait de plus en plus présent.
J’ai reçu il y a quelques jours le dernier ouvrage de Jean-Michel Derex « La Mémoire des forêts », sous-titré « A la découverte des traces de l’activité humaine en forêt à travers les siècles » (éditions Ulmer). J’avais complètement oublié avoir fourni une photo du cénotaphe de Saint-Mauxe pour ce livre…
Au fil des pages, c’est une balade rafraîchissante sous les futaies à la recherche des usages d’autrefois, du charbon de bois aux mâts des navires, des colombages aux poteaux télégraphiques. On braconne, on vénère, on a peur du loup, et même, tout à la fin, on sort ses pinceaux à Barbizon.
Jean-Michel Derex a arrêté son étude dans le passé, au milieu du 20e siècle. Comme son livre donne une furieuse envie de marcher dans la forêt, même en plein mois de décembre, j’ai filé à Bizy à la recherche des traces humaines. Dans cette ancienne forêt de chasse, c’est toujours l’usage de loisir qui domine, revu au goût du jour.

Bande originale

Giverny, maiLe printemps a réveillé tous les sons de la nature. Dans le jardin de Monet, l’air vibre des appels des grenouilles, du chant des pinsons, des cocoricos des coqs. Les coucous se répondent, l’un dans la vallée, l’autre sur la colline, avec la régularité de pendules suisses.
Ces bruits si faciles à identifier quand on vit à la campagne sont des énigmes pour certains visiteurs citadins. Beaucoup n’ont jamais entendu de grenouilles et les prennent pour des canards.
Ils sont surpris par les sons, mais je dois dire que je suis encore plus surprise par leurs questions. « C’est des bruits enregistrés ? Vous avez mis des haut-parleurs ? »
Leur distance avec la nature me peine. Ils ont oublié que ces sons de la campagne peuvent être tout simplement réels.
Cette promptitude à penser que tout vient de l’humain m’interroge, à l’heure où de plus en plus de personnes vivent en ville. Dans un cadre urbain où tout est conçu par la main de l’homme, comment ne pas se sentir tout-puissant ? On en oublierait que nous ne pesons pas grand-chose face aux forces de la nature.

Inversement, dans cette perception déformée de la réalité, je suis étonnée de la quantité de gens, et pas seulement des enfants, qui prennent mon iris artificiel pour un vrai. J’évite de le sortir pendant la saison des iris. Je l’ai troqué pour un nymphéa en tissu, et on me demande, le plus sérieusement du monde, comment j’ai fait pour aller le cueillir au milieu du bassin.

Forêt de Bizy

La forêt de Bizy à VernonA tous ceux qui aiment :

la solitude dans la nature,
marcher où bon leur semble,
déjeuner sur l’herbe,
apprendre le nom des plantes,
courir ou laisser les enfants le faire,
pouvoir emmener le chien,
se garer sans se casser la tête,

bref, un vrai moment de liberté et de détente au vert, à dix minutes de Giverny, la forêt de Bizy offre tout cela.
Vous me direz, il y a moins de fleurs, c’est vrai, mais observez qu’il y a beaucoup plus d’arbres !
La ville de Vernon vient d’inaugurer un sentier de découverte sensorielle qui invite à toucher les feuilles et jouer du xylophone, qui explique comment dessiner la forêt, et présente les différentes essences d’arbres qui la composent.
Après le bain de foule de Giverny, une petite balade en forêt, ça ressource…

Vue d’oiseau

Vallée de l'Epte à Giverny Ce n’est pas la roche de Solutré, mais j’aime bien, de temps en temps, faire la grimpette qui mène au sommet de la colline de Giverny.
Comme à Château-Gaillard où la vue donne envie de voler, le regard survole, tel un oiseau, les vallées de la Seine et de l’Epte.
Rien de spécial dans ce paysage doux, fait de prés, de champs, de bouquets d’arbres d’où émergent des maisons, et cela pourrait sembler presque banal, s’il n’y avait dans l’air quelque chose de léger, et dans le ciel ces couleurs pâles, tendres et indéfinies, qui donnent à certains jours de ce pays un charme si particulier.
Cette photo a été prise il y a un mois, au coeur de l’automne, et l’on devine que les terres brunes offriraient au printemps la vision de plaines toutes ensoleillées de colza.
On est ici aux confins de l’Ile de France. La colline où nous sommes est dans l’Eure, tandis que le village où mène cette route toute droite, Limetz-Villez, est situé dans les Yvelines.
La limite, c’est la rivière d’Epte, quelque part au milieu des arbres.

Après la moisson

Round ball
Les balles rondes ou parallélépipédiques produites mécaniquement ont depuis longtemps remplacé les meules chères à Claude Monet. Mais leur géométrie continue à séduire les peintres.
Dans les champs de blé tout juste moissonnés, elles s’alignent à intervalles réguliers sur le chaume court, et leur blondeur s’harmonise au bleu du ciel.
Après des mois cheveux au vent, la terre s’est fait faire une coupe à ras.
Dans l’Eure, les moissonneuses batteuses terminent la récolte des dernières parcelles, dans des nuages de poussière. Les grains de blé détachés au fur et à mesure des épis s’entassent dans les remorques, tandis que les tiges, devenues paille, quitteront le champ un peu plus tard.
La paille des balles rondes deviendra sans doute litière pour le bétail. En Normandie, les élevages ne sont pas loin.
Autrefois les enfants se servaient de ces pailles, creuses et ligneuses à souhait, pour faire des bulles de savon. Il suffisait d’en demander poliment une à la fermière en allant chercher le lait.
L’odeur de la paille de blé est caractéristique, une odeur chaude et un peu irritante qui sent l’été et la moisson. Mais c’est l’odeur des foins que l’on a envie de humer à grandes inspirations, ce parfum délicieux de l’herbe qui sèche.
C’est un bonheur éphémère de juin, quand, à la faveur d’une période de beau temps, les agriculteurs fauchent les prairies et retournent plusieurs fois l’herbe coupée pour la faire sécher au soleil.
Le foin, il finira dans la mangeoire des vaches qui s’en régaleront à la mauvaise saison.
A l’époque de Monet, on en faisait aussi des meules, aux formes molles et incertaines, moins régulières que les meules de blé. Aujourd’hui, le foin lui aussi se stocke en balles rondes ou rectangulaires, d’un vert délavé plutôt que d’un blond paille.

Peigne fin

Plaine des Ajoux, Giverny Bientôt les premiers bourgeons, les petites feuilles, c’est si mignon quand c’est petit.
La nature a de la tendresse dans ses ébauches.
Et de l’ordre.
Dans la plaine des Ajoux qui s’étend au pied de Giverny, les futurs épis de blé sont alignés comme à la parade, les champs bien peignés.
Ce sont les semoirs mécaniques qui produisent ce joli paysage strié.
Autrefois, quand on semait du geste ample de la semeuse du franc, les grains tombaient n’importe comment, implantés en vrac comme les cheveux sur la tête.
Ça devait ressembler à une espèce de grande pelouse, les champs de blé en herbe.

Germaine et Suzanne

BarquesUn petit clin d’oeil aux belles-filles de Claude Monet, Germaine, la plus jeune des filles Hoschedé, et Suzanne, la plus jolie…
Clin d’oeil involontaire puisque ces deux barques ont été photographiées bien loin de Giverny, au Grand Port d’Aix-les-Bains, sur le lac du Bourget.
Elles disent à quel point ces deux prénoms aujourd’hui désuets ont été populaires en leur temps.
La mode s’en est maintenue longtemps, jusqu’au début du 20e siècle. Qui n’a pas une tante Germaine dans sa parentèle ?
Gageons que les deux prénoms ne tarderont pas à revenir sur le devant de la scène.
En attendant, ils datent ces deux belles barques de bois, dont j’imagine les propriétaires un peu âgés, amateurs de pêche à la ligne et respectueux du matériel.
Les couleurs, pourtant, n’ont rien de classique, et composent un tableau qui aurait peut-être inspiré le maître de l’impressionnisme.

Les petits chemins creux

Chemin creux, Saint-Pierre d'AutilsLa Normandie est le royaume des petits chemins de campagne. Dans la vallée de la Seine, ils s’insinuent jusque dans les quartiers résidentiels ou ils sont baptisés sentes et quadrillent les pentes de passages inattendus, formant tout un réseau parallèle aux voies bitumées.
Mais dès qu’on s’éloigne de la ville, les sentes redeviennent des chemins creux. Des barrières rustiques en bois ou des haies champêtres pleines d’églantines, de mûres et d’aubépines, bordent des prairies broutées aussi ras que des pelouses.
Par quelque bout qu’on les prenne, on finit toujours par arriver dans un bois d’un côté, dans un village de l’autre. Côté bois, en cette saison, rien n’arrête les rayons du soleil qui viennent danser entre les branches et donner plus de rousseur encore au tapis de feuilles de l’automne dernier.
Côté village, les chemins se glissent le long de vénérables granges de pierre, de murs en bauge ocre, et deviennent chemin des écoliers les jours de semaine.
Tôt ou tard, un ruisseau glougloute, pressé, petite source jaillie des pentes qui se hâte de rejoindre la Seine.
On ne suivra pas son exemple. On marchera d’un pas mesuré, les yeux ouverts sur le paysage qui se déploie dès que l’on monte un peu vers la crête de la colline. C’est toujours à mi-pente que les châtelains, pas fous, ont posé leurs châteaux, au milieu de parcs si vastes qu’on ne sait plus où ils finissent, et où commence la forêt.

Le chemin de la Seine

Arc-en-ciel Le trésor est au pied de l’arc-en-ciel, dit-on. Ici, il a pris la forme de cette double rangée de piquets tout neufs au milieu du pré. Ils bordent le chemin qui vient d’être ouvert au public et qui mène de la route de Giverny jusqu’à la Seine.
Juste au niveau du panneau indiquant la sortie de l’agglomération de Vernon, un petit parking a été aménagé côté colline. En face, les prés s’ouvrent maintenant aux promeneurs.
Ce fond de vallée était autrefois un chapelet d’îles séparées par de minces bras du fleuve. Les terrains sont d’un seul tenant maintenant, mais le dessin de ces anciennes voies d’eau se lit encore dans le relief du chemin, tout en creux et en bosses.
De chaque côté, des prés à vaches, des rangées de saules, des trembles qui frissonnent, bavards. En dix minutes à peine on atteint le bord de l’eau.
La prairie se termine en escarpement. En contrebas, la Seine lèche de minuscules plages sableuses. C’est un joli coin pour se prélasser un moment, ou déballer son pique-nique au soleil.
On peut, de là, regagner Vernon par la berge (l’inverse est également possible au départ du pont, derrière le stade), ou préférer revenir sur ses pas. Le retour offre des points de vue inhabituels sur la côte Sainte-Catherine et le mont d’Heurgival (qui dériverait d’Or git val, le val où git de l’or : un arc-en-ciel a dû s’arrêter par là autrefois !).
Une fois arrivé au parking, la voie verte s’étire au pied de la colline pour prolonger la promenade vers Giverny ou vers Vernon.

Butiner

abeille à Giverny

Vous venez d’arriver sur cette page, vous êtes sur le point d’y passer un instant ?
A tous les lecteurs qui viennent butiner sur la toile, bienvenue, et bon miel !
Les fleurs de Giverny se sont parées de leurs plus beaux atours, d’amples volants vermillons, des froufrous roses, des pompons bleus…
Elles se tendent vers le soleil, prêtes pour l’atterrissage des abeilles.
Quel trampoline ces dernières vont-elles choisir ? Celui-ci, puis celui-là ?
Il y a de quoi faire tourner la tête.
Le parfum des roses emplit l’air.

Mort-bois

Petit radeau Le vent n’a pas eu en Normandie la violence dont il a fait preuve dans le sud-ouest. Ici il a fait tomber quelques branches, mais il a épargné les vieux arbres.
Dans les jardins, quand l’herbe se mettra à pousser ce bois mort sera un piège pour la tondeuse, il faut donc le ramasser. Si on a la fibre écolo, on l’entasse dans un coin où il ne gêne pas pour offrir le gîte et le couvert à de minuscules organismes en début de chaîne alimentaire. On peut aussi en faire des oeuvres d’art ou lui donner une deuxième vie comme radeau.

Tout ce bois mort qui jonche le sol, cela aurait été une aubaine autrefois, quand on allait ramasser en forêt de quoi se chauffer. La coutume normande autorisait les riverains à se servir gracieusement et sans autorisation préalable, mais seulement en bois mort. Le bois vif, celui qui porte des feuilles et des fruits, était réglementé.
Et puis, morbleu ! il ne fallait pas confondre le bois mort et le mort-bois. Cela sonne comme bonnet blanc et blanc bonnet, mais pas du tout.
Le mort-bois est du bois bien vivant, comme son nom ne l’indique pas. Le mot est une corruption de « mauvais bois ». Selon la charte aux Normands, il désignait le bois de faible valeur car ne portant pas de fruit, à savoir le saule, les épines, les genêts, etc. Selon les coutumes locales les riverains avaient ou non le droit de s’en servir pour « clore leur héritage » ou pour d’autres usages.
petit radeau flotte sur l'eauIl ne faisait pas bon enfreindre ces règles. Les tribunaux avaient à connaître un très grand nombre de conflits liés à l’usage de la forêt. Et les amendes pleuvaient. On imagine la manne financière, bien avant l’invention du radar automatique.
Aujourd’hui si on passait un examen de ramassage de bois, je crois qu’il y aurait pas mal de recalés. Ce qui n’a aucune importance puisque la règle est devenue super simple : même le bois mort, on n’a pas le droit de le prendre. Il est indispensable à l’équilibre de la forêt de Normandie et d’Ile de France, qui, nous dit-on, en manque beaucoup.

Quelle robe ce soir ?

châtaignier Il suffit, en forêt, de se pencher vers les jeunes châtaigniers de l’année pour s’apercevoir que la coquetterie leur vient au berceau.
Vous croyez qu’hésiter sur le choix d’un vêtement, d’une couleur, est réservé aux humains ? Ecoutez ! Ces deux arbrisseaux-là sont en grande conversation. Ils parlent chiffons. Ils ont vidé l’armoire, tout étalé sur le lit, et ils en sont aux essayages devant le miroir.

– Et si je mettais les trois en même temps, le jaune, le vert et le marron ? Tu trouves pas que ça fait un peu Arlequin ?

– Non non, regarde comme ça me va bien…

Toute l’année ils ont porté l’habit vert, mais on se lasse des plus beaux atours, et la mode d’automne moins académique leur paraît plus seyante.
Une façon de mettre une pointe d’originalité dans le tableau dont ils ne sont qu’un élément aux mutations périodiques.

Rousseur d’automne

arbre en automne à GivernyL’automne arrive comme un faux-monnayeur, avec ses valises pleines d’or et de rouille.
En Finlande, m’ont raconté deux visiteuses de Giverny, c’est la saison de la rouska. Elle débute à la mi-septembre et se prolonge pendant un mois, jusqu’à l’arrivée des grands vents de l’automne qui balayent les dernières feuilles des arbres.
Les Scandinaves aiment aller voir les arbres s’embraser. La rouska est la pleine saison touristique, comme au Canada. Les arbres prennent des teintes fabuleuses, tandis que des baies rouges se répandent au sol et forment un tapis écarlate qui répond aux feuilles des arbres.
Cela doit être beau, cette rouska, et si proche puisqu’Helsinki n’est qu’à deux heures trente de vol de Paris…
C’est fou le pouvoir évocateur des mots. En trois phrases les Finlandaises qui me parlaient de l’automne dans leur pays ont fait naître des images merveilleuses. Quel mot magnifique, rouska…
Je ne sais pas si je verrai ce spectacle un jour, mais tout en marchant dans les rues de Giverny je rêve de cet ailleurs à peine évoqué.
L’herbe est toujours plus rousse dans le pré voisin, même quand on vit dans un paysage qui fait beaucoup rêver, autre part sur la planète.

La tour de Piseux

Chateau d'eauJe sais, c’est un jeu de mots facile. Quoiqu’on puisse en penser d’après la photo, la tour de Piseux, elle, est droite comme un I. Normal quand on contient de l’eau !
Piseux se trouve dans le sud de l’Eure, tout près de Verneuil sur Avre, une région de plaine riche en châteaux d’eau. Certains sont décorés de magnifiques fresques, comme celui-ci. On peut y voir une biche dans une clairière à l’automne, tandis qu’un cerf décore l’autre côté de la tour.
Les scènes bucoliques sont fréquentes, c’est le genre qui veut ça. Cet après-midi j’ai aperçu un autre château d’eau du côté de Marcilly la Campagne qui représentait la moisson, et vous vous souvenez peut-être du geste auguste du semeur sur celui de Caillouet Orgeville.

Fleur bleue

Champ de lin en fleur Autant le colza est incontournable au printemps, avec son jaune acide omniprésent qui vous saute à la figure, autant le lin joue la discrétion. Pour peu que la pluie vous tienne à l’écart des chemins de campagne pendant une ou deux semaines, et vous ratez la courte mais si jolie période où il est en fleur.
Si le colza fait masse, le lin est mousseux et léger. Sa floraison saupoudre les champs d’une traînée de petites étoiles bleues tombées du ciel et accrochées au sommet de courtes tiges toutes fines.
Comment quelque chose de si délicat peut-il produire une fibre aussi solide ? Le processus de transformation est long et un peu mystérieux, comme celui qui fait naître les papillons, ou les bons petits plats en cuisine.
Beauté éphémère : vous apercevez un champ qui ressemble à celui-ci à deux heures de l’après-midi, vous le retrouvez tout vert à six heures du soir, toutes ses fleurettes fanées.
C’est une beauté qui s’offre et se refuse en même temps. Vue de près, la fleur de lin ne paie pas vraiment de mine, toute petite et toute simplette. Ce n’est qu’en portant le regard au loin qu’on la voit devenir cette nappe d’azur. De près, même pas de quoi être tenté de faire un bouquet.

Microcosmos

MoussesMalgré les apparences nous voyons mieux d’un peu loin que de près. Ce qui est petit, au ras du sol nous échappe. Il faut faire un effort pour se baisser, descendre nos yeux d’un bon mètre et regarder.
Si nous étions des insectes rampants, nous verrions le monde plus près des choses, comme à travers un zoom énorme. Ces mousses aux formes étranges nous seraient familières. Nous nous serions déjà retrouvés nez à nez avec l’araignée qui a tendu ces fils minuscules de l’une à l’autre, à deux centimètres de hauteur.
Il y a quelques années le film Microcosmos a connu un succès mérité. Au prix d’un travail considérable, ses auteurs ont réussi à faire entrer les spectateurs dans la peau des petites bêtes des prés, acteurs principaux du film. Vous vous rappelez ? C’était fascinant, et même hypnotique.
Tellement hypnotique qu’à chaque fois que j’ai vu Microcosmos, je me suis endormie, malgré tous mes efforts pour résister au sommeil. Les images étaient accompagnées de chants envoûtants qui me faisaient l’effet d’une berceuse, il faut croire. Je me suis endormie au cinéma, et ensuite chaque fois que j’ai tenté de visionner la cassette. Je voudrais bien savoir si cela vous a fait le même effet. Si cela s’avère, c’est sûrement qu’il y avait de la mouche tsé-tsé en image subliminale, entre deux plans de scarabées.

Cabane dans les bois

Cabane dans les bois près de ParisEn matière de cabane, à chacun ses ambitions. Il y a ceux qui ne la conçoivent que perchée en haut d’un arbre avec terrasse panoramique et hamac intégré, et ceux pour qui quelques branches de bois mort assemblées en dix minutes suffisent. Si les premières font rêver, les secondes ont le parfum et la fragilité de l’enfance.
Je furetais à la recherche des fleurs de printemps dans la forêt de la Roche-Guyon, à l’ouest de Paris, quand je suis tombée nez à nez avec celle-ci.
Depuis combien de temps est-elle là ? Ses bâtisseurs reviendront-ils la voir et la perfectionner ? La retrouveront-ils intacte ?
Il en va des cabanes comme des châteaux de sable : elles disparaissent inéluctablement, on ne sait pas trop comment. Le temps qu’elles durent, elles concrétisent les instants pleins d’entrain qui leur ont donné naissance.

La présence d’un ou plusieurs enfants est indispensable à la réalisation d’une cabane de branchages. Sans eux, la magie du jeu n’opère pas. Mais s’ils sont là, il suffit de lancer « et si on faisait une cabane ? » pour voir des étoiles s’allumer dans leurs yeux.
On choisit d’abord l’emplacement. Un arbre qu’on va entourer, ou une vieille cépée, ces rejets de bois qui repoussent à partir de la souche d’un arbre coupé. Dans ce cas il ne reste plus qu’à combler les vides entre les troncs.
Les matériaux sont partout, à profusion. Il n’y a qu’à se baisser pour trouver des branches tombées. Vous rappelez-vous ? S’il a plu elles sentent le champignon, elles abritent des bêtes, c’est un peu dégoûtant. On regrette de ne pas avoir de gants mais on ramasse quand même, on tire les plus longues, regardez ce que j’ai trouvé ! Manque de chance, ce sont les plus enquiquinantes à placer, elles dépassent de partout. Les trop petites ne servent à rien, il en faut de la bonne longueur.
Chacun y met beaucoup d’ardeur, et puis tout à coup ça y est, tous les murs sont construits, on peut s’arrêter. L’instant est solennel : on entre dedans.
Il n’y a que les plus petits qui tiennent debout, qui ont une relative impression d’espace. Pour tous les autres, c’est minuscule. On s’accroupit. On savoure.
Tout autour, les branches placées les unes à côté des autres forment une claire-voie. Elles marquent la limite du dedans et du dehors. Il ne faudrait pas qu’il pleuve, ni qu’il gèle, ni qu’une bête sauvage s’approche. La protection est illusoire, tout au plus un camouflage. On s’est fabriqué une cachette au fond des bois. On s’y trouve bien tant que le soleil brille.
Peu à peu l’excitation donnée par le projet s’estompe. L’inconfort d’être assis sur la terre battue l’emporte. On ressort. On rajoute une branche ici ou là, à court d’idée.
On se prend en photo devant, tout fier. C’est fini. Il est temps de rentrer.

C’est mignon quand c’est petit

Jeunes feuilles de marronnierAvez-vous remarqué ces incroyables miniatures de feuilles qui naissent ces temps-ci ? Les bourgeons éclatent en milliards de bouchons de champagne, le bruit en moins. A l’intérieur étaient cachés des modèles réduits super bien imités, tout le portrait de la version adulte en minuscule.
Les feuilles du noisetier ont déjà toutes leurs nervures, toutes leurs dents. Celles de l’érable rebiquent gracieusement leurs pointes, comme les doigts des danseuses indiennes. Chez les marronniers, les jeunes feuilles pendent au bout des rameaux, on dirait des chauves-souris vertes. Toutes petites elles sont déjà grandes, ce sont les éléphants du règne végétal.
Le vert tendre est le point commun des jeunes pousses. Il leur donne à toutes un air d’innocence, même aux feuilles de houx, adorables avec leurs tout petits piquants mous et inoffensifs. C’est attendrissant comme un bébé hérisson. Jusqu’aux orties qui pointent et se laissent cuisiner en potage, petite revanche par anticipation du jardinier.
Prémisses de printemps. Pour être convaincue que la belle saison a commencé, j’attends encore un signe : que les centaines de tilleuls qui bordent les avenues de Vernon se parent de vert, comme le veut la devise de la ville. Pour l’instant, pas une feuillette à l’horizon.

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Ariane.

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