Home » La colonie américaine de Giverny
Category Archives: La colonie américaine de Giverny
Nouvelle acquisition du musée de Vernon
Bien avant de se faire une spécialité de la peinture de cactus, au Texas, l’artiste anglais Dawson Dawson-Watson a séjourné à Giverny, où il a peint notamment une scène de moisson. Le musée BHM de Vernon vient d’acquérir cette très belle toile exécutée également à Giverny, dans la plaine des Ajoux, à la même époque. Elle figure la récolte des betteraves, sujet fort peu traité, qui laisse supposer que le peintre a prolongé son séjour dans le village assez avant dans l’automne, jusqu’au mois de novembre. A l’horizon, les arbres arborent une belle couleur vert-ocre, tandis que quelques touches de peinture blanche suggèrent un feu dans le champ voisin. L’artiste a porté une grande attention à l’étude du ciel lumineux d’arrière-saison. La légère brume diffuse une lumière presque sans ombre, créant à peine un contre-jour au premier plan.
Ces grosses betteraves cultivées en plein champ ne sont probablement pas destinées à l’alimentation humaine, mais plutôt à celle du bétail. Les betteraves fourragères offrent un aliment d’appoint frais à l’époque où l’herbe se fait rare, et complètent le foin. Les vaches, gourmandes, les adorent pour leur petit goût sucré. Dans l’Eure, où l’on produit du sucre de betterave, la pulpe pressée est toujours valorisée en aliment pour les vaches laitières.
Les tas de betteraves représentés par Dawson-Watson évoquent donc les bêtes d’élevage de Giverny, qui restent humblement hors champ, rarement montrées par les artistes, plus souvent par les photographes de cartes postales.
La même année 1891, au printemps, Monet a connu un succès retentissant avec son exposition de Meules. On est tenté de voir dans la disposition des amas de betteraves, dans leur forme, une analogie avec, au moins, les meulettes, ou demoiselles.
Les tennis de Giverny
Les terrains de tennis de l’hôtel Baudy à Giverny, carte postale ancienne, Archives de l’Eure
Deux mondes se côtoient. A côté d’un champ de céréales où se dressent les traditionnelles meulettes, voici, au tout début du XXe siècle, un équipement sportif des plus modernes qui surprend à Giverny : deux magnifiques terrains de tennis. C’est Angelina Baudy qui s’est laissé convaincre (par Stanton Young, dit-on) de réaliser cet investissement pour ses hôtes de l’hôtel Baudy. Ces jeunes artistes aisés avaient l’habitude de pratiquer les sports, en particulier Stanton Young, résident américain qui venait en voisin puisqu’il était propriétaire du moulin des Chennevières que l’on aperçoit à l’arrière-plan, avec sa tour et sa verrière d’atelier. A gauche du court le plus grand, le potager de l’hôtel Baudy fournissait des légumes pour la table du restaurant.
La singularité de ces courts n’a pas échappé aux photographes de l’époque, puisqu’il existe plusieurs cartes postales où ils figurent. Les vues sont prises de l’hôtel Baudy. Celle que voici est antérieure à celle ci-dessus car il n’existe encore qu’un seul terrain. Des drapeaux flottent au vent, à gauche de l’entrée, le drapeau tricolore, à droite, la bannière étoilée. De jeunes enfants sont assis à l’entrée, peut-être pour jouer dans le sable ?
La collection Terra possède même un tableau des tennis. Il est de l’Américain Karl Anderson, un ami de Frederick Frieseke qui a séjourné à Giverny plusieurs fois entre 1909 et 1911. Anderson nous donne à voir l’atmosphère chic et détendue qui pouvait régner à l’hôtel Baudy : quelques spectateurs élégamment vêtus regardent le match à l’ombre en sirotant des rafraîchissements. Les arbustes fleuris ont poussé depuis la photo précédente. Ils structurent l’espace entre ombre colorée et plein soleil surexposé. Seules ces plantes d’agrément sont autorisées à figurer sur la toile. Contrairement aux photographies, rien ne suggère l’aspect agricole de Giverny. Exit, les meulettes…
Les demoiselles
Sur cette vue de Giverny prise il y a un peu plus d’un siècle, les demoiselles sont à l’honneur. Ce sont les tas de gerbes que l’on aperçoit au premier plan, peut-être ainsi nommées à cause de leur silhouette évoquant une demoiselle à la taille fine et aux jupes amples. Le photographe surplombe la rue de Haut, aujourd’hui la rue Claude-Monet. On se donnait du mal, alors, pour cultiver les terrains en pente.
Il était moins pénible d’aller labourer les terres fertiles de la plaine des Ajoux, entre le village et la Seine. Monet y a peint trois tableaux de demoiselles en 1894, par temps couvert et sous le soleil.
Le catalogue raisonné donne cette explication pour le terme de demoiselles : » Formées chacune de plusieurs gerbes, les demoiselles de Giverny ou meulettes, appelées également diziaux par les cultivateurs de la région, constituent un abri provisoire contre les intempéries, en attendant la construction des meules proprement dites. «
Le peintre américain Theodore Butler, double beau-gendre de Monet, a lui aussi été séduit par les demoiselles de Giverny ! J’ai un doute concernant le titre de l’oeuvre, car Butler savait que ce n’était pas du foin, lui qui a passé de nombreuses années à Giverny.
Giverny sous la neige
Je ne suis pas sûre que les couleurs de cette image soient vraiment celles que l’artiste a voulues, mais ce n’est pas grave. Nous voici à nouveau dans le clos Morin, comme dans le tableau de moisson de Dawson-Watson. Et à nouveau, nous apercevons dans les lointains la maison de Claude Monet, reconnaissable à son toit d’ardoises orienté plein sud, sur lequel la neige a déjà fondu, et à ses cheminées.
L’absence de la partie droite de la maison me rend perplexe. Est-elle cachée à la vue, masquée par quelque chose que Butler n’a pas précisé ? Car j’en suis presque convaincue, en 1895, l’aile droite existe. Depuis qu’il a signé l’achat du bien en 1891, Monet n’a pas chômé, selon les indices que j’ai pu rassembler : construction de l’aile gauche en 1891, paiement (en une fois semble-t-il) de la totalité du prix d’achat de la maison en novembre 1891, construction de l’aile droite en 1892 et 1893, construction de la serre, réaménagement du jardin de fleurs, achat de parcelles de prés à l’île aux Orties, achat d’une bande de terrain pour faire le premier jardin d’eau… Tout cela en peignant quantité de toiles et en gérant une famille nombreuse.
Les agrandissements de la maison sont inscrits au cadastre sous le terme d’augmentation de construction, avec toujours un décalage dans le temps. La maison initiale compte 10 ouvertures. La transformation de l’aile gauche en 1891 les porte à 23, modification enregistrée en 1894 seulement. En 1896, le cadastre entérine une augmentation de construction qui fait passer le nombre d’ouvertures à 32, chiffre actuel. Les travaux de l’aile droite ont dû s’achever bien avant.
Cette hâte à pousser les murs n’a rien d’étonnant. Elle correspond à une soudaine aisance due à l’envolée des prix des tableaux de Monet, d’une part, et à une nécessité domestique, à mesure que les enfants grandissent. En 1891, seul Jean a quitté le nid, ils sont encore 9 personnes au foyer. En 1892, il est suivi par Suzanne qui se marie. En 1896, Jean entraînera Blanche avec lui en l’épousant. Petit à petit, tous les enfants sauf Michel partiront. A partir du recensement de 1901, il n’y a plus que 3 personnes dans la maison. Les nombreuses chambres n’auront pas servi longtemps. La vaste salle à manger, elle, est promise à un bel avenir. On imagine les tablées géantes, à la moindre occasion.
La moisson à Giverny
Le peintre anglo-américain Dawson Dawson-Watson a séjourné pendant cinq ans à Giverny, de 1888 à 1893, ce qui lui a laissé le temps de peindre quelques toiles spectaculaires du village. Dans cette vision aussi réaliste qu’impressionniste du Temps de la moisson, il nous donne à voir quatre paysans et paysannes occupés à faucher et lier les gerbes dans le clos Morin. L’accent est mis tout particulièrement sur le dur labeur de la femme courbée dans une position qui évoque celle des Glaneuses de Millet.
Tout en haut à gauche du tableau, on reconnaît les bâtiments de la ferme de la Côte, dont dépendait le champ. Un long mur de pierres bornait le clos Morin. C’est là que Monet a peint ses fameuses Meules. Leur construction est l’étape suivante dans la conservation de la récolte de blé.
Par-delà le mur, on devine la silhouette de la maison de Claude Monet, hérissée de cheminées. La partie à gauche du fronton est plus large que celle de droite : après avoir fait l’acquisition de la maison en novembre 1890, Monet réalise des travaux d’agrandissement. Sa chambre et son cabinet de toilettes sont construits au-dessus de l’atelier. A l’été 1891, la maison offre cet aspect déséquilibré qu’elle va garder jusqu’à ce que les travaux d’agrandissement à droite du fronton (salle à manger, cuisine, chambres) viennent rétablir l’équilibre. Quant aux couleurs, les volets sont déjà bien verts mais les murs paraissent moins roses qu’aujourd’hui.
Feux d’artifices à Vernon
Theodore Earl Butler, Fireworks, Bridge at Vernon
Ces deux toiles de Theodore Earl Butler sont si proches que j’ai d’abord cru qu’il s’agissait de la même. Mais si vous prenez le temps de les comparer, vous verrez que non.
Butler s’attaque à un sujet difficile, le rendu des lumières éphémères des feux d’artifice sur fond de nuit. Le pont de pierre et la présence d’une barque et de personnages lui permettent de structurer l’espace.
Theodore Earl Butler Fireworks, Vernon Bridge.
C’est le choc des contraires : feu et eau, lumière et obscurité, ciel et fleuve.
Le motif des feux d’artifices du 14 juillet tirés à Vernon près du pont sur la Seine a inspiré plusieurs toiles à Butler, dont celle-ci, datée 1908, dans une autre tonalité.
Giverny la nuit
Expérimenter, chercher de nouvelles voies, et peut-être, déjà, se détacher du réel : les artistes américains qui séjournent à Giverny au début des années 1890 ont été plusieurs à attendre la nuit close pour transcrire sur la toile l’atmosphère du village baigné de lune. Se sont-ils influencés mutuellement ? Est-ce la motivation qu’apporte l’ambiance d’une colonie d’artistes qui les a conduits à relever ce défi ? Ou ont-ils subi les uns comme les autres l’influence du symbolisme ? Le pourquoi n’est pas très clair, mais le résultat est étonnant, onirique, et tranche avec les riantes scènes de bord de rivière emblématiques du courant impressionniste.
La toile ci-dessus ne représente pas la façade rose de l’hôtel Baudy mais les maisons plus proches de l’église. Celle-ci se détache sur le ciel étoilé, au bout de la perspective créée par la route très large et lumineuse.
Meteyard lui aussi met en avant les très forts contrastes créés par l’éclairage de la pleine lune, une lumière qui absorbe les couleurs. Le musée de Vernon possède l’une de ses oeuvres nocturnes, un plan rapproché sur l’église de Giverny.
Robinson, pour sa part, s’est beaucoup intéressé au moulin des Chennevières qu’il a peint sous divers angles. Là encore, la vibrance des couleurs cède la place au jeu des contrastes pour cet aspect du moulin au clair de lune.
Dans chacune de ces oeuvres nocturnes, les peintres se sont attachés à montrer la disparition des détails avec des aplats de couleurs finement travaillées ou une touche vibrante. Leur travail est à la fois étrange et original. Comme une promenade de somnambule à l’heure où tout dort.
La collégiale de Vernon par Robinson
Le musée de Vernon n’avait pas encore d’oeuvre de Robinson, l’une des figures majeures de la colonie impressionniste de Giverny. Cette lacune est très heureusement comblée par l’achat, en décembre dernier, de ce tableau qui montre la collégiale de Vernon vue depuis la rive droite de la Seine.
Par rapport aux autres toiles impressionnistes de la collection du musée, il est assez petit, mais il représente notre bonne cité, d’une part, et il est d’une très jolie facture du plus pur style impressionniste : touche rapide, intérêt pour le rendu des reflets, de la lumière et des effets atmosphériques, finesse des coloris… Robinson avait parfaitement assimilé la leçon de Monet, dont il était l’ami.
Comme pour souligner qu’il s’agit d’une représentation d’un aspect fugitif du paysage, Robinson a daté l’oeuvre au revers. Cette scène a été peinte le 10 août 1888. Et au vue de la lumière sur la collégiale qui éclaire la pente nord du toit de la nef, l’après-midi est bien avancée. Il n’est pas nécessaire d’être vernonnais pour savoir de quel côté le soleil va se coucher. Comme presque toujours, l’église est orientée. Sur le tableau, le sud est à gauche, le nord à droite, et l’ouest face à nous. Robinson peint presque à contre-jour.
Monsieur Baudy derrière son comptoir
La scène est à Giverny, en février 1888. John Leslie Breck, peintre américain de la première heure dans le village, fréquente l’hôtel Baudy, du moins son bistro, car les chambres ne sont probablement pas encore terminées à cette date. Et comme le paysage est assez morne à cette saison, il prend pour modèle Lucien Baudy installé au comptoir du bar.
Une petite estrade permet à Lucien Baudy de mieux voir ce qui se passe dans la salle même quand il est assis, un miroir derrière lui révèle qui entre même quand il est retourné. Verres et bouteilles s’alignent sur des étagères à portée de main. Contrastant avec cette impression de rangement et d’organisation, le comptoir est encombré de coupes posées en équilibre, de bouteilles, carafes et de ce qui semble être un plateau chargé de petites bouteilles d’huile et de vinaigre à poser sur les tables du restaurant. On devine que c’est une heure creuse, peut-être l’après-midi.
Au sol, le chat se pelotonne non loin de son maître. La porte de la cuisine reste fermée. La palette joue des tons de bruns et de roses, créant une atmosphère paisible. La touche impressionniste laisse voir chaque coup de brosse. Breck a néanmoins considéré son étude comme finie puisqu’il l’a signée et dédicacée ‘à Madame Baudy’. J’imagine la joie de la patronne en recevant cette oeuvre.
Le tableau a par la suite appartenu à Donald et Helen Douglass, qui en ont fait don au Smithsonian American Art Museum.
Accès libre
Après le froid glacial de la semaine dernière, la douceur s’est installée ce week-end, pour la première fois depuis l’année dernière. Les promeneurs étaient nombreux dans la campagne, et plusieurs ont même été tentés par l’ascension de la colline qui domine la vallée de la Seine, d’où ils pouvaient contempler un panorama proche de celui représenté par Robinson.
En 130 ans, la ville de Vernon s’est étendue, mais le paysage est sensiblement le même. On repère toujours la collégiale dont le large toit d’ardoise coiffe la vieille ville, et le pont sur le fleuve, qui n’est plus fait d’arches de pierres. A droite, je crois apercevoir sur le tableau une évocation du château des Tourelles.
Theodore Robinson adorait prendre de la hauteur. Il a peint de nombreuses vues depuis les collines au-dessus de Giverny, en direction de Vernon, du village lui-même ou du val d’Aconville de l’autre côté de la Seine.
Robinson est l’un des peintres les plus importants de la colonie de Giverny, où il a séjourné longuement. Quelque années avant de s’installer dans le village, il avait étudié à l’école des Beaux-Arts de Paris ; pour y être admis, il avait dû réussir le redoutable examen de langue française. Cette maîtrise linguistique a facilité ses contacts avec Claude Monet, dont il est devenu l’ami.
Le tableau ci-dessus fait partie des collections de la National Gallery of Art de Washington et il est librement téléchargeable en haute résolution, selon la politique d’Open Access du musée pour les oeuvres élevées au domaine public. L’agrandissement permet de détailler chaque coup de brosse comme si on avait le tableau sous les yeux.
Angelina Baudy
Parmi tous les personnages inspirants de Giverny, visionnaires, passionnés, engagés, talentueux, Angelina Baudy tient une place à part. Cette femme du 19e siècle a su faire fi des limitations imposées au genre féminin à son époque et se comporter en véritable entrepreneur.
Rendons justice à son époux Lucien Baudy, représentant en machines à coudre et mercerie en gros, qui l’a laissé faire et certainement encouragée et soutenue dans ses projets. Cela mérite d’être souligné, à l’heure où tant de maris faisaient peser leur autorité sur leur épouse. On a l’impression qu’Angelina a eu carte blanche pour engager des travaux considérables. Témoins de la bonne entente du couple, les initiales LB ornent toujours la façade de l’hôtel Baudy. Le L ne signifie pas Lucien mais Ledoyen, le nom de jeune fille d’Angelina.
L’histoire commence au printemps 1886, quand un grand gaillard barbu pousse pour la première fois la porte de l’épicerie-buvette d’Angelina Baudy, un modeste établissement où les gars du coin se retrouvent pour boire le coup. Le barbu cherche une chambre, mais il ne parle pas le français et Angelina ne comprend pas un mot à ce qu’il lui demande. Est-il insistant ? Le prend-elle pour un rôdeur ? Toujours est-il qu’elle lui montre la porte. L’histoire, tant de fois répétée par la suite, est devenue un mythe. Certains narrateurs, qui ont peut-être exagéré sa réaction pour dramatiser l’anecdote, prétendent qu’Angelina met Metcalf dehors.
Ce n’est que le lendemain, quand l’Américain revient avec son matériel de peintre, qu’elle percute. Elle sait ce que c’est, Monet est installé depuis trois ans dans le village et peint en plein air. Son visiteur est artiste ! Il cherche à se loger !
C’est à cet instant que la personnalité d’Angélina se dévoile. La Givernoise aurait pu passer son existence à tenir sa petite épicerie-buvette, mais cette rencontre va changer le cours de sa vie et bouleverser celle du village. La jeune femme a un sens aigu de l’hospitalité. Généreusement, elle laisse sa propre chambre à Willard Metcalf, elle lui prépare des repas, à un prix modique. Le peintre est enchanté. Il promet de revenir avec des amis.
L’année suivante, en 1887, ils sont six, et c’est là qu’elle m’épate le plus : Angelina comprend le potentiel commercial de l’engouement des artistes étrangers pour le village. Son sens de l’accueil va révéler l’entrepreneuse.
Elle ose. Elle se lance. Elle a la foi dans son projet. Elle a confiance que ces messieurs vont revenir année après année. Bref, elle fait construire.
Douze chambres, puis d’autres encore. Des verrières au nord éclairent les combles où les peintres pourront travailler. Et un atelier est bâti dans le jardin.
Comment finance-t-elle ces travaux considérables ? Quel argent familial ou emprunté investit-elle ? C’est un pari risqué. Heureusement, le succès est au rendez-vous. Le mot circule, les artistes affluent. Angelina est attentive à leurs besoins. Elle est l’hôtesse parfaite.
Ses registres et notes d’hôtel, dont une partie nous est parvenue, révèlent l’identité des clients, leur nationalité, mais aussi la liste de leurs dépenses à l’hôtel Baudy : consommations, articles de toilettes, de mercerie ou de bonneterie, matériel de peinture venu des établissements Lefebvre-Foinet à Montparnasse, etc. Dans ce village perdu, ils ne manquent de rien. Et quand le mal du pays se fait trop fort, Angelina leur cuisine des recettes américaines : des haricots façon Boston, de la salade de crevettes à la mode de Kansas City, de l’omelette californienne, des côtelettes à l’anglaise, du pudding à Noël, le tout arrosé de bière, de whisky ou de champagne « Widow Cliquot »…
Et peu à peu les murs de l’établissement se couvrent de toiles, laissées en paiement ou en cadeau. Il y a une grande générosité chez cette femme, un coeur immense doublé d’un sens de l’action.
Elle ne s’arrête pas là. Veuve à 46 ans, la voilà seule aux commandes de l’entreprise familiale, secondée par son fils et sa belle-fille. L’ancienne remise à machines à coudre est transformée en salle de bal. Le potager alimente la cuisine, l’eau du toit alimente le bassin du potager… Le jardin devient un parc. On vient au Baudy pour téléphoner, se faire conduire en carriole à Vernon, jouer au tennis, faire la fête le soir, organiser un banquet pour le dimanche, prendre un verre, acheter du papier et des plumes… Angelina accueille les désirs des autres et y répond sans attendre. Elle a l’art de passer à l’action.
Quand elle s’éteint en 1942, si elle se retourne sur sa vie, elle doit avoir le sentiment que celle-ci a été riche et remplie. Et si elle n’a pas vraiment fait fortune, elle a vécu intensément, avec générosité. Un accomplissement qui va de pair avec, sans nul doute, le souvenir de s’être bien amusée.
Sur le caveau familial, elle apparaît comme Mme Lucien Baudy, selon un usage assez répandu où l’identité de la femme disparaissait derrière celle de son mari.
Le Hameau à Giverny
La maison voisine de celle de Claude Monet à Giverny s’appelle le Hameau. D’où vient ce nom ? Qu’est-ce qui le justifie ? Mystère. Il s’agit simplement d’une longère et de ses dépendances en vis-à-vis. Au milieu, un verger où chantent les merles, aperçu ici dans toute la grâce de sa floraison printanière.
Monet a eu au fil du temps un certain nombre de voisins, car la maison était louée à des artistes. J’ai déjà évoqué la présence de Lilla Cabot Perry, qui nous a laissé ses souvenirs sur Monet.
Frederick Carl Frieseke a séjourné au Hameau et a peint dans ce jardin. Frieseke est l’un des artistes majeurs de la colonie américaine de Giverny. Il n’a pas forcément toute la célébrité qu’il mérite en France, mais ses oeuvres très plaisantes qui allient femmes et fleurs atteignent le million de dollars. Dans la toile ci-dessous, on reconnaît le treillage sur le mur et les volets vert pâle.
Frederick Carl Frieseke, Lilies 1911 Terra Foundation for American Art, Chicago.
Les chevaux domptés
Cette année les journées du Patrimoine sont consacrées aux métiers liés à la conservation des oeuvres et monuments. A Vernon, une paire d’importants bronzes est en cours de restauration, le public était invité aujourd’hui à s’entretenir avec le restaurateur.
Ce spécialiste est chargé de retirer toutes les parties pulvérulentes à la surface du bronze, sans en enlever la patine. Il procède à un sablage en douceur qui retire la corrosion et les poussières mais laisse à la pièce la couleur vert de gris que lui a donnée le temps. Les deux pièces sont âgées d’une centaine d’année.
Les chevaux domptés de Frederick MacMonnies, le grand sculpteur de la colonie américaine de Giverny, ornent la cour d’honneur du musée de Vernon depuis près de trente ans. Ils étaient l’une des pièces majeures de l’exposition inaugurale de la Fondation Monet, en septembre 1980. Le grand atelier accueillait cette année-là une sélection d’oeuvres d’artistes de la colonie.
Il faut lire l’oeuvre de MacMonnies comme une allégorie, la victoire de l’esprit sur l’animal. Le cavalier est d’une échelle inférieure à celle des chevaux, ce qui les fait paraître géants. Les montures dégagent beaucoup de fougue et de force, l’homme parvient néanmoins à les dompter.
En regardant attentivement, j’ai toutefois noté une petite incongruité dans le chef-d’oeuvre de MacMonnies. Les sabots des chevaux sont ferrés. Pour celui que le cavalier chevauche, passe encore, mais celui qui se cabre, on se demande comment le maréchal ferrant a bien pu faire son office…
Lilla Cabot Perry
Dans la chambre de Claude Monet à Giverny, on peut voir un tableau de style impressionniste représentant une petite fille debout dans une rue bordée de fleurs. Il est signé Lilla Cabot Perry. L’artiste américaine a pris pour modèle sa fille cadette Alice, dans une des rues du village.
Je présume qu’il s’agit d’un cadeau de la peintre à son illustre voisin. Lilla Cabot Perry habitait la maison juste à côté de celle de Monet dans la rue de l’Amsicourt, devenue aujourd’hui rue Claude Monet. Les deux propriétés ne sont séparées que par la ruelle Leroy, une étroite venelle.
La maison des Perry se nommait Le Hameau. Sur cette photo prise dans le jardin du Hameau, on apercoit l’atelier de Perry, et, derrière, le pignon rose de l’atelier de Monet. Dans ses souvenirs, Perry raconte que Monet aimait bien faire une apparition chez elle après le repas, avant de retourner à son travail.
C’est toujours agréable d’entretenir de bonnes relations avec ses voisins. Madame Perry et Claude Monet s’entendaient à merveille, passionnés tous deux par la peinture et le jardinage. Elle est l’une des rares artistes de la colonie américaine de Giverny à être devenue intime avec Monet.
Les Perry ne résidaient pas toute l’année à Giverny, mais ils y ont passé dix étés entre 1889 et 1909.
Lilla Cabot Perry était issue de l’élite culturelle de Boston. A 36 ans, elle décide de se mettre à la peinture. Elle étudie aux Etats-Unis, puis en Europe, et se révèle si douée qu’elle devient peintre professionnelle.
Lors d’un séjour à Paris, elle découvre un tableau de Monet dans une galerie. C’est une révélation qui va changer sa vie. Voilà comment elle veut peindre ! Elle se met en quête de l’artiste, le rencontre à Giverny et sympathise avec lui. C’est le début d’une longue amitié.
Perry fait partie de ces peintres qui sont considérés plus ou moins comme des élèves de Monet. Monet ne voulait pas d’élèves, pensant que chacun devait trouver sa propre voie en art, mais il lui arrivait de donner son avis sur les toiles en cours. Perry, Breck ou Blanche Hoschedé ont été très profondément influencés par sa manière.
Perry a beaucoup oeuvré pour faire acheter des Monet par les collectionneurs américains. Elle a écrit sans relâche à ses amis de la bonne société bostonienne pour les encourager à en acquérir ; ils étaient alors à un prix très abordable, 500 dollars. Les descendants des relations mondaines de Perry lui doivent une jolie chandelle.
La maison rose
Dimanche dernier, à l’occasion de l’anniversaire de ses quinze ans, le musée d’art américain de Giverny a ouvert exceptionnellement au public les jardins de trois maisons d’artistes.
La Maison Rose est l’une de ces demeures qui a vu passer des hôtes de marque pendant plusieurs décennies, des peintres américains, puis de nombreux artistes à partir de 1909, quand elle est devenue une auberge. La danseuse Isadora Duncan y a séjourné.
Blanche Hoschedé, la belle-fille de Monet, venait souvent peindre dans le jardin.
La maison appartient aujourd’hui à la Fondation Terra, qui y accueille des artistes en résidence d’été, ainsi que des chercheurs en histoire de l’art.
Les jardins sont une création contemporaine. Le paysagiste n’a pas cherché à restituer le jardin d’il y a cent ans, qui paraîtrait peut-être un peu ennuyeux aujourd’hui, à en juger d’après les cartes postales d’époque. Il a préféré imaginer des allées gazonnées autour de parterres à la végétation exubérante. Mon seul regret : qu’un massif de bambous devant l’ancienne porte du jardin le cache à la vue depuis la route. Ce serait si agréable de l’apercevoir en passant.
Dimanche dernier, il faisait bon se promener presque solitaire dans ces beaux jardins méconnus de Giverny, en découvrant d’autres aménagements, d’autres styles, d’autres idées, d’autres plantes que chez Monet.
Les portes se sont refermées, elles se rouvriront pour les groupes de visiteurs qui en feront la demande.
Thomas Buford Meteyard
Vous avez peut-être reconnu l’église de Giverny sur cette toile attribuée à Thomas Buford Meteyard, que le musée de Vernon a acquise en 2005. Meteyard fait partie de la colonie de peintres étrangers, principalement américains, qui ont travaillé à Giverny à la fin du 19e et au début du 20e siècle.
Meteyard s’est singularisé en s’intéressant aux variations de la lumière la nuit. Il est l’auteur de séries d’aquarelles et d’huiles au clair de lune. Son traitement de ces motifs s’éloigne pourtant d’une approche impressionniste. Sur cette toile, on voit bien comment les larges à-plats de couleurs, leur rendu mat, l’apparition quasi fantomatique de l’église dans la clarté nocturne le rapprochent du symbolisme.
Thomas Buford-Meteyard est né à Rock Island dans l’Illinois en 1865, mais il a vécu longuement des deux côtés de l’Atlantique – en Angleterre, en France, dans le Massachusetts et en Suisse où il meurt en 1928. Pendant sa période parisienne, il se lie avec le peintre norvégien Edvard Munch et le poète Stéphane Mallarmé. A Giverny, il est l’ami du peintre américain John Leslie Breck, lui aussi adepte des vues au clair de lune.
Le musée de Vernon présente actuellement une exposition des oeuvres qui sont entrées dans ses collections depuis l’an 2000. Toutes les sections du musée sont représentées, l’art animalier occupant le devant de la scène avec un monumental laque aux Ibis de Gaston Suisse, des plâtres de kangourous, de chevrettes, de chat, de Righetti, des sculptures de chiens de Fath, des pochoirs de Benjamin Rabier, un recueil de gravures de panthères de Jouve… Le cabinet des dessins s’est enrichi de Steinlen et d’Ostier poignants.
Le parcours propose une réflexion sur ce qu’est un musée. Le hasard des donations a présidé à la constitution des collections du musée de Vernon, que ses conservateurs successifs et l’association des Amis du Musée se sont attachés à compléter avec cohérence.
Frederick et Mary MacMonnies
Cette toile de grandes dimensions (97 x 163 cm) de Mary Fairchild MacMonnies est un des chefs d’oeuvres du musée de Vernon. Elle représente le jardin de l’artiste en hiver.
L’impressionniste américaine et son époux Frederick MacMonnies, peintre et surtout sculpteur, ont habité Giverny. A la fin des années 1890, les MacMonnies sont les deux artistes les plus marquants de la colonie de peintres étrangers qui a jeté son dévolu sur le village.
A cette époque, les MacMonnies jouissent d’une certaine aisance. Ils emménagent dans un ancien monastère du 16e siècle, que leurs amis renomment bientôt le MacMonastery.
La demeure est entourée d’un parc d’un hectare et demi. Au tournant du siècle, Claude Monet n’est pas le seul à avoir un magnifique jardin à Giverny. De l’avis de certains visiteurs, celui des MacMonnies, à l’autre extrémité du village, est encore plus beau. Plus dans le goût du temps, en tout cas. On voit bien ici le bassin au milieu duquel se dresse une statue du dieu Pan. D’autres statues antiques sont alignées sur le mur au second plan. Monet, en revanche, n’a que faire de cet académisme, on ne trouve pas une seule statue dans son jardin.
Comme souvent avec les oeuvres des peintres américains réalisées à Giverny, on ne peut s’empêcher d’établir des comparaisons avec Monet. Le « Jardin en hiver à Giverny » de Mary Fairchild MacMonnies évoque le maître de l’impressionnisme à plus d’un titre :
– la localisation du motif (Giverny, reconnaissable à la colline à l’arrière-plan),
– le thème traité (un coin de jardin),
– le traitement de la lumière (touche vibrante et dorée),
– l’importance du moment de la journée (le matin, à en juger par le sens des ombres)…
Toutes ces caractéristiques font penser aux paysages d’hiver de Monet, à la Pie, aux Glaçons, à la route près d’Honfleur, aux Meules en hiver… Claude Monet a exercé une influence indéniable sur Mary MacMonnies. Comme lui, elle a d’ailleurs représenté son jardin à plusieurs saisons, des toiles que l’on peut voir également au musée de Vernon.
Aujourd’hui, l’ancienne propriété des MacMonnies s’appelle le Moutier, nom qui dérive de monastère, et se trouve non loin de l’église.
La marche nuptiale
20 juillet 1892 : Suzanne Hoschedé, belle-fille de Monet, épouse un jeune peintre américain rencontré à Giverny, Theodore Earl Butler. Un autre Theodore, ami intime du précédent, va immortaliser l’évènement de la façon qui s’impose, en peinture.
La Marche nuptiale est probablement le tableau le plus célèbre de Theodore Robinson. Il est devenu le symbole des liens entre la colonie de peintres américains de Giverny et le courant impressionniste français.
Le mariage n’est pourtant pas allé de soi. Suzanne a rencontré Theodore lors de séances de patinage sur le marais gelé. « Sur la route », tempête Monet, alors que la bienséance commande d’avoir été présentés l’un à l’autre.
Les doutes assaillent le beau-père, qui rêvait d’un beau parti pour son joli modèle :
« Une si gentille fille que Suzanne mérite mieux qu’un bon garçon. Sacrebleu qu’elle réfléchisse en attendant les renseignements complets, mais épouser un peintre, s’il ne doit être rien, c’est embêtant, surtout pour une nature comme Suzanne. »
Epouser un peintre, c’est embêtant ! Monet sait trop bien comme il est difficile de percer dans l’art, et aléatoire d’arriver à en vivre. La reconnaissance de son propre talent est récente.
L’amour des deux jeunes gens finit toutefois par triompher des réticences parentales. Robinson est en mesure de fournir des renseignements rassurants sur l’honorabilité de la famille Butler.
Le mariage aura donc lieu, mais pas avant qu’Alice et Monet n’aient convolé eux-mêmes. On sait que Monet voulait pouvoir conduire Suzanne à l’autel. Curieusement, ce n’est pas lui qui figure au bras de la mariée sur le tableau de Robinson. Le cortège nuptial vient de quitter la mairie de Giverny, le bâtiment couleur brique sur la droite, et se dirige vers l’église. De même, difficile de reconnaître dans la svelte femme en blanc du second plan la mère de la mariée, Alice Monet. Pourtant, dans son journal, Robinson note :
Le cortège nuptial dans tous ses atours, d’abord la cérémonie à la mairie, puis à l’église. Monet entre en premier avec Suzanne, puis Butler et Mme Hoschedé.
Dans tous ses atours, s’il faisait le même temps qu’aujourd’hui, le cortège devait être au bord de la syncope. Regardez ces vestes boutonnées, ces chapeaux et ces manches longues, un 20 juillet ! Et pas la moindre trace d’ombre ni d’ombrelle !
Robinson, frappé par la vision du cortège nuptial, se décide à le peindre 15 jours plus tard, le 5 août. Il travaille de mémoire. Mais une photographie atteste que l’élégante société était bel et bien boutonnée jusqu’au col.
Aucune photo en revanche pour nous indiquer qui est le moustachu du premier plan. Robinson connaît très bien Monet et sa barbe fournie. L’étonnant personnage sans regard qui donne le bras à la jeune mariée s’avance vers nous auréolé de mystère.
Pluie à Giverny, William Blair Bruce
Je ne sais pas ce qu’en pensent les statisticiens de Météo France, mais si l’on s’en tient aux impressions subjectives, nous avons le mois de mai le plus froid et le plus pluvieux qu’on ait vu depuis longtemps.
Voilà qui n’aurait pas arrêté Claude Monet, même si le mauvais temps le faisait grogner. Son entêtement à sortir sur le motif par tous les temps a fait des émules du côté des peintres de la colonie américaine de Giverny. Willian Blair Bruce nous a laissé une « Pluie à Giverny » qui témoigne que les intempéries ne datent pas d’aujourd’hui.
Verrière d’artiste
L’évènement s’est passé il y a cent ans, mais il en reste encore des traces. A la fin du 19e siècle, Giverny est devenu une colonie d’artistes. L’engouement des peintres, impressionnistes ou non, pour le village de Claude Monet a duré de 1886 à 1914 principalement.
On a recensé une centaine de peintres et de sculpteurs ayant séjourné à Giverny durant cette période, en majorité des Américains. Certains logeaient à l’hôtel Baudy, d’autres préféraient louer une maison.
A cette époque, face à la demande, les toits des maisons de Giverny se sont couverts de verrières. En un tournemain, les combles sont devenus des ateliers.
Cela peut être un but de promenade dans le village que de faire la tournée des verrières. Certaines sont très visibles, à portée de main, d’autres se font discrètes dans les propriétés. Il en est qui paraissent inchangées depuis leur installation, d’autres sont toutes neuves. Réhabilitation ou adaptation au style du village pour éviter les Velux ?
La championne, cela reste l’immense verrière du dernier atelier de Monet, celui qu’il a fait construire pour les Grandes Décorations. Elle vient d’être refaite cet hiver. On peut apprécier sa luminosité dans la boutique de la Fondation Monet. C’est un bâtiment de style industriel que Monet lui-même jugeait affreux, mais la verrière a des dimensions hors du commun.
Lady in a Garden, Frieseke
Au musée d’Art Américain de Giverny, j’ai acheté un poster. C’est la reproduction d’un tableau de Frieseke, Lady in a Garden, peint vers 1912. Je crois que la scène est prise dans un jardin de Giverny. La Lady a l’air de surgir des fleurs, on ne sait pas où finissent les rayures de sa robe et où commencent celles des tiges fleuries – peut-être des glaïeuls.
J’aime cette vision d’Eden. Le cadrage serré nous laisse cette illusion que le monde n’est qu’une profusion de fleurs où nous mouvoir. C’est un peu l’impression qu’on a, en été, dans le clos normand de Monet.
J’aime ces couleurs à la fois douces et gaies, ce fouillis tempéré par la rigueur des lignes. Je vais pouvoir me repaître de cette image. Mais quelque chose me déçoit. L’aspect lisse et terne du papier. En achetant le poster, j’ai capturé l’image, mais il manque la palpitation de la matière. Je vais entrer dans une grande familiarité avec cette oeuvre, et en même temps elle va m’échapper. C’est pour cela que la Joconde du Louvre déçoit tant de visiteurs.
Commentaires récents