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Vernon ville Ariane
Vernon termine son année de présidence de la Communauté des Villes Ariane par cette évocation lumineuse du lanceur européen : la fusée réalisée en modèle réduit au 1/10e s’apprête à décoller vers les étoiles. Une jolie mise en scène imaginée par les services techniques autour de cette maquette qui se dresse toute l’année au rond-point au bout du pont sur la Seine. Elle rappelle que les moteurs d’Ariane VI sont conçus et fabriqués à Vernon par ArianeGroup.
Que 2024 vous propulse tout droit dans vos rêves ! Bonne et heureuse année à vous.
Eclat
Une nouvelle décoration de Noël a fait son apparition à Vernon cette année. Les six lettres lumineuses accueillent les passants au rond-point de Vernonnet, celui qui se trouve à l’extrémité du pont sur la Seine et permet de se rendre à Giverny. En la découvrant, j’étais partagée entre une joie enfantine (c’est joli !) et une réaction soulagée de contribuable : heureusement qu’on ne s’appelle pas Amfreville-sous-les-Monts ou Saint-Etienne-du-Rouvray, ai-je pensé.
En cette année où les distractions sont rares, les villes ont fait des efforts de déco pour les fêtes, comme chaque année certes, mais nous y sommes d’autant plus sensibles.
Evreux se distingue avec un immense sapin devant l’hôtel de ville. Il se compose d’une structure métallique garnie de 230 petits sapins. Une parure garantie écolo : les sapins sont produits dans l’Eure, à quelques kilomètres d’Evreux, sans pesticides, et seront broyés en copeaux après l’hiver.
Malgré le couvre-feu, il nous reste près de trois heures pour profiter des illuminations. Je me suis promis de faire une chasse photographique des plus belles, à la nuit tombée, pour découvrir les nouveautés et retrouver celles déjà aperçues les années précédentes.
Je vous souhaite de saisir vous aussi toutes les occasions de vous émerveiller. Bonne fin d’année !
Enooooorme !!!
Tant qu’on ne l’a pas vue, on ne se rend pas compte de l’ampleur du travail.
Des dizaines de bénévoles se sont activés pendant des heures, encadrés par des professionnels, depuis la mise en place des tables en pleine nuit jusqu’à la dernière décoration.
A l’heure qu’il est, c’est fini.
La distribution des parts prévendues a dû commencer.
Je vais aller chercher la mienne :).
La plus longue bûche du monde
Samedi prochain, le 6 décembre, un boulanger-pâtissier de Vernon va tenter de pulvériser le record de la bûche de Noël la plus longue du monde. Le gâteau fera un kilomètre et demi de long. Mille cinq cents mètres de génoise fourrée à la crème au beurre parfum chocolat qui seront vendus au profit du Téléthon, 5 euros la part pour 4 personnes.
La mise en place durera toute la journée de samedi, la vente commencera à 17h30 après l’indispensable constat d’huissier pour faire entrer la bûche de Vernon dans le Guinness.
On aurait rêvé de tables tout en longueur, mais elles seront plutôt en serpentin devant la mairie et dans la rue Carnot, ce qui facilite le travail, la vente et la communication. Car bien sûr la télé sera là. Et comme ce sera la fête, des concerts sont programmés devant l’hôtel de ville.
De nombreux bénévoles apporteront leur concours à la réalisation de l’exploit pâtissier. Pour bien mesurer l’ampleur de la tâche, le journal le Démocrate vernonnais cite quelques chiffres : 50 000 oeufs, 500 kilos de sucre, 2500 plaques de génoise… Un vrai défi.
Espérer vendre 10 000 parts de bûche est aussi un réel pari. Le pâtissier qui a eu l’idée de cette aventure est Julien Véniel. Sa boutique située à deux pas de l’église s’appelle comme il se doit le péché Véniel. Samedi prochain, que le péché soit de gourmandise ou d’orgueil, il sera pardonné d’avance, car c’est pour la bonne cause !
Sortir avant la rentrée
Je ne sais pas si c’est la même chose chez vous, mais ici les opportunités de sorties se multiplient en cette fin août. Hier soir la salle des mariages de Vernon n’était pas assez grande pour contenir tous les spectateurs intéressés par une conférence sur la Libération de Vernon, intervenue le même jour que celle de Paris. Les archives viennent de révéler de nouveaux documents, en particulier un film, d’un très grand intérêt. La guerre filmée chez soi, dans ces rues et ces paysages bien connus, voilà des images tout à fait effrayantes et saisissantes.
En dehors de cette commémoration, les autres manifestations sont heureusement plus gaies. Fin août, c’est le rendez-vous annuel des cinéphiles dans toutes les salles obscures de l’Eure, avec tous les films à 3,50 euros. Parmi les avant-premières proposées, « Gemma Bovery » a pour cadre Lyons-la-Forêt. L’ennui, ce ressort essentiel de Madame Bovary, semble avoir inspiré le réalisateur.
Fin août, c’est aussi l’époque du Festival de musique de chambre de Giverny. Depuis onze ans, de talentueux jeunes artistes et des musiciens chevronnés se rencontrent pour jouer ensemble. Tous les soirs ou presque, ils proposent un concert à Giverny ou aux environs, et c’est toujours éblouissant. Le programme met chaque année un compositeur contemporain à l’honneur, présent au festival, et dont une oeuvre spécialement composée pour le festival est créée.
Fin août enfin, c’est encore un peu les vacances… Le château de Bizy s’en est souvenu en organisant une soirée aux chandelles. Une ambiance chaleureuse et intime règne la nuit dans les grandes salles du château baignées par cette lumière. Un battement de cil, et on aurait cru voir entrer Louis-Philippe.
Portes ouvertes chez Bonnard
C’est la nouveauté des Journées du Patrimoine à Vernon : ce week-end, l’ancienne maison de Pierre Bonnard, La Roulotte, ouvre pour la première fois ses portes au public. Ses nouveaux propriétaires ont acheté la maison l’an dernier par coup de coeur et admiration pour l’artiste.
Voilà des années que je grillais de voir l’intérieur de cette propriété privée, qui figure si souvent sur les tableaux de Bonnard entre 1910 et 1938.
Les murs n’ont pas changé, ni la vue sur le val de Seine. La terrasse et le gros tilleul sont toujours là. Tout le long de la maison court toujours la balustrade si typique de l’époque. A l’intérieur, pourtant, on ne retrouve pas grand chose, la maison a été modernisée.
On se console avec une belle expo sur le hameau de Vernonnet où se dresse La Roulotte. Ce hameau se dénommait les Fourneaux du temps où on y fabriquait de la chaux. Avec l’arrivée du train et la mode du canotage et de la villégiature en bord de Seine a surgi un hôtel style pension de famille. L’hôtel dénommé « A ma campagne » a donné son nom au hameau.
Le terme bien en vigueur au début du 20e siècle désigne selon le Larousse de 1928 une « propriété rurale, habitation de plaisance ». pour ceux qui n’avaient pas les moyens de posséder une résidence secondaire, le petit hôtel de Vernonnet pouvait en tenir lieu. Où allez-vous cet été ? Je vais à ma campagne…
Les îles fantômes
En juillet, après la fenaison, les prés qui s’étendent dans la vallée de la Seine entre Vernon et Giverny laissent apparaître un réseau de lignes d’un beau vert, autour de zones plus sèches. Sur place, on voit qu’elles correspondent à des fossés où le sol reste humide même au coeur de l’été. Ce sont des bras asséchés du fleuve, qui entouraient jusqu’au 19e siècle tout un puzzle d’îles.
Les cartes anciennes révèlent que ces petites parcelles de terrains ceints par la rivière portaient toutes des noms, tout comme les îles qui subsistent encore à Vernon dans le lit du fleuve : l’île Corday, l’île du Talus, l’île Saint-Jean…
Parmi celles qui ont disparu figurait l’île aux Hortils. Hortil vient du latin hortus, le jardin, un lieu clos où l’on fait pousser fruits et légumes. On maraîchait beaucoup sur les îles, où le sol est riche, meuble, et où on a sous la main toute l’eau nécessaire à l’arrosage. A Amiens, les célèbres Hortillonnages sont toujours cultivés.
De nos jours, les anciennes îles ont été reconverties en prés à vaches, en terres à maïs. Là où elles sont hélas devenues des friches, les mauvaises herbes prospèrent sur ces sols fertilisés et riches en nitrates. Surtout les orties, qui peuvent y atteindre des tailles impressionnantes.
Je n’ai pas de certitude quant à l’étymologie, mais il ne serait pas étonnant que la fameuse île aux Orties de Monet, où il possédait un hangar à bateaux, ait été à l’origine une île aux Hortils. Ceci expliquerait cela.
Journées du Patrimoine
Sur l’une des portes du garage situé dans la pittoresque ruelle Malot à Vernon, on lit encore « Vitrerie », sur l’autre « Peinture ». La porte de gauche annonce le prénom : Alfred, celle de droite, le nom : Rouge.
A l’écriture des majuscules, et surtout à cause de ce prénom, on devine que l’inscription ne date pas d’hier. On aimerait bien en savoir un peu plus sur cet atelier…
L’une des visites proposées dimanche matin dans le cadre des Journées du Patrimoine à Vernon partira sur les traces de ces inscriptions disséminées aux quatre coins de la ville, il sera notamment question des palais, un mot qui a tout de même une autre allure que bazar, et des cafés.
La visite est conduite par un Vernonnais de toujours, qui connaît son Vernon comme sa poche.
Dimanche, on pourra aussi en apprendre long sur le vitrail de Décorchemont de la mairie, que les Vernonnais voient tous les jours mais dont bien peu connaissent le processus de création.
Ce sont ces découvertes originales, ces angles insolites qui font tout l’agrément des Journées du Patrimoine partout en France, et maintenant aussi dans le monde.
En plus, bien sûr, de pouvoir pousser des portes d’habitude fermées à clé. A Vernon, ce sera encore une fois celle de la tour des Archives, qui offre un si joli panorama sur la ville, après l’ascension de 99 marches. Et les caves de l’Office de Tourisme, qui valent la peine d’en descendre quelques-unes de plus. S’il leur reste des jambes, les visiteurs ne manqueront pas la découverte du buffet d’orgues de la collégiale, c’est un grand moment de se retrouver là-haut.
Le programme complet est en ligne sur le site de la ville. Et comme d’habitude, il impose des choix cornéliens. Partir sur les traces de l’Hôtel-Dieu et du Vernon ducal, samedi à 15h, ou se faire expliquer comment analyser le format et le cadrage d’un tableau ? Je suis sûre que c’est pareil chez vous.
Anticléricalisme
Est-il logique, dans une ville de carrières telle que Vernon, où l’on extrait la craie depuis mille ans des coteaux de Vernonnet, de ne pas utiliser la pierre locale pour construire la mairie ? Pour quelle raison être allé chercher le matériau à plus de cent kilomètres, dans l’Oise, et avoir bâti la maison commune vernonnaise en pierre de Saint-Maximin ?
Les archives municipales, où sont consignés les procès verbaux des conseils municipaux du 19e siècle, lèvent un coin du voile sur cette mystérieuse affaire. D’une belle écriture soignée qui court sur des pages sans jamais être interrompue d’une rature, l’employé de mairie rapporte les débats suscités par le projet de construction de l’hôtel de ville.
C’est l’année 1893, pour une construction qui va débuter en 1894. Les entreprises vernonnaises sont sollicitées pour fournir la pierre de la mairie. Mais l’affaire ne se fera pas : le mètre cube qui n’a qu’à franchir la Seine est proposé plus cher à la ville que la pierre de l’Oise, livrée à destination !
Un second argument vient clore le débat : le stock est insuffisant. Impossible de se lancer dans la construction sans être certain de pouvoir la mener à bien.
Voilà du moins les raisons officielles, et il en faut. Mais l’examen de la personnalité du maire de l’époque, Adolphe Barette, porte à croire qu’elles ne sont pas les seules, ni les plus essentielles.
Barette avait de bonnes raisons de ne pas vouloir faire affaire avec les carriers vernonnais : ils allaient à la messe ! Pour un maire aussi anticlérical que lui, c’était là un péché impardonnable.
Ses convictions ont poussé l’élu à trouver un prétexte pour retirer le marché à ses concitoyens, et à le confier à des carriers plus éloignés, mais qui pensaient selon son coeur : à Saint-Maximin, ils étaient réputés communistes.
Les pleins et les déliés si propres des procès verbaux municipaux masquent une authentique mauvaise foi.
François Décorchemont
Ce vitrail à l’aspect si juvénile est l’oeuvre d’un octogénaire. François Décorchemont, maître-verrier eurois, a 84 ans quand il compose cette verrière pour l’hôtel de ville de Vernon.
On est en 1964, et c’est peu dire que Décorchemont est en pleine possession de son art. Depuis plus de trente ans il a mis au point une technique extraordinaire, unique en son genre. Au lieu de découper les morceaux de verre, il les fond.
Le maître-verrier prépare tous les matériaux lui-même. Il se procure, chez Daum, des bouts de cristal qu’il pile, mélange avec des oxydes et fait fondre au four.
Le cristal coloré ainsi obtenu est à son tour broyé pour faire de petits fragments rangés par couleurs dans des pots.
Décorchemont façonne alors un moule en terre réfractaire en suivant le carton du vitrail qu’il a préparé. Dans chaque alvéole il verse les brisures colorées, qui vont fondre à la chaleur et prendre la forme du moule.
Une fois refroidis, les morceaux de vitrail sont démoulés et mis en place, maintenus par un cadre de fer. Nouvelle innovation, les joints sont faits au ciment et non au plomb.
L’originalité de cette technique permet à Décorchemont d’obtenir des effets inédits dans ses morceaux de verre, dont les couleurs peuvent être mouchetées, marbrées, au gré de son inspiration, en mêlant deux tons dans les creusets.
Regardez les riches teintes de la cape rouge, ou encore l’aspect pommelé des chausses de ce personnage !
Décorchemont pratique aussi, je ne sais comment, des hachures et des stries dans la pâte de verre. On les retrouve partout, dans l’eau, sur la tunique du personnage bleu, sur celle de saint Louis, dans les magnifiques troncs d’arbres… Elles donnent mouvement et vie à la scène.
Contrairement aux maîtres-verriers du Moyen Âge qui peignaient les détails, Décorchemont ne redessine rien sur ses vitraux, pas même les traits du visage : il les obtient en opacifiant au ciment les creux qu’il a ménagés sous forme de reliefs dans son moule. Il en résulte une stylisation des personnages qui leur donne beaucoup de lisibilité et qui m’évoque la ligne claire de la bande dessinée.
Cette simplicité n’est qu’apparente. Car Décorchemont, pour son oeuvre religieux, a étudié à fond le symbolisme médiéval, la Légende dorée, les textes sacrés. Il est logique que cette connaissance des valeurs cachées des motifs se retrouve aussi dans son oeuvre profane.
C’est le cas ici, malgré la présence de saint Louis. La verrière installée dans l’escalier d’honneur de la mairie représente l’origine des armes de la ville, octroyées par Louis IX à Vernon un jour où, après une longue chevauchée, des Vernonnais lui offrirent des bottes de cresson pour se rafraîchir.
Le blason de Vernon porte trois bottes de cresson, elles sont ici toutes les trois, l’une dans les mains du roi, l’autre dans celles du personnage à la cape, la troisième en train d’être cueillie par l’homme en bleu.
Décorchemont a profité de cette scène au bord de l’eau pour rappeler l’origine du lys royal. Le roi porte un manteau semé de fleurs de lys, qui sont la représentation héraldique de l’iris jaune. Les iris sauvages ont l’air de quitter la berge où ils poussent pour partir à l’assaut de son vêtement.
Enfin, en 1964, difficile de ne pas voir dans les nénuphars du premier plan un discret hommage au maître de Giverny.
Saint Louis goûtant le cresson à la fontaine de Tilly, verrière de François Décorchemont, 1964, hôtel de ville de Vernon.
Victimes de la mode
Le détail ne vous aura pas échappé, surtout si vous aimez écouter de la musique ailleurs que dans votre salon : après les oreillettes ultra-discrètes, voici revenu le temps des écouteurs balèzes, les gros casques noirs qui ne passent pas inaperçus. Les mélomanes trouvent leur son meilleur.
Malgré leur esthétique discutable ces écouteurs ont un avantage par les temps qui courent, ils tiennent chaud aux oreilles, bien plaqués dessus avec leurs petites fronces.
J’étais quand même étonnée de constater que cette mode a fait des émules là où l’on s’y attendrait le moins : chez les statues.
Bon, pas n’importe quelles statues. Le port du casque n’est pas obligatoire pour elles, loin s’en faut. Ce sont des statues de la dernière génération, un groupe assez futuriste placé dans le square au bout du pont de Vernon.
Avec leurs têtes penchées, les personnages de People d’Olivier Gerval donnaient toujours l’impression d’être en train d’écouter quelque chose. Les voici démasqués, la vérité éclate au grand jour : c’est bel et bien ce qu’ils font, ils ont le casque sur les oreilles.
Comme la pluie révélant la silhouette de l’homme invisible, la neige matérialise la chose. Et bien sûr, on les comprend, ça doit aider à passer le temps quand on est une statue.
On ne saura pas sur quel programme interstellaire ils sont branchés. Mais visiblement il n’est pas convenable pour les enfants, le plus petit n’y a pas droit.
Cénotaphe
Qu’est-ce que c’est que ce truc au milieu des bois ? Dans la forêt de Bizy à Vernon, des centaines de promeneurs se posent chaque année la question. Le monument ressemble à un autel pour dire la messe. Mais un examen attentif révèle une inscription sur le côté : tombeau de Saint Mauxe. Au-dessous on aperçoit gravée dans la pierre la forme allongée d’un évêque reconnaissable à sa crosse et à sa mitre.
En fait, qu’on se rassure, le tombeau est vide. Les reliques de saints étaient bien trop précieuses pour qu’on les abandonnât enfouies dans la forêt.
L’autel est un cénotaphe, c’est-à-dire un monument commémoratif en forme de tombeau. Il a été élevé là en 1816 en signe de piété par la duchesse d’Orléans, première princesse de sang douairière, dans la forêt qui appartenait alors à son château de Bizy. On y célèbre parfois des messes en plein air.
Le cénotaphe remplace une chapelle plus ancienne, sans doute ruinée à la Révolution. Elle marquait l’emplacement où eut lieu un des nombreux miracles de Saint Mauxe. Celui-ci concerne directement ses reliques. Au Moyen-âge,
on avoit enchassé dans de l’argent l’os du bras de ce sainct Evesque, lors que l’impiété qui ne pardonne pas aux choses plus sacrees se glissa dans l’esprit de certains sacrileges mauvais garnements abandonnez de Dieu, lesquels desroberent ce precieux joyau qui estoit gardé assez negligemment.
Les voleurs prennent le chemin de la forêt où, « au pied d’un chesne », à l’aide d’un couteau, ils séparent l’argent de la relique. C’est alors que l’os vénérable
miraculeusement eslevé au sommet de cet arbre les toucha de frayeur, & sentans desja sur leur teste l’espee de la vengeance qui les menaçoit, ils s’enfuirent promptement à Ivry.
La relique est perdue jusqu’au jour où un brave homme venu ramasser du bois l’aperçoit dans l’arbre. On ordonne une procession générale, et
quelques-uns des assistans montans au chesne s’efforcerent de prendre la saincte Relique : ce qu’ils ne peurent jamais faire, car elle refuioit d’eux, allant de branche en branche de l’arbre où elle estoit.
On célèbre alors une messe en dessous du fameux chêne, et au moment où le prêtre parvient à l’offertoire les reliques « devallerent miraculeusement entre ses mains ». Une fois remises en lieu sûr, on bâtit une chapelle dans le champ où la messe avait été dite, chapelle qui devint un lieu de pèlerinage annuel. Quant aux voleurs, bientôt confondus grâce à une pièce à conviction, le couteau, « ils receurent une mort sortable à l’atrocité de leur forfaict » nous dit benoîtement l’abbé Théroude. Brrr ! On n’ose imaginer l’atrocité du châtiment.
(Citations : Les Cahiers Vernonnais N°26, Vie de Saint Mauxe par l’abbé Théroude.)
Delbrouck
Cette partie de l’école du centre de Vernon n’est pas une merveille d’architecture, avec sa façade austère en brique sombre comme on les affectionnait au 19ème siècle. Mais les édiles qui l’on fait construire n’avaient pas cette ambition, ils voulaient une école pratique et pas trop chère.
Voilà tout de même 150 ans que le bâtiment remplit son office. Il est dû à un drôle de bonhomme, l’architecte Joseph-Louis Delbrouck.
Pendant environ dix ans, à partir de 1857, Delbrouck a été l’architecte attitré de la ville de Vernon. Avait-on besoin d’un hôpital, d’un abattoir, d’un établissement scolaire, d’un presbytère, d’un marché couvert, ou même d’une usine à gaz, on ne s’embarrassait pas à faire de longs concours d’architecture (la mode en viendra à la fin du siècle), on confiait le projet à Delbrouck, et quelques mois plus tard comme par miracle on avait les plans. C’était fonctionnel et solide.
L’école primaire que voici a donc été dessinée en 1858. A cette époque le maire de Vernon était le châtelain de Bizy, Louis-Napoléon Suchet, duc d’Albufera, un bonapartiste convaincu qui soutenait l’empereur Napoléon III.
La collaboration de cette mairie avec un Delbrouck, c’est le mariage de la carpe et du lapin. Notre architecte ne faisait pas mystère de ses idées de gauche. Tout jeune il a pris une part active aux clubs d’ouvriers. Adepte du socialisme coopératif, il déploie un tel activisme qu’il finit par faire de la prison comme détenu politique.
C’est sans doute pour se ranger des voitures, et parce qu’il n’arrive pas à percer à Paris qu’il s’installe à Vernon, d’où la capitale est à la fois éloignée mais facile d’accès.
C’est un bosseur, Delbrouck. Peut-être est-ce la qualité qui a séduit le duc. Le tandem se lance dans des projets d’envergure.
L’heure est à l’urbanisme, c’est l’époque où le baron Haussmann redessine Paris. A Vernon le maire veut bâtir un nouveau pont sur la Seine, un peu à l’écart du précédent, et ouvrir une percée à travers la ville dans le prolongement du pont.
Ce sera la rue d’Albufera. Mais la nouvelle voie passe en plein milieu de l’hôtel-dieu. Pas grave, on va le refaire ailleurs.
Voilà comment Delbrouck se retrouve chargé de concevoir l’hôpital de Vernon, sans doute son plus grand projet, avec une aile réservée aux civils et l’autre aux militaires.
Cet hôpital n’existe plus aujourd’hui, pas plus que les immeubles cossus qui ouvraient la rue d’Albufera à chaque extrémité, et où Delbrouck s’était réservé un appartement.
Mais l’école du centre, agrandie par la suite, reste un exemple de son travail qui a marqué durablement les rues de la ville et des générations de ses habitants.
Etre ou ne pas être vert, telle est la question
Vernon semper viret, c’est la devise de Vernon : Vernon toujours vert. Une contre-vérité manifeste qui, bien qu’assez attendrissante de forfanterie, a quelque chose de gênant.
Je viens enfin de comprendre l’histoire de cette devise, grâce à un éminent conférencier de la société savante locale, le Cercle d’Etudes Vernonnais.
La ville ne porte pas très bien cette maxime parce que le costume n’a pas été taillé pour elle.
Le sous-titre publicitaire n’a été appliqué à la ville de Vernon que sur le tard, au milieu du 17e siècle.
C’est de la récup. Au départ, nous a révélé le conférencier, la devise est celle de la famille des Vernon.
J’ai failli me taper le front. Ah ! Voilà qui fait sens ! Ces nobles personnes se proclament toujours vertes, toujours vaillantes, prêtes à, disons, combattre, avec toute la fougue de la jeunesse !
La ville de Vernon, en panne de devise, ne s’est pas cassé la tête à en forger une nouvelle. Elle a repris à son compte celle de la famille dont elle est le berceau.
D’accord, me direz-vous, mais comment l’idée de cette devise est-elle venue aux Vernon ?
Eh bien, les Vernon, qui étaient bien entendu de fins latinistes, connaissaient l’adage : Ver non semper viret, le printemps ne verdit pas toujours. La formule est attestée depuis le 13e siècle. Je ne sais pas trop comment il faut la prendre, est-ce à dire que la jeunesse ne tient pas toujours ses promesses ?
Quoi qu’il en soit les Vernon on détourné l’adage pour lui répondre par une affirmation bien sentie. Ver non semper viret, Vernon semper viret !
Après la conquête de l’Angleterre par Guillaume en 1066, de nombreux chevaliers normands se sont installés de l’autre côté de la Manche. Les Vernon sont devenus une importante famille en Grande-Bretagne. A tel point que Shakespeare met en scène des personnages nommés Vernon dans ses pièces Henry IV et Henry VI, et qu’il a chanté les Vernon dans des poèmes.
Mais bon, il n’y en a quand même pas dans Hamlet.
Juste avant la rentrée
Depuis ce matin les cours d’écoles et autres établissements scolaires ont retrouvé leur animation.
Juste avant la rentrée elles offraient l’image de l’attente, étranges de vacuité et de silence estival, avec leurs bancs inutiles, leurs arbres dont l’ombre ne rafraîchissait personne.
Les salles de classe faisaient relâche derrière les volets clos. Pas de cris, d’appels, de rires. Aucune sonnerie de portable, pas la moindre note échappée d’un MP3. Manquait aussi le bruit lourd des sacs pleins de livres qu’on laisse tomber au sol…
L’attente a pris fin ce matin. Toute une génération de jeunes humains a repris les cours ! En même temps que les volets s’ouvrent, les préaux sont pris d’assaut.
C’est une rentrée sous la pluie, un temps bien fait pour ne pas regretter les vacances. Autant travailler.
La pluie dégouline le long des toits, chante dans les gouttières, ruisselle le long des trottoirs et sur les capuches avant d’être engloutie par les caniveaux. En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire elle et la rentrée auront effacé jusqu’au souvenir de l’été.
Les arbres cerclés de fer qui poussent dans les cours au milieu du bitume font une fois de plus de l’ombre pour rien. La couronne de leurs branches délimite un espace faussement abrité de la pluie, jusqu’à ce que leurs feuilles s’égouttent sur les cartables. Seraient-ils farceurs ? Si c’est le cas les platanes et les tilleuls doivent se réjouir de voir à nouveau la vie bouillonner autour d’eux.
Point du jour
Vernon possède une rue nommée rue du point du jour, elle est curieusement située à l’ouest du centre ville.
Certaines appellations demeurent mystérieuses, peut-être qu’un jour je découvrirai l’origine de ce nom poétique, dans un grand éclat de soleil qui viendra frapper la plaque de rue…
Pour l’instant, bien que ce soit une voie large et baignée de lumière, la rue du point du jour garde pour moi quelque chose d’obscur, comme si s’attachait à son nom une part des ombres de la nuit.
Quel joli moment, quand la ville sort de ses rêves nocturnes et que les façades émergent doucement du néant qui les enveloppait !
Le silence baigne les ruelles, pas une mouche ne bourdonne, pas un oiseau ne lui vole après.
Les passants ne passent pas encore.
La vie se tait derrière les volets clos.
Le soleil va réveiller l’orchestre de la cité en brandissant mille baguettes.
Il flotte dans l’air une odeur de croissants chauds.
Lever de soleil sur la Seine
J’envie les mariniers pour le spectacle de l’aube sur la Seine. Ils ont tout leur temps pour se repaître de la beauté du ciel et de l’eau.
Les automobilistes qui franchissent le pont de Vernon au petit jour ne peuvent jeter que de brefs coups d’oeil, à moins qu’il y ait de providentiels encombrements.
Pour éviter les rappels à l’ordre des conducteurs coincés derrière vous, tandis que vous ne parvenez pas à détacher les yeux de cette symphonie de bleus et d’ors, il est préférable de traverser le pont à pied. En trois cents mètres, cela laisse le temps de faire provision de magnifique.
L’effet se renouvelle, différent, tous les jours, comme si le fleuve et le ciel, pour célébrer leur union matinale, essayaient une infinité d’atours.
Alchimie d’automne
Hier, l’automne faisait l’arrogant. Il flamboyait de tous ses ors, qu’il jetait avec prodigalité.
Aujourd’hui, par une bourde de l’apprenti alchimiste qui s’est mêlé de la couleur du ciel, voici que l’or est changé en plomb. Le vent souffle, il arrache des feuilles jaunies qui ne sont plus qu’un souvenir de leur splendeur de la veille.
Quand le soleil reviendra, les feux de l’automne seront éteints. Il faudra attendre l’année prochaine pour retrouver cette magie éphémère, si courte qu’elle nous en semble plus précieuse encore.
Avec l’hiver, avec le gel, c’est le temps de l’argent qui succèdera à celui de l’or.
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